La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2017 | FRANCE | N°15BX04149

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2017, 15BX04149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé par requête du 27 juin 2013 au tribunal administratif de Poitiers de condamner la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres à lui verser une indemnité de 134 434,77 euros majorés des intérêts à compter du 29 septembre 2009.

Par un jugement n° 1301379 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2015, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
>1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 novembre 2015;

2°) de condamner ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé par requête du 27 juin 2013 au tribunal administratif de Poitiers de condamner la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres à lui verser une indemnité de 134 434,77 euros majorés des intérêts à compter du 29 septembre 2009.

Par un jugement n° 1301379 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2015, M.D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 novembre 2015;

2°) de condamner la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres à lui verser la somme de 134 434,77 euros majorée des intérêts à compter du 29 septembre 2009 " et à le relever indemne de toute demande des organismes sociaux sur cette somme " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il s'est rapproché de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres en vue de transmettre son exploitation agricole à son neveu, M.C... ; une réunion a eu lieu le 20 novembre 2006 avec deux agents de cette chambre d'agriculture, qui ont rédigé un document signé par son neveu et lui-même prévoyant les modalités financières de la vente de son exploitation à son neveu ; ce document tient compte notamment de la " participation au travail " de son neveu dans l'exploitation au cours des années antérieures ; cependant, son neveu a saisi le Conseil des Prud'hommes de Thouars, qui l'a condamné par un arrêt devenu définitif du 29 septembre 2009 de la Cour d'appel de Poitiers à verser à son neveu la somme de 72 254 euros en paiement de ses salaires non payés au cours de la période de 1992 à 2006 ;

- en application des articles 1146 et suivants du code civil, le rédacteur d'actes est tenu d'une obligation de résultat tandis que le conseil est tenu d'une obligation de résultat ou de moyen ; en l'espèce, la convention du 20 novembre 2006, rédigée par deux agents de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, a prévu qu'il verserait 114 600 euros à son neveu, au titre de ses salaires différés, alors que cette notion était inapplicable ; en conséquence, la Cour d'appel de Poitiers l'a condamné à verser à celui-ci la somme de 72 254 euros en paiement de ses salaires, de sorte qu'il les a payés deux fois ; la responsabilité de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres est ainsi engagée à son égard que cela soit en raison de la rédaction du contrat controversé, ou à tout le moins en raison de sa mission de conseil juridique qui l'a conduit à conseiller de le conclure sans lui donner la forme d'une transaction apurant les comptes entre lui et son neveu ;

- la créance de M. D...n'était pas prescrite au 26 juin 2013 ;

- la convention du 20 novembre 2006 constitue un contrat engageant les deux parties ; la responsabilité de la chambre d'agriculture dans la rédaction et le conseil relativement à ce contrat est établie ; son inefficacité a conduit à ce qu'il paie deux fois les salaires de son neveu ; le lien direct entre ce contrat dans lequel M. D...reconnait avoir fait travailler son neveu sans le rémunérer et le préjudice résultant de sa condamnation par la cour d'appel de Poitiers qui a tenu compte de cet aveu est établi ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2016, la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D...de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance de M. D...est prescrite depuis le 31 décembre 2010 ;

- la chambre d'agriculture n'a commis aucune faute dans le cadre de sa mission de conseil ; le requérant ne peut invoquer l'article 1146 du code civil inapplicable en l'espèce à un organisme chargé d'une mission de service public ; au demeurant, elle n'a pas rédigé la convention du 20 novembre 2006, il s'agit d'un document sans entête ni phrase rédigée qui n'est pas issu de ces services ; ces agents ont eu pour seul rôle d'évoquer avec MM. D...et C...les modalités de paiement dans le cadre de la cession de l'exploitation de M. D...mais n'ont nullement établi de contrat ; tel n'était pas l'objet de la réunion ;

- son préjudice résultant de sa condamnation à verser à M. C...ses salaires n'est pas indemnisable dès lors que la décision de la Cour d'appel de Poitiers n'est pas opposable à la chambre d'agriculture puisqu'elle n'était pas partie à l'instance ; M. D...ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ; il n'a pas rémunéré son neveu de 1992 à 2006 et ne peut reprocher à la chambre d'agriculture ses propres manquements qui ont conduit la juridiction prud'homale à le condamner au versement des salaires à son neveu ;

- aucun lien de causalité n'est établi entre le comportement de la chambre d'agriculture et une quelconque décision ; la chambre d'agriculture n'a commis aucune faute et le préjudice ne résulte d'aucun fait qui pourrait lui être imputable.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2015.

Par ordonnance du 20 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 novembre 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code rural ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauzies, rapporteur public ;

- et les observations de MeE..., représentant la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...est exploitant d'une propriété agricole de polyculture-élevage. Le 25 avril 2013, il a demandé à la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres de lui verser une indemnité de 134 434,77 euros en réparation du préjudice que, selon lui, la chambre d'agriculture lui aurait causé par suite d'un manquement de ses agents aux obligations de rédacteur d'acte et de conseil juridique dans la rédaction d'une convention conclue le 20 novembre 2006 reconnaissant qu'il serait redevable envers M.C..., son neveu, de salaires au titre de la participation de ce dernier au travail sur son exploitation de 1992 à 2006. M. D...fait appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'indemnisation.

2. Il résulte de l'instruction que M. D...et son neveu se sont retrouvés le 20 novembre 2006 à la chambre d'agriculture pour convenir des modalités de reprise de l'exploitation du requérant, notamment des modalités de paiement du capital, avec l'assistance d'un conseiller agricole spécialisé et d'une autre personne. A l'issue de cette réunion, M. D...et M. C...ont signé tous deux sur papier libre, et sans aucun contreseing d'un représentant de la chambre d'agriculture, un état manuscrit marquant leur accord sur la valeur du matériel, du cheptel, des stocks et de divers matériels de l'exploitation et reconnaissant à M. C...un dû au titre de la participation de ce dernier au travail sur l'exploitation pour un montant de 114 600 euros.

3. Cet accord n'a pas été mis en oeuvre mais la Cour d'appel de Poitiers, dans un arrêt rendu le 29 septembre 2009 dans un litige opposant M. D...à M. C...à propos des salaires dus par M. D...à ce dernier, a estimé que la somme susmentionnée de 114 600 euros actée dans l'accord du 20 novembre 2006 confirmait que l'activité du neveu du requérant excédait de beaucoup le " coup de main " occasionnel.

4. Quand bien même l'accord du 20 novembre 2006, qui n'a pas été mis en oeuvre en l'absence de reprise de l'exploitation de M. D...par M.C..., a néanmoins pu être opposé à M. D...par M. C...dans le cadre d'un litige du travail porté devant la Cour d'appel de Poitiers, M. D...ne peut se prévaloir d'aucune faute de la chambre d'agriculture dans l'établissement de l'accord du 20 novembre 2006, rédigé et conclu sous la seule responsabilité des deux cosignataires, du seul fait que celui-ci a été obtenu au cours d'une réunion à laquelle participait deux agents de la chambre d'agriculture ayant aidé les deux parties à se rapprocher en vue notamment de chiffrer la valeur du capital d'exploitation et les conditions financières d'une reprise. A fortiori aucun lien de causalité n'est établi entre une quelconque faute qu'aurait commise les agents de la chambre d'agriculture et un préjudice causé à M.D..., dont la réalité n'est pas non plus démontrée.

5. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'indemnisation.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. D...tendant à ce que soit mise à la charge de la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au titre des dispositions précitées. En revanche, il y a lieu de condamner M. D...à verser la somme de 1 500 euros à la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera la somme de 1 500 euros à la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et à la chambre d'agriculture des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Philippe PouzouletLe greffier,

Florence DeligeyLa République mande et ordonne ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 15BX04149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX04149
Date de la décision : 27/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SELARL LUCIEN VEY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-27;15bx04149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award