Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société ESPES a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne, venant aux droits de la commune de Nailloux, à lui payer, d'une part, la somme de 21 823,82 euros en règlement de deux factures relatives aux prestations réalisées dans le cadre de l'exécution d'un marché relatif à la construction d'une nouvelle station d'épuration, assortie des intérêts de retard à compter du 30 août 2010 et, d'autre part, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résistance abusive qu'elle lui impute.
Par un jugement n° 1103766 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement (SMEA) de Haute-Garonne à verser à la société ESPES une somme de 14 549,21 euros, correspondant aux deux tiers de l'indemnité due au titre de l'exécution des prestations récapitulées dans les deux factures, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2011, mis à la charge du syndicat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande de la société ESPES.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015, le syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 4 juin 2015 en ce qu'il lui a fait supporter les deux tiers du préjudice subi par la société ESPES ;
2°) de ramener le montant de la condamnation mise à la charge du SMEA 31 au bénéfice de la société ESPES à la somme de 7 274,60 euros, correspondant au tiers du montant réclamé par elle au titre des deux factures ;
3°) de mettre à la charge de la société ESPES la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en jugeant que devaient être mis à sa charge les deux tiers du préjudice subi par la société ESPES alors même que les fautes commises par cette dernière étaient de nature à atténuer sa propre responsabilité à hauteur des deux tiers, le tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur d'appréciation ;
- en effet, la jurisprudence constante du Conseil d'État conduit à mettre à la charge du maître d'ouvrage le tiers du préjudice subi par le sous-traitant dès lors que la responsabilité du maître d'ouvrage est atténuée par les fautes commises par le sous-traitant en s'abstenant de solliciter la régularisation de sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2017, la société ESPES, représentée par MeB..., conclut :
1°) à la confirmation du jugement attaqué ;
2°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- ainsi qu'elle l'a déjà indiqué en première instance, la faute commise par le SMEA 31, qui a été largement stigmatisée aux termes du jugement du tribunal en ce qu'il a été démontré qu'il avait connaissance de l'intervention de la société ESPES sur le chantier, justifie la proportion retenue par les premiers juges ;
- pour le reste, il est faux de considérer que l'absence de déclaration de créance au passif de la société GCB constituerait une faute à l'origine de son propre préjudice dès lors que la dette est en toute hypothèse imputable au maître d'ouvrage puisque c'est lui qui bénéficie des travaux ;
- en outre, si le tribunal a relevé qu'elle avait commis une seconde faute en n'effectuant pas de diligences pour que sa situation soit régularisée comme sous-traitant de second rang, elle pensait légitimement avoir été agréée puisque le 2 décembre 2009, le maître d'oeuvre (en l'occurrence la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture de la Haute-Garonne) a signé un certificat pour paiement pour solde d'un montant total de 21 823,82 euros TTC au bénéfice de la société ESPES, indiquant que ladite somme pouvait lui être payée à et qu'elle était imputable sur le budget du maître d'ouvrage ;
- ainsi, le SMEA 31 a une responsabilité plus étendue.
Conformément à l'article R. 613-2 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction est intervenue en dernier lieu trois jours francs avant l'audience.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée ;
- le décret n° 78-87 du 21 janvier 1976 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la construction d'une nouvelle station d'épuration située sur son territoire communal, la commune de Nailloux (Haute-Garonne), aux droits de laquelle s'est substitué le Syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne à compter du 1er janvier 2010, a confié, par acte d'engagement daté du 7 août 2006, l'exécution des travaux correspondants à la SAS MSE, pour un montant initialement fixé à 2 434 954 euros HT puis ramené à 2 409 304 euros HT par avenant n° 1 du 11 septembre 2009. La société GCB, qui avait été acceptée et agréée par le maître d'ouvrage en qualité de sous-traitant de la SAS MSE pour la réalisation des travaux de génie civil, a elle-même sous-traité à la société ESPES, par contrat du 19 mars 2009, la fourniture et la pose de la clôture et des portails de la station d'épuration. A la suite de la réalisation de ses prestations, la société ESPES a transmis à la société GCB deux factures des 29 avril et 25 juin 2009 pour paiement des montants respectifs de 15 503,33 euros et 5 732,09 euros. La société GCB, placée en liquidation judiciaire par un jugement du 2 novembre 2010, n'ayant pas acquitté ces deux factures, la société ESPES a adressé directement, le 7 avril 2011, au Syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne, une mise en demeure de payer ces factures. S'étant vu opposer un refus implicite, la société ESPES a saisi le tribunal administratif de Toulouse aux fins d'obtenir la condamnation du syndicat mixte à lui payer, d'une part, la somme de 21 823,82 euros au titre du règlement des deux factures susmentionnées, assortie des intérêts de retard à compter du 30 août 2010 et, d'autre part, la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la résistance abusive qu'elle lui impute. Par un jugement en date du 4 juin 2015, ce tribunal a condamné le syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne à verser à la société ESPES la somme de 14 549,21 euros, correspondant aux deux tiers de l'indemnité due au titre du paiement des deux factures, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2011, et rejeté le surplus de la demande de la société ESPES. Le syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement en tant qu'il a laissé à sa charge les deux tiers de d'indemnité due à la société ESPES et demande que cette part soit réduite au tiers de la somme totale due.
Sur les conclusions du SMEA de la Haute-Garonne aux fins de minoration de sa part de responsabilité retenue par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " Le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants. ". En vertu de l'article 3 de ladite loi : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette même loi, qui s'applique, en vertu de son article 4, aux marchés passés par l'Etat, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. / Toutefois les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à un seuil qui, pour l'ensemble des marchés prévus au présent titre, est fixé à 600 euros ; (...) En-deçà de ce seuil, les dispositions du titre III de la présente loi sont applicables. / (...) Le sous-traitant qui confie à un autre sous-traitant l'exécution d'une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui délivrer une caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l'article 14. ". Enfin, aux termes de l'article 14-1 de cette loi : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ; / - si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la société GCB a adressé le 20 mars 2009 au titulaire du marché, la société MSE, une demande d'agrément relative à la société ESPES afin qu'elle bénéficie du paiement direct, ce qui a conduit la société MSE, le 12 octobre 2009, à établir une " attestation pour paiement direct " faisant état de ce que l'entreprise GCB pouvait percevoir, au titre du paiement direct, une somme de 1 191 954,54 euros, déduction faite de la somme de 21 823,82 euros TTC, expressément réservée à la société ESPES. Puis, le 2 décembre 2009, le maître d'oeuvre, pris en la personne de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture (DDEA) de la Haute-Garonne, a signé un certificat pour paiement pour solde d'un montant de 21 823,82 euros TTC au bénéfice de la société ESPES, qui indiquait que ladite somme pouvait être payée à la société ESPES et qu'elle était imputable sur le budget du maître d'ouvrage. Il résulte ainsi de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté par le Syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne que la commune de Nailloux, à laquelle il vient aux droits, avait une parfaite connaissance tant de l'existence de l'intervention de la société ESPES sur le chantier de la station d'épuration que de la nature de ses liens avec la société GCB. Pour autant, le maître de l'ouvrage, qui ne pouvait admettre ce sous-traitant de second rang au paiement direct, n'a pas mis en demeure la société GCB de proposer à la société ESPES une caution ou une délégation de paiement, ni exigé de ladite société GCB qu'elle justifie avoir fourni une caution avant de procéder au versement du prix des prestations de la société ESPES sur le compte de la société GCB, en méconnaissance de ses obligations découlant des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 6 et de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975. Partant, la commune de Nailloux a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Si, pour tenter de minimiser celle-ci, le Syndicat mixte de l'eau et de l'assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne se prévaut de ce que la société ESPES a été négligente en ne faisant pas de diligences particulières pendant la durée du chantier pour demander la régularisation de sa situation, il résulte de ce qui vient d'être dit que, le 2 décembre 2009, le maître d'oeuvre avait signé un certificat de paiement au bénéfice de la société ESPES, opposable au maître d'ouvrage. Dès lors, et ainsi qu'elle le soutient à juste titre, la société ESPES a pu raisonnablement inférer de ce document qu'elle avait bénéficié de l'agrément requis du maître d'ouvrage et qu'il n'était dès lors pas nécessaire pour elle d'accomplir des démarches supplémentaires à cette fin. Par suite, aucun manquement ne saurait lui être reproché sur ce point. En revanche, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il résulte de l'instruction que la société ESPES a commis une faute en ne déclarant pas sa créance au passif de la société GCB mise en liquidation judiciaire, à l'origine de son propre préjudice résultant du non-paiement des deux factures des 29 avril et 25 juin 2009.
4. Compte tenu de ce que ce préjudice subi par la Société ESPES résulte de manière prépondérante de la faute commise par le maître d'ouvrage, telle qu'elle a été exposée au point 3, il ne résulte pas de l'instruction qu'en laissant à la charge du syndicat mixte les deux tiers des conséquences dommageables de celui-ci, à hauteur de 14 549,21 euros, le tiers restant incombant à la société ESPES, les premiers juges auraient fait une appréciation erronée de leur part de responsabilité respective.
5. Dès lors, le syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Toulouse sur ce point.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la société ESPES, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par le syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat appelant la somme que la société ESPES demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société ESPES tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte eau et assainissement (SMEA) de la Haute-Garonne et à la société ESPES.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2017.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX02695