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02/11/2017 | FRANCE | N°16BX03319

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 02 novembre 2017, 16BX03319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Avir a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, de condamner la commune du Verdon-sur-Mer à lui payer la somme de 1 750 000 euros en indemnisation du préjudice qui lui a été causé par la délivrance de documents d'urbanisme erronés, et d'autre part, de condamner cette commune à procéder à l'évacuation complète des ordures qui ont été déposées sur le terrain qui lui appartient, formé des parcelles cadastrées BR n° 1, 2, 3, 4 et 5 et BP n° 1 et 2, et de remettre les

lieux en état dans un délai de trois mois à compter du jugement à intervenir, sous a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Avir a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, de condamner la commune du Verdon-sur-Mer à lui payer la somme de 1 750 000 euros en indemnisation du préjudice qui lui a été causé par la délivrance de documents d'urbanisme erronés, et d'autre part, de condamner cette commune à procéder à l'évacuation complète des ordures qui ont été déposées sur le terrain qui lui appartient, formé des parcelles cadastrées BR n° 1, 2, 3, 4 et 5 et BP n° 1 et 2, et de remettre les lieux en état dans un délai de trois mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1101134 du 14 mars 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01306 du 25 juin 2015, la cour de céans a rejeté la requête de la société Avir.

Par une décision n° 393053 du 6 octobre 2016, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 16BX03319, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société Avir, a annulé l'arrêt n° 13BX01306 du 25 juin 2015 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 mai 2013, le 29 mai 2015, le 20 juillet 2017 et le 14 septembre 2017, la société Avir représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1101134 du 14 mars 2013 ;

2°) de condamner la commune du Verdon-sur-Mer à lui verser la somme de 672 332,79 euros au titre du préjudice financier lié à l'acquisition d'un terrain inexploitable pour un camping ;

3°) d'enjoindre à la commune du Verdon-sur-Mer de remettre le terrain en état en enlevant les déchets inertes et ménagers, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de l'arrêt et ce sous astreinte de 1 300 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire de condamner la commune de Verdon-sur-Mer à lui verser la somme de 5 702 313,40 euros au titre des frais de dépollution du site ;

5°) de condamner la commune du Verdon-sur-Mer à lui verser la somme de 2 063 760 euros en réparation de son préjudice lié à l'impossibilité d'exercer une activité de camping ;

6°) de condamner la commune à lui verser des intérêts aux taux légal avec capitalisation des intérêts ;

7°) à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert afin d'évaluer l'ensemble des préjudices subis ;

8°) de mettre à la charge la commune une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a reconnu l'existence d'une faute dans la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés ;

- la commune a commis une faute en ne prenant pas les mesures nécessaires pour enlever les dépôts sauvages d'ordures ménagères existants sur ses parcelles ; la commune est à l'initiative de la création et de l'exploitation de la décharge composée de déchets ménagers ; le maire de la commune n'a pas fait usage des pouvoirs de police qu'il détient, que ce soit au titre de la police administrative générale ou au titre de la police administrative spéciale ;

- la commune a également commis une faute en ne respectant pas sa promesse de classer en zone constructible ses terrains ; la durée anormalement longue de la procédure de révision du plan local d'urbanisme est également fautive ;

- le classement en zone UKai était incompatible avec le classement opéré par le schéma directeur de la pointe du Médoc ; en ne portant pas ce renseignement à sa connaissance, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- il est nécessaire de désigner un expert pour évaluer l'ensemble des préjudices subis ;

- elle a subi un préjudice financier lié à l'acquisition des terrains qui sera fixé à la somme de 672 332,79 euros ; la présence de détritus sur le terrain a une influence sur la valeur vénale des terrains et empêche tout projet de cession ultérieure ; le préjudice lié à l'état des terrains et à la nécessaire remise en état de ces terrains pourra être évalué à la somme de 5 702 313,40 euros ; l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de pouvoir exploiter un camping constitue un préjudice indemnisable à hauteur de la somme de 2 063 760 euros ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juillet 2013, le 17 janvier 2017 et le 8 septembre 2017, la commune du Verdon-sur-Mer conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la société Avir une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune n'est pas responsable du dépôt d'ordures sauvage sur le terrain ; il n'existait pas de péril imminent justifiant l'intervention du maire de la commune au titre de ses pouvoirs de police administrative générale ; compte tenu de l'ancienneté des dépôts de déchets il n'y avait pas urgence à les retirer et il est impossible pour la commune d'établir avec exactitude le ou les responsables de ces dépôts ;

- dès lors que l'état de pollution du sol n'était pas connu par la commune, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ; ces dispositions n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge de la commune une obligation générale d'élimination des déchets ménagers à ses frais au titre de son pouvoir de police des déchets ; ce texte impose seulement qu'en cas d'échec de la mise en demeure au détenteur des déchets, le maire doit procéder à cette élimination ; il était impossible pour la commune de procéder à la recherche de l'auteur des dépôts dans un délai de deux mois, ni d'apprécier l'existence d'une atteinte particulièrement grave à l'environnement au regard de l'état du terrain de la société requérante, puisqu'il est établi que les déchets déposés constituent des déchets inertes et ménagers mais non dangereux ; avant l'acquisition du terrain par la société Avir, celui-ci est resté inexploité durant quelques années après la fermeture du camping, sans surveillance en vue de limiter les risques de dépôts sauvages ; la société requérante en tant que propriétaire du terrain, semble répondre à la qualification de détenteur connu des déchets eu égard au comportement qu'elle a adopté entre la date d'achat du terrain le 9 février 2006, l'établissement du rapport du bureau d'étude Véritas en date du 6 décembre 2006, et sa demande d'évacuation des déchets auprès de la commune le 30 décembre 2010 ; la société Avir a attendu quatre ans avant d'alerter le maire et n'a pas informé le préfet ;

- on ne peut déduire du courrier du 9 mars 2005 que le maire se serait engagé à modifier le classement des parcelles ; l'éventualité du classement ultérieur du terrain en litige en zone constructible AU évoquée dans la note de renseignements d'urbanisme du 17 janvier 2006 n'y figurait qu'à titre d'intention et n'est dès lors pas de nature à engager la commune ; une éventuelle modification du zonage n'est pas de la seule responsabilité du maire de la commune, l'intervention des services de l'Etat est aussi nécessaire ;

- la commune ne s'est jamais engagée sur un quelconque délai pour procéder à la révision du plan d'occupation des sols ; la procédure de révision du schéma directeur de la pointe du Médoc s'est achevée par l'approbation du schéma de cohérence territoriale de la pointe du Médoc le 11 août 2011 ; le terrain de la requérante y est désormais classé en zone " espaces urbanisés projetés " ;

- le maire n'a pas commis de faute en omettant de mentionner que les dispositions du plan d'occupation des sols n'étaient pas compatibles avec celles du schéma directeur ; le classement des parcelles en cause en zone UKai, dans laquelle étaient autorisées, sous réserve de prescriptions spécifiques liées à son caractère inondable, la réalisation de terrains de camping caravaning sans habitations légères de loisirs ainsi que les constructions à usage d'habitation destinées aux logements de fonction ou de gardiennage des installations, n'était pas incompatible avec les dispositions du schéma directeur qui avaient classé les parcelles de terrain acquises par la société Avir en zone de " mattes ", définie comme une zone agricole d'intérêt naturel et paysager majeur au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

- les préjudices liés à l'acquisition des terrains ne sont pas établis ; la société Avir ne démontre pas avoir payé les impôts fonciers, ni avoir envisagé un projet d'aménagement qui se serait révélé irréalisable compte tenu des prescriptions d'urbanisme ; elle a pu vendre trois parcelles à un prix supérieur à celui de leur acquisition ; la société conserve quatre parcelles dont le classement a évolué dans le schéma de cohérence territoriale et doit évoluer dans le plan local d'urbanisme ; la commune ne peut être condamnée à indemniser la société Avir pour la dévalorisation du terrain liée à la présence de déchets dès lors qu'elle ignorait l'existence de ces déchets ; la société Avir ne démontre pas une situation de fragilité financière qui justifierait une indemnisation ; la société Avir ne peut demander l'indemnisation des frais qu'elle a engagés pour réhabiliter le terrain qu'elle a acquis ; le préjudice lié à un prétendu défaut de classement des parcelles n'est pas établi ;

- il n'est pas établi que la commune serait à l'origine de l'entreposage des déchets ; le stockage des déchets relève de la police des installations classées ;

- la note de renseignements d'urbanisme constitue une simple information non créatrice de droits ; à la date à laquelle la note de renseignements a été délivrée, la commune ignorait que les dispositions du plan d'occupation des sols applicables aux parcelles en cause n'étaient pas compatibles avec le schéma directeur ; la note relève que le conseil municipal a seulement exprimé le souhait que les parcelles soient classées en zone à urbaniser, une telle mention ne peut révéler l'effectivité d'un tel classement ; il s'agit clairement d'un souhait et non d'une obligation de résultat, l'établissement d'un plan local d'urbanisme notamment dans une zone littorale ne relevant pas du choix arbitraire d'une commune ; par ailleurs, un classement en zone AU ne signifie pas pour autant une ouverture à l'urbanisation et la reconnaissance d'une constructibilité immédiate ; la note d'urbanisme précise que le terrain pourrait être frappé par un emplacement réservé au bénéfice de la commune de Soulac sur Mer ; le camping était fermé et le terrain est en zone inondable ; la note de renseignement ne comporte aucune information erronée ; le classement en zone UK n'était pas illégal dans la mesure où le terrain était auparavant occupé par un camping et ne constituait pas un espace naturel ;

- la société Avir a commis une négligence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité en ne demandant pas la délivrance d'un certificat d'urbanisme ;

- contrairement à ce que soutient la société requérante, le Conseil d'Etat par sa décision en date du 6 octobre 2016 n° 393053 n'a pas validé dans leurs principes les montants des préjudices allégués puisque le Conseil d'Etat n'a aucunement reconnu la responsabilité de la commune, laissant cette appréciation aux juges du fond ;

- le préjudice lié à l'acquisition du terrain n'est pas établi et la réalisation du projet envisagé par la société Avir n'était pas certaine compte tenu des indications portées dans la note de renseignements ;

- le coût de la dépollution du terrain n'a pas à être pris en charge par la commune ; c'est à la commune qu'il appartient le cas échéant de mettre en demeure la société, et non l'inverse ; les demandes indemnitaires portant sur des devis relatifs à un réaménagement du terrain et à des travaux réalisés par la société Avir constituent des demandes nouvelles irrecevables, le contentieux n'ayant jamais été lié pour ce type de prestations ; au demeurant, ces dépenses sont sans lien avec le litige et l'entretien du terrain est estimé à des montants sans rapport avec sa surface ; la démolition des bâtiments en mauvais état dès l'origine relève d'une décision de gestion de la société ;

- le préjudice lié à la perte d'exploitation correspond également à une demande nouvelle faute de liaison du contentieux ; ce préjudice présente également un caractère purement éventuel, alors que la société avait acheté le terrain dans la perspective de le revendre ;

- il n'est pas nécessaire de procéder à une expertise.

Par ordonnance du 4 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 14 septembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la SARL Avir et celles de Me C..., représentant la commune de Verdon-sur-Mer.

Une note en délibéré présentée pour la SARL Avir a été enregistrée le 11 octobre 2017.

Considérant ce qui suit :

1. La société Avir, qui exerce l'activité de marchand de biens, a acquis le 9 février 2006, au cours d'une adjudication judiciaire et au prix hors frais et charges de procédure de 470 000 euros, un terrain situé sur la commune du Verdon-sur-Mer, formé des parcelles cadastrées BR n° 1, 2, 3, 4 et 5 et BP n° 1 et 2 sur lequel un camping avait été exploité jusqu'en 2000. La société Avir a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune à lui verser une somme de 1 750 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutifs, selon elle, à la délivrance par la commune d'une note de renseignements d'urbanisme contenant des informations erronées, et de condamner la commune à procéder à l'évacuation complète des ordures déposées sur le terrain lui appartenant. Par un jugement n° 1101134 en date du 14 mars 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 13BX01306 du 25 juin 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société Avir contre ce jugement. Par décision n° 393053 du 6 octobre 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 13BX01306 du 25 juin 2015 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

3. En premier lieu, il ressort des écritures de première instance de la société Avir qu'elle a demandé la condamnation de la commune du Verdon à lui verser une somme de 1 750 000 euros au titre du seul préjudice en rapport avec la note de renseignement d'urbanisme erronée et la promesse de classement de sa parcelle non tenue. Par suite, elle n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel la condamnation de la commune à lui verser une somme de 5 702 313,40 euros en réparation des préjudices en lien avec la pollution de ses terrains, qui ne se rattache pas au même fait générateur. Dans ces conditions, la demande d'expertise ne peut qu'être rejetée.

4. En deuxième lieu, au titre du préjudice résultant de la note de renseignements d'urbanisme erronée et de la promesse de classement non tenue, la société Avir a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de conclusions tendant à la condamnation de la commune du Verdon-sur-Mer au versement d'une indemnité globale de 1 750 000 euros. Elle a présenté pour la première fois en appel des conclusions portant sur une somme de 2 736 092,79 euros, correspondant au préjudice financier lié à l'acquisition d'un terrain inexploitable pour 672 332,79 euros et au préjudice lié à l'impossibilité d'exercer une activité de camping pour un montant de 2 063 760 euros. Si ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur invoqué devant les premiers juges, ces prétentions ne demeurent.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle Dès lors, de telles conclusions, qui constituent une demande nouvelle en appel, doivent être rejetées comme irrecevables dans la mesure où elles portent sur une somme supérieure à 1 750 000 euros.

Sur la responsabilité de la commune du Verdon-sur-Mer :

En ce qui concerne les renseignements fournis dans une note d'urbanisme :

5. La note de renseignements délivrée par la commune du Verdon-sur-Mer au notaire chargé de la vente par adjudication des parcelles dont la société Avir est devenue propriétaire indiquait que les parcelles en question, d'une contenance totale de 447,22 ares, étaient situées en zone UKai du plan d'occupation des sols, dans laquelle étaient autorisées, sous réserve de prescriptions spécifiques liées à son caractère inondable, la réalisation de terrains de camping caravaning sans habitations légères de loisirs ainsi que les constructions à usage d'habitation destinées aux logements de fonction ou de gardiennage des installations. Dans la partie réservée aux observations et prescriptions particulières, la note mentionnait que : " dans le cadre de la révision du plan d'occupation des sols, le conseil municipal a exprimé le souhait que ces parcelles soient classées en zone à urbaniser (AU) ; la commune de Soulac-sur-Mer envisage sur ce terrain la création d'une pénétrante permettant d'accéder depuis la RN 215 à l'avenue de l'Europe ; le camping est fermé par arrêté municipal du 27/04/2000 ; zone inondable. " Le contenu de cette note a été confirmé dans une nouvelle note en date du 22 juin 2006. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, si la note de renseignements ne contenait aucune inexactitude sur le classement des parcelles en cause, elle ne mentionnait pas l'existence du schéma directeur de la pointe du Médoc, approuvé par le conseil communautaire de la communauté de communes de la pointe du Médoc le 12 mars 2002 et rendu exécutoire le 25 mars 2002. Or, les parcelles litigieuses ont été classées par ce schéma en zone de " mattes ", définie comme une zone agricole d'intérêt naturel et paysager majeur au titre de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, instituée en vue de préserver les espaces terrestres et marins ainsi que les sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Seuls des aménagements légers, dont la nature est précisée par l'article R. 146-2 du même code, peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Ce classement empêchait toute exploitation de camping et a fortiori toute urbanisation. Il résulte également de l'instruction que la commune n'a informé la société Avir de l'existence de ces dispositions du schéma directeur rendant impossible la réalisation du projet d'aménagement d'un terrain de camping qu'à l'occasion de la délivrance d'un certificat d'urbanisme indiquant que la réalisation d'un camping n'était pas possible le 7 juillet 2006, postérieurement à l'acquisition du terrain par la société Avir. La commune ne peut utilement faire valoir qu'elle ne connaissait pas, à la date de la délivrance de la note de renseignements, les dispositions du schéma directeur rendu exécutoire le 25 mars 2002 et elle ne peut davantage sérieusement soutenir que le classement des parcelles en cause en zone UKai serait compatible avec le schéma directeur et ne serait pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. De même, la circonstance que la commune ait demandé la modification du classement des parcelles en cause dans le cadre de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale qui a succédé au schéma directeur n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Enfin, alors qu'elle était en possession de la note de renseignements du 17 janvier 2006, la société Avir n'a pas commis de faute en ne sollicitant pas un certificat d'urbanisme avant l'acquisition des parcelles litigieuses. Par suite, l'omission dont est entachée la note de renseignements du 17 janvier 2006 est bien constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune du Verdon-sur-Mer.

En ce qui concerne une prétendue promesse non tenue :

6. Il résulte de l'instruction que la commune a indiqué à plusieurs reprises, notamment dans la note de renseignements du 17 janvier 2006, son souhait de modifier le zonage des parcelles en cause à l'occasion de l'élaboration du plan local d'urbanisme. Toutefois, un tel souhait ne saurait constituer une promesse dont le non respect constituerait une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune du Verdon-sur-Mer. De même, si la société requérante invoque une faute commise par la commune du fait d'un retard dans l'élaboration du plan local d'urbanisme, dont la révision engagée en 2003 n'avait pas abouti lorsqu'elle a sollicité une indemnité, alors que le schéma de cohérence territoriale a été adopté en 2011 et a classé les parcelles litigieuses en zone à urbaniser, elle ne démontre pas que ce retard pourrait être regardé comme fautif.

En ce qui concerne le préjudice lié à la délivrance de renseignements d'urbanisme incomplets :

7. Si la délivrance par le maire d'une commune d'une note de renseignements d'urbanisme incomplète quant au classement d'une parcelle est susceptible de constituer une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, cette responsabilité ne peut entraîner la réparation du préjudice allégué, si ce dernier est sans lien direct avec cette faute.

8. Dans le dernier état de ses écritures, la société Avir soutient en premier lieu avoir subi un préjudice financier lié à l'acquisition des terrains, qu'elle évalue à 672 332,79 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Avir, qui est un professionnel de l'immobilier dès lors qu'elle exerce l'activité de marchand de biens, avait acquis en février 2006 les parcelles au prix hors frais et charges de procédure de 470 000 euros, et avait accepté le risque de rencontrer, compte tenu de leur classement et de leur caractère partiellement inondable, des difficultés à les revendre. Elle a cédé dès 2006 trois des parcelles qu'elle avait acquises, en partie bâties, d'une superficie totale de 1,79 hectares, pour un montant de 215 000 euros ce qui représente un prix moyen à l'are d'environ 1 200 euros. Pour justifier de la perte de valeur des parcelles dont elle demeure propriétaire pour une superficie de 2,68 hectares, par rapport au prix fixé dans le cadre de l'adjudication, la société Avir se prévaut d'un rapport d'estimation fixant le prix moyen de l'are pour ces parcelles à environ 865 euros en tenant compte de leur caractère inconstructible. Toutefois, cette évaluation ne repose sur aucun terme de comparaison et la perte de valeur vénale alléguée en raison du caractère inconstructible des parcelles présente un caractère éventuel dès lors que, ainsi que cela ressort des écritures des parties, le schéma de cohérence territoriale de la pointe du Médoc approuvé le 11 août 2011 a classé le terrain litigieux en zone " espaces urbanisés ", classement compatible avec le zonage UKai défini par le plan d'occupation des sols alors en vigueur. En outre, les chiffres produits par la société requérante, qui résultent d'un " rapport d'expertise officieuse " pour évaluer les charges financières et directes liées à l'acquisition du terrain, ne sont justifiés par aucune pièce, et les frais de débroussaillage et remise en état engagés peuvent avoir été utiles en cas de revente. Ainsi, la société Avir ne démontre pas le caractère réel et certain d'un préjudice financier résultant de l'acquisition des terrains, en lien direct avec l'information incomplète par la commune sur les possibilités d'utilisation de ces parcelles. Toutefois, la circonstance que la situation du terrain en a empêché la revente dans un délai de quatre ans impliquait en application du régime fiscal des marchands de biens le versement de compléments de droits d'enregistrement avec majorations de retard. Le montant de ce préjudice, indiqué pour 49 618 euros dans l'expertise du cabinet Baradat, non contestée sur ce point, doit être regardé comme en lien direct avec la faute de la commune, qui doit par suite être condamnée à l'indemniser.

9. En deuxième lieu, si la société Avir demande la réparation d'un préjudice lié à la perte de chance d'exploiter un camping, elle n'établit pas avoir procédé à l'acquisition des parcelles en cause pour réaliser elle-même un tel projet, dont l'aboutissement n'était au demeurant pas assuré compte tenu des caractéristiques des parcelles, partiellement en zone inondable. Ce préjudice, dont les modalités de calcul ne sont au demeurant pas justifiées par des pièces corroborant les hypothèses de l'expertise comptable " officieuse " commandée par la société, qui omet en outre de chiffrer les investissements qui auraient été nécessaires pour aménager le terrain, revêt ainsi un caractère hypothétique qu'aucune expertise ne saurait utilement préciser.

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation de ces intérêts :

10. Comme demandé dans la requête introductive d'appel, la société Avir a droit aux intérêts de la somme de 49 618 euros à compter du 31 décembre 2010, date de la réception de sa demande préalable par la commune du Verdon, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts au 31 décembre 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

12. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : "La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, les troubles de voisinage (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature (...) " Le refus opposé par un maire à une demande tendant à ce qu'il fasse usage des pouvoirs de police que lui confèrent ces dispositions n'est entaché d'illégalité que dans le cas où, en raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales. En l'occurrence, il ne résulte pas de l'instruction que les dépôts sur le terrain de la société Avir aient constitué un danger grave et imminent nécessitant que le maire de Verdon-sur-Mer fasse usage desdits pouvoirs. Par suite, à supposer que les conclusions à fins d'injonction soient fondées sur l'illégalité du refus implicite de la commune de les mettre en oeuvre, elles ne peuvent qu'être rejetées

13. Aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 : " I.-Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours : 1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l'exécution de ces mesures. (...) 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ; (...) ". Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. "

14. Un rapport d'un bureau d'études en date du 4 décembre 2006 mentionne la présence sur le terrain de la société Avir d'ordures ménagères. Une étude de dépollution en date du 27 mai 2015, réalisée à la demande de la Société Avir, révèle également la présence de déchets inertes et ménagers répartis entre la surface du site et trois mètres de profondeur pour un volume estimé à 15 000 m3. Si l'ampleur de la pollution du site, qui n'avait l'apparence que d'un terrain en friche depuis la fermeture d'un camping précédemment exploité jusqu'en 2000, n'a été révélée qu'à l'occasion de l'étude réalisée le 27 mai 2015, il résulte également de l'instruction que la commune a été informée, ainsi qu'elle le reconnaît, au moins depuis le 30 décembre 2010 de la présence de déchets sur le terrain à l'occasion de la réception d'une réclamation indemnitaire de la société Avir. Dans un nouveau courrier en date du 22 novembre 2011, la société Avir a rappelé au maire de la commune la présence des déchets sur le terrain. Il est constant qu'aucune mesure n'a été prise par l'autorité de police pour évaluer l'ampleur de la pollution et pour y remédier.

15. La société Avir demande à la cour d'enjoindre à la commune du Verdon-sur-Mer de remettre le terrain en état en enlevant les déchets inertes et ménagers, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de l'arrêt et ce sous astreinte de 1 300 euros par jour de retard. Toutefois, , si la responsabilité de la commune peut être engagée en raison de la carence du maire dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il détient en application du code de l'environnement, une telle carence, si elle peut justifier qu'il soit enjoint au maire de mettre en oeuvre ces pouvoirs, n'implique pas nécessairement que la commune procède elle-même à l'enlèvement des déchets, alors qu'il n'est pas établi par une unique attestation qu'elle en aurait organisé le dépôt sur les terrains en cause . Par suite, et en tout état de cause, les conclusions à fin d'injonction de la société Avir ne peuvent qu'être rejetées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Avir est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mars 2013 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant au paiement d'une somme de 49 618 euros assorties des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La commune du Verdon-sur-Mer versera à la société Avir la somme de 49 618 euros.

Article 2 : La somme de 49 618 euros portera intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2010. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 31 décembre 2011 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement n° 110134 du tribunal administratif de Bordeaux du 14 mars 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Avir est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Avir et à la commune du Verdon-sur-Mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 novembre 2017.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

11

No 16BX03319


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03319
Date de la décision : 02/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP DELAVALLADE - GELIBERT - DELAVOYE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-02;16bx03319 ?
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