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26/10/2017 | FRANCE | N°17BX00637

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 17BX00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 février 2017 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1700629 du 16 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2017, M.B..., représenté par Me Haas,

avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 février 2017 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1700629 du 16 février 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2017, M.B..., représenté par Me Haas, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation et de lui délivrer un dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ainsi qu'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 72 heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme

de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- l'agent qui a procédé à l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 ne bénéficiait pas d'une délégation pour procéder à cet entretien ;

- il n'a pu présenter des observations sur la mesure de réadmission en violation de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article 17 du règlement 604/2013 a été méconnu ; en effet, sa situation est exceptionnelle, il a reçu des menaces de la part de personnes de nationalité marocaine ; il poursuit des études à Bordeaux ;

- son retour en Italie serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il confirme les termes de son mémoire produit en première instance.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 23 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M.A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant algérien né le 30 juillet 1991, est entré en France, selon ses déclarations, le 21 juillet 2016. Il a déposé, le 30 août 2016, une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il était muni d'un visa italien valable

du 10 juin au 22 septembre 2016. Le 13 septembre 2016, le préfet de la Gironde a formé auprès des autorités italiennes une demande de prise en charge. À la suite de l'accord implicite desdites autorités du 13 novembre 2016, le préfet de la Gironde a, par deux arrêtés du 13 février 2017, prononcé, d'une part, son transfert vers l'Italie, d'autre part, son placement en rétention administrative. M. B...relève appel du jugement du 16 février 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté décidant son transfert aux autorités italiennes.

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ".

3. L'arrêté attaqué mentionne que M. B...est entré irrégulièrement en France et que l'attestation d'enregistrement de sa demande d'asile, effectuée le 7 septembre 2016, lui a été remise. Il indique également que les autorités italiennes, saisies le 13 septembre 2016 d'une demande de transfert en application de l'article 12-2 du règlement (UE) n° 604/2013, ont implicitement accepté la responsabilité de l'examen de sa demande d'asile. Enfin, il fait état des caractéristiques de la situation de M.B.... Dans ces conditions, l'arrêté expose de manière suffisante les éléments de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de la Gironde pour prendre sa décision, alors même que ne sont pas mentionnées des informations relatives au passage

de M. B...en Italie ou au dépôt d'une demande d'asile dans ce pays. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait de cet arrêté ne peut qu'être écarté. Il ressort également de cette motivation que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé.

4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013

susvisé :" 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet d'un entretien individuel le 7 septembre 2016. Le document d'entretien individuel, qui est revêtu du nom et de la signature de M.B..., mentionne que l'entretien a été fait en français et que le requérant a déclaré lire et comprendre cette langue. Si en vertu de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de département est l'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'entretien individuel requis pour l'application de l'article 5 précité soit mené par un agent de la préfecture, qui, n'étant pas le signataire de la décision de transfert déterminant l'État responsable de l'examen de la demande d'asile, n'avait pas à bénéficier d'une délégation de signature du préfet pour procéder à cet entretien. Dans ces conditions, M. B...n'a pas été privé des garanties résultant de la mise en oeuvre d'un entretien préalable. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'État membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les États membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ".

7. Les garanties de procédure prévues au dernier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si elles conditionnent la régularité de l'exécution d'office des décisions de remise aux autorités étrangères, sont en revanche sans influence sur la légalité de ces dernières. Par suite, M. B...ne saurait utilement se prévaloir, pour demander l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de la Gironde a décidé sa remise aux autorités italiennes, d'une violation de la procédure prévue par les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit (...)". La faculté laissée à chaque État membre, par les dispositions de l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile concernés.

9. M. B...soutient qu'il est titulaire de deux licences de sciences politiques et d'interprétariat obtenues en 2013 et 2016 en Algérie, qu'il a exercé des fonctions d'interprète et de traducteur, qu'il est impliqué auprès de la cause indépendantiste sahraouie, qu'il aurait reçu des menaces de mort dans le cas où il se rendrait de nouveau dans les camps de réfugiés en Algérie et qu'il disposait d'un passeport diplomatique qui lui a été confisqué peu avant son départ pour l'Italie le 3 juillet 2016, muni d'un visa en tant qu'accompagnateur d'enfants handicapés sahraouis. Toutefois, ces allégations ne sont pas assorties de pièces probantes et ne sont pas de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013.

10. M. B...soutient, par ailleurs, qu'il risque de subir des agressions et des menaces de la part d'activistes marocains en cas de retour en Italie. Toutefois, il ne produit aucun élément précis susceptible d'étayer l'existence alléguée de risques actuels et personnels en cas de retour dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Enfin, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le préfet n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B....

12. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017

Le rapporteur,

Didier A...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy VirinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17BX00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00637
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-26;17bx00637 ?
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