La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2017 | FRANCE | N°15BX04185

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2017, 15BX04185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 7 mars 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 3 310 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, la décision du 11 avril 2013 lui rappelant son obligation de s'acquitter de ladite somme et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 avril 2013 formé c

ontre la décision initiale du 7 mars 2013.

Par une ordonnance n° 1303838 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 7 mars 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 3 310 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, la décision du 11 avril 2013 lui rappelant son obligation de s'acquitter de ladite somme et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 avril 2013 formé contre la décision initiale du 7 mars 2013.

Par une ordonnance n° 1303838 du 12 octobre 2015, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 décembre 2015 et 29 octobre 2016, Mme C...B...épouseD..., représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 12 octobre 2015 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'ensemble des décisions du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) susmentionnées ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) la somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle s'est bornée à constater que la copie du recommandé avec accusé de réception de la lettre du 11 avril 2013 porte la mention " avisé non réclamé " sans rechercher " s'il résultait soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé avait, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste " ;

- en outre, la lettre succincte du 8 mars 2013, qui ne tend pas directement à l'annulation ou à la réformation de l'acte entrepris, en invoquant les moyens de fait et de droit propres à établir cette réformation, ne peut être regardée comme un recours gracieux et s'analyse ainsi comme une simple protestation ;

- ainsi, et contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, sa demande d'annulation des actes litigieux, présentée le 23 août 2013, n'était pas tardive, et donc était parfaitement recevable, le seul recours gracieux formé à l'encontre de la décision de I'OFII, daté du 26 avril 2013, reçu par les services de I'OFII le 30 avril 2013, ayant donné lieu à une décision implicite de rejet le 30 juin 2013, qui pouvait être contestée dans le délai de mois suivant la naissance de cette dernière décision ;

- si, par extraordinaire, la Cour devait considérer que sa lettre du 8 mars 2013 peut être regardée comme un recours gracieux, la notification de la décision du 11 avril 2013, qui serait intervenue le 16 avril 2013, est irrégulière, dès lors qu'aucun avis de passage ne lui a été remis à cette occasion, ce qui l'a conduite à n'être informée de l'existence de cette décision du 11 avril 2013 que fortuitement, lorsque son conseil a adressé à I'OFII, le 4 juillet 2013, une demande de communication des motifs du rejet du recours gracieux introduit le 26 avril 2013 ;

- si elle a eu connaissance du numéro de recommandé et de la date d'avis de passage du facteur, c'est en raison de la communication par I'OFII d'un mémoire en défense, présenté le 24 octobre 2013, devant le tribunal administratif de Toulouse, avec des pièces jointes comportant ces informations, ce qui l'a conduite alors à effectuer une réclamation auprès de la Poste en novembre 2013 ;

- sur le fond, la décision du 11 avril 2013 encourt la censure en raison de l'incompétence de son auteur, qui n'a pas apposé sa signature sur celle-ci conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'OFII a commis une erreur de fait en considérant qu'elle aurait déclaré que son frère, M. F...H...I..., était en position de travail dans la cuisine et qu'elle lui aurait fait bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée ;

- l'infraction n'est pas constituée dès lors qu'ainsi que l'a relevé le Tribunal des affaires de sécurité sociale dans un jugement du 28 juin 2013 annulant le redressement notifié par l'URSSAF le 17 mai 2010, son frère, M. F...H...I..., n'accomplissait aucun travail, a fortiori pour son compte, le 15 avril 2010, jour où son restaurant était fermé au public en raison du décès d'un membre de sa famille, dont le rapatriement du corps au Bangladesh était préparé ce jour-là ;

- surabondamment, il convient de préciser que, convoquée en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, elle a refusé, à juste titre, de reconnaître les faits de travail dissimulé, et que, pour l'heure, le ministère public n'a toujours pas engagé de poursuites à son encontre ;

- si elle a établi une promesse de contrat de travail pour son frère en 2010, c'est uniquement dans le cadre d'une demande de régularisation de sa situation administrative, de sorte que cet élément ne permet aucunement d'établir que l'intéressé travaillait au restaurant lors du contrôle effectué par les autorités policières ni même avant ledit contrôle ;

- par ailleurs, il ressort des déclarations effectuées auprès des services de police et des attestations produites que, le soir du contrôle, les membres de la famille s'étaient réunis au restaurant suite à un décès, et que si son frère se trouvait dans la cuisine c'était uniquement pour préparer le repas familial ;

- si l'OFII se prévaut d'une dénonciation anonyme adressée aux autorités policières pour démontrer que son frère aurait servi les clients du restaurant, cette dénonciation a été consignée dans un procès-verbal dressé le 15 avri1 2010 à 16h35, de sorte que le dénonciateur n'a pas pu, comme l'indique I'OFII, apercevoir M. F...H...I...en action de travail 15 avril 2010 à 21h30, heure de transport des policiers au restaurant le Mumbai ;

- si I'OFII sa prévaut enfin de ce qu'il était impossible à Mme B...et son conjoint d'assurer seuls et sans personnel la cuisine et le service du restaurant, dans la mesure où ils occupaient parallèlement un autre emploi en parallèle, il ressort des déclarations de M. F... que le restaurant faisait environ 10 à 15 couverts par semaine, ce qui leur laissait donc du temps pour se procurer d'autres ressources que celles, au demeurant très faibles, générées par le restaurant ;

- ainsi, aucune contribution ne pouvant lui être réclamée, la décision de contribution spéciale et d'émission d'un titre de perception sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation et doivent être annulées ;

- la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 avril 2013 est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle n'a pas donné lieu à la communication de ses motifs dans le délai d'un mois prévu par l'article 5 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, suivant sa demande formé en ce sens par télécopie du 4 juillet 2013, I'OFII s'étant simplement contenté de faire parvenir une copie de la décision du 11 avril 2013 sans répondre aux moyens de fait et de droit soulevés dans le recours introduit le 26 avril 2013 ;

- cette décision est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation pour les motifs que ceux qui ont déjà été indiqués ci-dessus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeE..., conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation de l'ordonnance attaquée du 12 octobre 2015 et au rejet de la requête d'appel ;

2°) à titre subsidiaire, à la validation de l'ensemble des décisions contestées ;

3°) à ce que soit mise à la charge de Mme C...B...épouse D...la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- dès lors que, le 8 mars 2013, l'appelante a présenté au directeur de l'OFII un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 11 avril 2013 qui, d'une part, comportait la mention des voies et délais de recours imposés par l'article R. 421-5 du code de justice administrative et, d'autre part, a été présentée à Mme B...le 16 avril 2011 avec l'indication de ce qu'un pli était tenu à sa disposition - ainsi qu'en atteste la mention " avisé " - mais qui n'a pas été réclamée par celle-ci, les délais de recours ont couru à compter de cette dernière date pour expirer le 16 juin 2013 ;

- à cet égard, le Conseil d'Etat considère que les indications sur l'enveloppe "non réclamé, retour à l'envoyeur" constituent des mentions précises, claires et concordantes, et que dès lors, il n'y a pas lieu à justifier d'une attestation du service postal ou par d'autres éléments de preuve que le préposé avait été effectivement avisé que ce pli était à sa disposition puisque ces justifications ne sont exigées qu'à défaut desdites mentions ;

- en outre, le courrier de réponse du 30 novembre 2013 de la Poste adressée à l'intéressée révèle qu'elle a eu connaissance de l'avis de passage puisque la Poste y fait expressément référence à la présentation de la lettre recommandée 2C007158299095 avisée le 17 avril 2013 ayant donné lieu à sa réclamation ;

- la lettre de l'intéressée du 8 mars 2013, qui fait suite à la décision de l'OFII du 7 mars 2013, par laquelle elle a fait connaître sa volonté de contester la mise en oeuvre de la contribution spéciale et indique entendre ne pas payer la sanction mise à sa charge, vaut recours gracieux contre cette décision, objet du rejet explicite de l'OFII du 11 avril 2013 ;

- ainsi, la seconde réclamation de l'intéressée formée par lettre du 26 avril 2013 n'a pu rouvrir les délais de recours contentieux ;

- il en résulte que la demande de première instance était tardive ;

- sur le fond, la lettre de rejet du 11 avril 2013 comportait la signature de son auteur dont la compétence ne saurait, dès lors, être mise en doute ;

- les procès-verbaux dressés par les autorités compétentes établissant l'infraction, visés à l'article L. 8251-1 du code du travail, établissent à eux seuls la matérialité des faits et font foi jusqu'à preuve du contraire, qui doit être rapportée par le contrevenant, ce que l'appelante ne fait pas en se bornant à procéder par simples dénégations, après avoir admis elle-même, lors de son audition, qu'elle avait établi un contrat de travail au profit de son frère, F...H...Uddin Khan pour son restaurant le Mumbai ;

- cette situation est corroborée par un arrêté préfectoral du 23 janvier 2010 portant refus de titre de séjour de F...H...Uddin Khan assorti d'une obligation de quitter le territoire français, qui indique explicitement que l'étranger " se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef cuisinier " ;

- Mme B...ne s'est pas assurée au préalable de la régularité de la situation administrative du ressortissant étranger qu'elle entendait embaucher et, le cas échéant, aurait dû s'abstenir de l'engager, faute d'avoir respecté la démarche des articles R. 5221-41, R. 5221-42 et R. 5221-4 du code du travail ;

- le fait que M F...H...I...soit un membre de la famille de Mme C... B...et qu'il ne travaillerait au restaurant que dans le cadre d'une aide familiale ne dégage pas l'intéressée de sa responsabilité et de ses obligations d'employeur ;

- ainsi, les faits établis par le procès-verbal suffisent à caractériser eux seuls l'infraction édictée à l'article L. 8251-1 du code de travail ;

- si Mme C...B...conteste l'existence d'une relation de travail entre elle et son frère, au motif que celle-ci suppose la réunion de trois critères, à savoir une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination, toutefois, la preuve de l'existence d'un lien de subordination entre l'employeur et ses employés, comme de l'existence de leur rémunération et de la nature des tâches effectuées par ces derniers pour le compte de l'employeur n'a pas à être rapportée pour que la contribution spéciale puisse être appliquée puisque le travail clandestin exclut précisément l'existence de toute instruction écrite, contrat de travail écrit, bulletin de salaire ou déclaration aux organismes sociaux et fiscaux ;

- à cet égard, la dénonciation par laquelle les représentants des forces de l'ordre ont été amenés à effectuer le contrôle suggère que F...H...Uddin Khan a, soit déjà été aperçu en action de travail, soit se trouvait en action de travail ;

- l'ensemble des déclarations des intéressés démontre que F...H...Uddin Khan travaillait depuis plus longtemps que le soir du contrôle et la fermeture exceptionnelle du restaurant, si elle avait existé, n'aurait pas remis en cause l'existence d'une situation de travail qui existait antérieurement au contrôle ;

- l'absence de poursuites par le ministère public à l'encontre de Mme C...B...et le fait que celle-ci ait refusé de reconnaître les faits dans le cadre d'une comparution de reconnaissance préalable de culpabilité sont sans incidence sur l'exigibilité de la contribution spéciale justifiée par le principe d'indépendance des poursuites pénales et administratives ;

- enfin, alors que le courrier du 26 avril 2013 constitue une seconde réclamation de l'intéressée à laquelle l'administration n'est pas tenue d'apporter de réponse, l'OFII a tenu informée l'administrée des motifs de la contribution litigieuse en lui transmettant le 4 juillet 2013 par voie électronique une copie de la lettre qu'il avait adressée le 11 avril 2013.

Par ordonnance du 31 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, désormais reprise dans le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 relatif au montant de la contribution spéciale instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle effectué par des agents de la police aux frontières, au cours de la soirée du 15 avril 2010, vers 21 h 30, au restaurant " Le Mumbai ", situé à Toulouse, dont Mme C...B...épouse D...assure la gérance, qui a conduit à l'interpellation de son frère, M. I...D...H..., ressortissant bangladais né le 31 décembre 1974 à Dhaka (Bengladesh), un procès-verbal d'infraction à la législation du travail pour l'emploi d'un ressortissant étranger non déclaré et non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France a été dressé. A l'issue de la procédure administrative contradictoire prévue à l'article R. 8253-3 du code du travail, engagée par lettre du 7 février 2011, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par une décision du 7 mars 2013, appliqué à Mme B...épouse D...la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail, d'un montant de 3 310 euros, qui a donné lieu à l'émission d'un titre de perception de la direction régionale des finances publiques (DRFIP) Midi-Pyrénées Haute Garonne en date du 21 mars 2013 adressé à l'intéressée. Après avoir informé l'OFII, par une lettre du 8 mars 2013, qu'elle n'entendait pas régler cette contribution, l'intéressée a été destinataire d'une lettre en date du 11 avril 2013 lui confirmant l'exigibilité de celle-ci. Puis, par un courrier du 26 avril 2013, Mme B...épouse D...a sollicité auprès du directeur général de l'OFII le retrait de la décision du 7 mars 2013 mettant à sa charge la contribution litigieuse. Mme B...épouseD..., qui doit être regardée comme sollicitant la décharge de la contribution spéciale litigieuse, relève appel de l'ordonnance du 12 octobre 2015 par laquelle la présidente de la 2ème chambre de tribunal a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation des décisions susmentionnées des 7 mars 2013 et 11 avril 2013 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours du 26 avril 2013.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...épouseD..., qui a sollicité l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle lors de l'enregistrement de sa requête le 24 décembre 2015, ait entrepris depuis lors des démarches auprès du bureau d'aide juridictionnelle en vue de compléter cette demande, qui est dépourvue de toute précision permettant de penser qu'elle remplirait les conditions pour bénéficier de cette aide. En outre, la condition d'urgence énoncée à l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 n'est pas remplie. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement Mme B...épouse D...à l'aide juridictionnelle.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date des décisions litigieuses : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. (...) / La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 dudit code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'ordonnance attaquée : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...). ".

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 7 mars 2013 et la décision implicite de rejet de la réclamation de Mme B...du 26 avril 2013 :

5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir pris connaissance de la lettre du 7 mars 2013 par laquelle le directeur général de l'OFII l'a informée de ce qu'elle était redevable de la somme de 3 310 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail, à l'issue de la procédure contradictoire mentionnée au point 1, Mme B...épouse D...a adressé à l'auteur de ladite lettre un courrier, daté du 8 mars 2013, rédigé dans les termes suivants : " Je viens de [recevoir] votre lettre [dans laquelle vous m'avez] demandé une somme de 3 310,00 euros, en fait j'ai contesté [ce] contrôle. Le 15 avril [2010] le resto [était] fermé [à cause] de décès, donc je ne paierai pas. Je suis au tribunal de Grande instance à Toulouse, vous pouvez contacter (...) mon avocat, ou bien (...) l'URSSAF (...). ". Contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, un tel courrier, par lequel Mme B...épouse D...s'est bornée à faire part à l'administration de son refus de régler la contribution litigieuse et qui ne comporte aucune demande tendant au retrait ou à l'abrogation de la décision du 7 mars 2013 ou, encore, au réexamen de sa situation, ne peut être regardé, eu égard à sa teneur, comme présentant le caractère d'un recours gracieux formé contre ladite décision, mais constitue une simple lettre de protestation de l'intéressée, alors même que, dans un courrier de réponse du 11 avril 2013, le directeur général de l'OFII a estimé devoir lui indiquer qu'il ne pouvait donner suite à son " recours ". En revanche, la lettre du 26 avril 2013 adressée par l'appelante à l'OFII par l'intermédiaire de son conseil, qui sollicite expressément le retrait de la décision du 7 mars 2013 après avoir exposé en détail les conditions d'interpellation de M. I...D...H...et indiqué que Mme B...n'avait " nullement employé un travailleurs étranger en méconnaissance des dispositions du 1er alinéa de l'article L. 8251-1 " du code du travail, présente un tel caractère, ainsi que l'indique d'ailleurs expressément son intitulé. Il résulte de l'instruction que ce recours gracieux formé le 26 avril 2013 par Mme B...contre la décision du 7 mars 2013 a été transmis à l'OFII par télécopie le jour-même, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, et qu'il était dès lors susceptible de conserver au profit de l'intéressée le délai de recours contentieux ouvert contre ladite décision. Du silence gardé par l'administration pendant deux mois sur cette réclamation est née, le 26 juin 2013, une décision implicite de rejet que l'appelante était recevable à contester dans le délai de deux mois mentionné à l'article R. 421-2 du même code, qui expirait en l'espèce le 27 août 2013.

6. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, la demande de première instance présentée par MmeB..., enregistrée le 23 août 2013, en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision du 7 mars 2013 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 avril 2013, n'était pas tardive.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 11 avril 2013 :

7. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposé par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis, et ce quand bien même le destinataire du pli allèguerait-il qu'il n'a jamais été informé de l'avis de passage du facteur (CE, N° 379693, 3 juillet 2015, M.A...).

8. Il résulte de l'instruction que l'avis de réception attaché au pli recommandé contenant la décision du 11 avril 2013 adressée par le directeur général de l'OFII à l'adresse de Mme B... au 39 rue de la Colombette à Toulouse (31000) et retourné à l'administration, comporte la mention " présentation le 16 avril 2013 " et que la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, y est cochée. Si l'appelante soutient qu'aucun avis de mise en instance du pli n'avait été déposé lors de la présentation du pli et qu'elle n'a eu connaissance du numéro de recommandé et de la date d'avis de passage du facteur que dans le cadre des débats de première instance devant le tribunal administratif de Toulouse, ce qui l'a conduite alors à effectuer une réclamation auprès de la Poste en novembre 2013, elle n'établit pas, par ses seules allégations, l'existence d'un quelconque dysfonctionnement du service public de distribution postale de nature à justifier sa carence à retirer le pli concerné au bureau de poste dans le délai de quinze jours imparti pour ce faire. A cet égard, dans la lettre de réponse qui lui a été adressée le 30 novembre 2013, La Poste a indiqué à l'intéressée qu'aucune suite favorable ne pouvait être donnée à sa demande après enquête au sein des services. Dès lors, la décision litigieuse du 11 avril 2013 doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à la date de présentation du pli à MmeB..., soit à compter du 16 avril 2013. Il résulte également de l'instruction que les délais de recours contentieux ouvert contre cette décision du 11 avril 2013, qui y étaient mentionnés ainsi que les voies de recours, n'ont pas été interrompus par la réclamation formée par Mme B...dans la lettre susmentionnée du 26 avril 2013, qui ne fait à aucun moment mention de cette décision et ne peut, dès lors, être regardée comme un recours gracieux formé contre celle-ci. Il s'ensuit qu'ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, la demande d'annulation de la décision du 11 avril 2013 enregistrée le 23 août 2013 au greffe du tribunal administratif de Toulouse, soit postérieurement à l'expiration des délais de recours contentieux, le 17 juin 2013, était tardive et, partant irrecevable.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...épouse D...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, faisant application des dispositions, précitées au point 4, du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 mars 2013 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 avril 2013. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'ordonnance attaquée dans cette mesure et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur cette demande présentée par Mme B...épouse D...devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 7 mars 2013 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux du 26 avril 2013 et de décharge de la contribution litigieuse :

10. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". En vertu de l'article L. 8253-1 de ce même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code (...), le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ". L'article L. 8113-7 de ce même code dispose : " Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. (...). ".

11. Il résulte de l'instruction que dans la soirée du 15 avril 2010, vers 21 h 30, des agents de la police aux frontières se sont rendus au restaurant " Le Mumbai " à la suite d'une dénonciation anonyme, effectuée le jour-même, selon laquelle son frère, M. I...D...H..., débouté à plusieurs reprises de ses demandes d'asile formées depuis son entrée irrégulière en France en septembre 2003, y travaillerait sans disposer des autorisations préalables requises. Il ressort des énonciations du procès-verbal établi le jour-même par un agent de la DDPAF de Toulouse que lors de l'arrivée des agents de police dans le restaurant, Mme B...épouse D...s'est rendue dans la cuisine en parlant à voix haute en langue bengla et qu'un homme, qui se trouvait " en position de travail " en train de préparer la cuisine, a pris la fuite en direction de la cour de l'établissement. Toutefois, et ainsi que le soutient à juste titre l'appelante, le seul fait qu'un procès-verbal dressé par le contrôleur du travail ou les services de police mentionnent qu'un étranger a été trouvé, lors d'un contrôle, " en position de travail " dans la cuisine du restaurant appartenant à un membre de sa famille, ne suffit pas à établir que l'intéressé effectuait ce travail en échange d'une rémunération, ni donc qu'il était engagé au service du gérant du restaurant, en l'absence d'autres éléments permettant de corroborer l'existence d'une relation de travail entre l'étranger concerné et le responsable du restaurant (CE, 82028, 4 décembre 1987, Office national d'immigration c/ Ramin Samadan). En l'espèce, il est constant que, le jour du contrôle diligenté par les services de police, le restaurant de Mme B...était fermé en raison du décès d'un des membres de sa famille, dont les proches étaient afférés à préparer le rapatriement du corps au Bengladesh, et que son frère n'effectuait ainsi pas la cuisine pour servir des clients de l'établissement mais, seulement, à des fins privées, au profit des membres de la famille réunis à cette occasion. En outre, et contrairement à ce que fait valoir l'Office français de l'immigration et de l'intégration intimé, ni Mme B...ni son frère n'ont reconnu, lors de leur audition par les services de police, que M. I...D...H...travaillait au restaurant Le Mumbai en contrepartie d'une quelconque rétribution. Enfin, la seule circonstance que, dans le cadre d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail formée par M. I...D...H...le 16 février 2010 auprès des services de la préfecture, l'intéressé ait produit à l'appui de ladite demande un contrat à durée indéterminée établi par sa soeur, en qualité de chef cuisinier au restaurant le Mumbai, ne saurait suffire à établir que Mme B...épouse D...l'occupait en violation des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail. Il s'ensuit qu'ainsi que le soutient l'appelante, c'est à tort que, par les décisions contestées, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a réclamé, pour ce motif, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du même code.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...épouse D...est fondée à demander l'annulation de la décision du 7 mars 2013 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé par lettre du 26 avril 2013 ainsi que, par voie de conséquence, la décharge de la somme litigieuse de 3 310 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme C...B...épouseD..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 2, Mme B...épouse D...n'est pas admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dès lors, son avocat ne peut utilement se prévaloir de l'application combinée des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 pour solliciter le versement, à son profit, d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1303838 du 12 octobre 2015 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée en tant qu'elle a rejeté comme irrecevable la demande de Mme B...tendant à l'annulation de la décision du 7 mars 2013 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 avril 2013.

Article 2 : La décision du 7 mars 2013 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par Mme B...épouse D...le 26 avril 2013 sont annulées.

Article 3 : Mme B...épouse D...est déchargée de la somme de 3 310 euros réclamée au titre de la contribution spéciale.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...épouse D...et les conclusions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouse D...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2017.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX04185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX04185
Date de la décision : 13/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Interruption et prolongation des délais - Interruption par un recours administratif préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BENHAMIDA DJAMILA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-13;15bx04185 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award