La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2017 | FRANCE | N°17BX01919

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 17BX01919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé de le remettre aux autorités polonaises et la décision du même jour par laquelle il a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1700759 du 18 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, M.

C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé de le remettre aux autorités polonaises et la décision du même jour par laquelle il a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1700759 du 18 avril 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 18 avril 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 12 avril 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités polonaises :

- cette décision méconnaît les articles 7, 18 1-b et 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- s'agissant d'une première demande d'asile, aucune autre demande le concernant ne pouvait être en cours dans un autre Etat membre de l'Union européenne ; dès lors, la procédure de requête aux fins de reprise en charge ne pouvait être enclenchée ;

- en tout état de cause, le tribunal a reconnu qu'il avait été débouté de sa demande d'asile en Pologne. Il ne pouvait dès lors être remis aux autorités polonaises sur le fondement du b) de l'article 18 du règlement susvisé ;

- ses empreintes ont été prises par les autorités polonaises dans le cadre d'une interpellation lors du franchissement de la frontière allemande, conformément à l'article 14-1 du règlement précité, et non dans le cadre d'une demande d'asile ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence : elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de remise aux autorités polonaises.

Par ordonnance du 17 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 août 2017 à 12 heures.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête de M.C....

Il soutient que :

- le requérant n'établit pas que sa demande d'asile aurait effectivement été rejetée par les autorités polonaises et qu'il ne pouvait ainsi être repris en charge par ces autorités, sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement n° 604/2013 ;

- en tout état de cause, et dans cette hypothèse, les autorités polonaises pouvaient reprendre en charge l'intéressé sur le fondement du d de l'article 18-1 du même règlement. L'accord de reprise en charge vise d'ailleurs ces dispositions ;

- l'arrêté prononçant sa remise aux autorités polonaises n'étant pas entaché d'illégalité, il n'est pas fondé à soutenir que la décision l'assignant à résidence serait dépourvue de base légale.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement européen n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement européen n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant russe, né en 1984, déclare être entré en France le 29 août 2016, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants. Il a présenté une demande d'asile à Tarbes le 12 septembre 2016. Après avoir relevé les empreintes digitales de l'intéressé dans le cadre de l'instruction de cette demande, le préfet des Hautes-Pyrénées a estimé les autorités polonaises responsables de sa demande d'asile. Après une seconde demande de reprise en charge présentée le 21 décembre 2016, les autorités polonaises ont finalement donné leur accord à sa réadmission le 3 janvier 2017. En conséquence, par deux arrêtés du 12 avril 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé d'une part, de remettre l'intéressé aux autorités polonaises et d'autre part, de l'assigner à résidence. M. C...relève appel du jugement n° 1700759 du 18 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités polonaises :

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen (...) ". Aux termes de l'article 7 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre (...) ". En vertu de l'article 18 de ce règlement : " L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) ; d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...). ". Enfin, selon l'article 23 du même règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. ".

3. En premier lieu, le requérant soutient qu'il ne pouvait faire l'objet d'une décision de remise aux autorités polonaises dès lors qu'il n'avait pas présenté de première demande d'asile dans un autre Etat membre de l'Union européenne que la France.

4. Cependant, il est constant que M. C...a séjourné six mois en Pologne, à compter du 7 mars 2016 et qu'il n'est entré sur le territoire national que le 28 août 2016. Le relevé décadactylaire du 11 octobre 2016 a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été saisies par les autorités polonaises, à l'occasion de la demande d'asile qu'il avait présentée dans ce pays le 7 mars 2016. Au surplus, l'intéressé a reconnu, dans sa requête, que la demande d'asile qu'il avait présentée avait été rejetée par les autorités polonaises. Dans ces conditions, et alors que le requérant n'a invoqué aucun élément de nature à établir qu'il aurait pu bénéficier de la dérogation prévue par les articles 3-2 et 17 du règlement communautaire susvisé, l'administration pouvait décider de remettre l'intéressé aux autorités polonaises, responsables de sa demande d'asile.

5. En second lieu, le requérant fait valoir qu'en tout état de cause, aucune demande d'asile n'était en cours en Pologne dès lors que celle-ci avait été rejetée, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le tribunal administratif dans le jugement attaqué, et qu'en conséquence, l'arrêté prononçant sa remise aux autorités polonaises ne pouvait être pris sur le fondement du b de l'article 18 du règlement n° 604/2013.

6. Cependant, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. M. C...a déclaré, tant lors de son entretien en préfecture le 18 octobre 2016, que dans ses observations écrites présentées le 24 octobre 2016, que sa demande d'asile avait été rejetée par les autorités polonaises. S'il ne produit pas cette décision de rejet, il ressort néanmoins de la décision du 3 janvier 2017 par laquelle les autorités polonaises ont accepté de reprendre en charge l'intéressé, que celles-ci ont donné leur accord sur le fondement des dispositions précitées du d) de l'article 18 du règlement n° 604/2013 applicables aux ressortissants étrangers dont la demande d'asile a été rejetée, et non sur celles du b) de l'article 18 applicables aux ressortissants dont la demande d'asile est en cours d'examen. Ainsi que le soutient l'administration en défense, elle aurait pris la même décision prononçant la remise de M. C...aux autorités polonaises en se fondant sur le motif prévu par les dispositions du d) de l'article 18 de ce règlement. Cette substitution de motif n'ayant pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie, il peut être substitué à celui tiré de ce que la demande d'asile de M. C... serait en cours d'examen en Pologne.

8. En dernier lieu, la circonstance que les empreintes digitales de l'intéressé auraient été prises par les autorités polonaises dans le cadre d'une interpellation lors du franchissement de la frontière allemande, et non dans le cadre d'une demande d'asile, est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le préfet des Hautes-Pyrénées a prononcé sa remise aux autorités polonaises.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

9. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ".

10. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté prononçant sa remise aux autorités polonaises à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision ordonnant son assignation à résidence.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

3

N° 17BX01919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01919
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : PATHER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-26;17bx01919 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award