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26/10/2017 | FRANCE | N°17BX00588

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 17BX00588


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 février 2016 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1601902 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

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Par une requête et des pièces nouvelles enregistrées les 23 février et 29 septembre 2017, MmeD...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 février 2016 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1601902 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces nouvelles enregistrées les 23 février et 29 septembre 2017, MmeD..., représentée par Me Reix, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer une carte de séjour temporaire, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 513 euros, droit de plaidoirie compris, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- l'arrêté et le jugement attaqués méconnaissent les dispositions de l'article L. 211-2-1 et du 4° de l'article L. 313-11, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'entrée irrégulière n'est plus opposable à l'étranger qui a détenu un titre de séjour ; elle s'est acquittée du paiement du visa de régularisation valant entrée régulière en France ; elle justifie d'une vie commune de plus de six mois avec son époux de nationalité française ; l'arrêté est entaché d'erreur de fait s'agissant du caractère régulier de son entrée en France et de la réalité de sa vie commune avec son époux français depuis plus de six mois et le tribunal a réitéré l'erreur du préfet quant à l'existence d'une entrée régulière par l'acquittement du visa d'entrée ;

- le refus de séjour et le jugement attaqués méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55 % par une décision du 8 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.C...,

- et les observations de Me Reix, représentant MmeE..., épouseD....

Considérant ce qui suit :

1. MmeE..., épouseD..., ressortissante marocaine née le 31 décembre 1987, est entrée en France, selon ses déclarations, en décembre 2006. Par un arrêté du 28 novembre 2011, le préfet de la Dordogne l'a obligée à quitter le territoire français. Par un jugement du 25 avril 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 11 juin 2013, la cour a annulé ce jugement et enjoint au préfet de la Dordogne de réexaminer sa situation. Le préfet lui a délivré une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 24 juin 2014 au 23 juillet 2015. Le 10 juillet 2015, à la suite de son mariage le 27 juin 2015 avec un ressortissant français, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ce ressortissant. Par arrêté du 19 février 2016, le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Mme D...relève appel du jugement du 5 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Et aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ".

3. Si, en vertu de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est, en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi - en particulier pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 -, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...bénéficiait d'une carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au moment de sa demande. Dans ces conditions,

Mme D...est fondée à soutenir que le préfet de la Dordogne a commis une erreur de droit en lui opposant le défaut d'un visa de long séjour pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité de conjoint d'un ressortissant français alors qu'elle justifie par ailleurs d'une vie commune avec son époux.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et l'arrêté du 19 février 2016.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. L'annulation par le présent arrêt de l'arrêté litigieux implique nécessairement, eu égard au motif qui en constitue le soutien, la délivrance à Mme D...d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

7. Mme D...étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 55 %, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 500 euros à Me A...Reix sous réserve que celle-ci renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2016 et l'arrêté du préfet de la Dordogne du 19 février 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État versera la somme de 1 500 euros à Me A...Reix sous réserve qu'elle renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., épouseD..., au ministre de l'intérieur, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Périgueux et à Me A...Reix.

Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017

Le rapporteur,

Didier C...Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Cindy VirinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17BX00588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00588
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-26;17bx00588 ?
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