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02/11/2017 | FRANCE | N°17BX01975

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 02 novembre 2017, 17BX01975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du préfet de la Charente du 14 janvier 2017 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700317 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2017, M.C..., représent

é par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du préfet de la Charente du 14 janvier 2017 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1700317 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2017, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 mai 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente du 14 janvier 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer un titre de séjour et de travail et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie, le refus de séjour est entaché d'un vice de forme ;

- si le préfet a retenu que sa compagne serait titulaire d'un titre de séjour provisoire, celle-ci bénéficie toutefois d'une carte de résident de dix ans, renouvelable de plein droit. En outre, la stabilité et la sincérité de son union est justifiée par l'existence d'un pacte civil de solidarité conclu en novembre 2015, par de nombreux témoignages et des documents administratifs, notamment fiscaux. Il est par ailleurs inscrit comme responsable légal de l'enfant de sa compagne, A..., auprès des autorités scolaires. Enfin, le préfet a omis d'indiquer la présence en France de son frère, de nationalité française, avec lequel il a toujours été en relation proche. L'appréciation de sa situation par le préfet est ainsi fondée sur des faits erronés ;

- la décision de refus de séjour a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le respect de son droit à une vie privée et familiale normale. Sa situation personnelle est celle d'un homme résidant en France depuis 2009. Il n'est jamais resté inactif, a notamment été déclaré par les Compagnons d'Emmaüs au service des plus démunis, et est parfaitement intégré. Il élève avec sa compagne l'enfant française de cette dernière, dont le père biologique se désintéresse. Il s'en occupe au quotidien, est le référent et responsable de l'enfant pour tous, notamment pour les autorités scolaires, suit sa scolarité, l'emmène et va régulièrement la chercher à l'école, notamment lorsque la mère travaille. Il n'a plus aucune attache effective au Congo, pays qu'il a quitté depuis huit ans. Il n'a pas élevé les enfants qu'il a eus d'une précédente union, et n'a plus de relations avec eux ou leur mère. Le préfet a manifestement mal apprécié l'ensemble de sa situation personnelle et familiale ;

- l'intérêt supérieur de A...est de continuer à avoir auprès d'elle la figure paternelle qui l'élève et s'en occupe au quotidien, avec sa mère, depuis ses 16 mois. On ne saurait contraindre cette enfant, française, à n'avoir que le choix d'être soit séparée de cette figure paternelle, soit déracinée et contrainte de quitter le pays dont elle a la nationalité pour suivre ce dernier avec sa mère au Congo, à supposer d'ailleurs qu'elle puisse être admissible dans ce pays. Il est curieux à cet égard que le préfet ait retenu l'intérêt supérieur de ses enfants demeurant au..., alors qu'il ne les a pas élevés et n'a plus de relations ni avec eux ni avec leur mère qui les élève depuis plus de dix années ;

- la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi sont nulles en conséquence des nullités affectant le refus de séjour sur lequel elles se fondent nécessairement.

Par ordonnance du 24 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2017 à 12 heures.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2017, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- dès lors que M. C...ne justifiait pas remplir les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision de refus ;

- s'agissant des erreurs de fait invoquées par M.C..., il s'avère que sa compagne était titulaire d'un titre de séjour temporaire à la date de l'arrêté et qu'il n'établit pas avoir conservé des liens avec son frère résidant en France ;

- l'intégration du requérant n'est pas établie alors qu'il a fait l'objet d'une ordonnance pénale pour conduite sans permis ;

- si M. C...déclare à présent qu'il n'a plus de contact avec ses enfants restés au Congo et que leur mère a refait sa vie, il ne l'établit pas. Il ne démontre pas davantage que l'enfant de sa compagne, laquelle réside régulièrement sur le territoire français, aurait perdu tout contact avec son père biologique titulaire de l'autorité parentale et à qui incombe au premier chef la responsabilité de son éducation. L'atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de l'enfant de nationalité française de sa compagne n'est par suite pas établi. En revanche, il est dans l'intérêt supérieur de ses deux enfants, restés au Congo, de revoir leur père. Le certificat rédigé en mairie en juillet 2015 sur la base des déclarations du couple ne suffit pas à lui seul à établir que leur vie commune aurait débuté en 2014 comme l'affirme l'appelant. M. C...n'est pas isolé dans son pays d'origine et rien ne semble devoir faire obstacle à ce qu'il y retourne afin de solliciter un visa de long séjour pour pouvoir demeurer sur le territoire national en se soumettant à une procédure de regroupement familial.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant congolais né en 1976, est entré en France le 4 novembre 2009 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés le 26 février 2010, décision confirmée le 23 mars 2011 par la Cour nationale du droit d'asile. L'arrêté du 1er août 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pu être exécuté. M. C...a déposé le 17 novembre 2016 auprès du préfet de la Charente une demande de titre de séjour sur les fondements du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Charente, par un arrêté du 14 janvier 2017, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a fait obligation à M. C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient M.C..., la mention erronée dans l'arrêté en litige, pour regrettable qu'elle soit, que sa compagne était " titulaire d'un titre provisoire " alors qu'elle bénéficiait depuis le 16 novembre 2016 d'une carte de résident, ou l'absence d'indication de la présence en France de son frère, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il soit particulièrement proche, n'ont pas eu d'influence sur la légalité du refus de séjour en litige, alors que le préfet n'est au demeurant pas tenu de faire état de l'ensemble de la situation personnelle ou familiale de l'intéressé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : /(...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. M. C...fait valoir qu'il réside en France depuis près de sept ans, qu'il a conclu le 15 novembre 2015 un pacte civil de solidarité avec une compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans avec laquelle il partage une communauté de vie depuis novembre 2014, et qu'il participe à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français de sa compagne, âgée de quatre ans, dont le père se désintéresse. A supposer même établie la continuité de son séjour en France depuis 2009, il s'est maintenu près de quatre ans en situation irrégulière avant de solliciter sa régularisation. La durée de sa communauté de vie avec sa compagne de même nationalité n'est justifiée qu'à compter de leur déclaration commune de concubinage enregistrée en mairie le 28 avril 2015, soit moins de deux ans à la date de l'arrêté en litige, et aucun enfant n'est né de leur union. Il n'établit pas par ailleurs les liens anciens et durables qu'il allègue avec son frère de nationalité française, qui réside en région parisienne. Il n'est pas non plus dépourvu de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine, où demeurent.Congo Dans ces conditions, et en l'absence d'éléments justifiant une intégration particulière dans la société française de M. C..., nonobstant ses activités bénévoles, le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés, ni méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Charente n'a pas davantage entaché son refus de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du même code prévoit que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. "

6. Les éléments précités concernant la situation personnelle et familiale de M. C...ne sauraient à eux seuls constituer des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les circonstances qui auraient motivé sa fuite du Congo ne sont pas établies. Par suite, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si M. C...soutient que le refus de séjour qui lui a été opposé entraînerait une séparation avec l'enfant français de sa compagne, qu'il élève, cette décision n'a pas pour effet de priver la jeune A...de tout lien familial dans la mesure où elle vit avec sa mère, établie régulièrement sur le territoire français, et le requérant n'établit pas par ailleurs exercer l'autorité parentale sur cet enfant. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M.C..., qui a pris en compte l'existence de ses deux filles au Congo, aurait méconnu les stipulations précitées doit être écarté.

9. En cinquième lieu, le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité au titre, notamment, de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. M. C...ne remplissant pas, comme il vient d'être dit, les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11, le moyen, soulevé nouvellement en appel et tiré de ce que la décision portant refus de séjour dont il a fait l'objet aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir consulté la commission du titre de séjour, doit être écarté.

10. En sixième et dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi seraient dépourvues de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 novembre 2017.

Le président-assesseur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président-rapporteur,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 17BX01975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01975
Date de la décision : 02/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-02;17bx01975 ?
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