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17/10/2017 | FRANCE | N°17BX01293

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 17BX01293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 20 janvier 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1501869 du 1er février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2017, M.A..., représenté par Me Tercero, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er février 201

7 ;

2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 20 janvier 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1501869 du 1er février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2017, M.A..., représenté par Me Tercero, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour de plus de trois mois ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet ne pouvait se fonder sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, émis le 15 janvier 2014, soit plus d'un an auparavant ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- le préfet s'est estimé, à tort, lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée a méconnu les dispositions du paragraphe 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., né le 20 juin 1960, de nationalité angolaise, est entré en France, selon ses déclarations, le 30 septembre 2001. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Commission des recours des réfugiés le 17 mars 2004. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire pour motif de santé, régulièrement renouvelée entre le 26 mai 2004 et le 28 décembre 2013. Le 15 octobre 2013, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour mais, par décision du 20 janvier 2015, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre sollicité. M. A... relève appel du jugement du 1er février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé (...) ". Et aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. (...) / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois ".

3. Ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoient, à peine de caducité de l'avis, de délai maximal entre l'émission de l'avis par le médecin de l'agence régionale de santé et l'intervention de la décision de refus de titre de séjour prise par l'autorité administrative. Dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a été prise au terme d'une procédure irrégulière en se bornant à faire valoir qu'elle a été prise au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 15 janvier 2014.

4. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet, qui a relevé notamment qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer que la situation de l'appelant revêtait un caractère humanitaire exceptionnel, a procédé à l'examen de la situation personnelle de M.A.... En outre, si le préfet s'est approprié les termes de l'avis susmentionné du 15 janvier 2014, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par cet avis et qu'il aurait ainsi méconnu sa propre compétence.

5. Le refus de séjour en litige a été pris au vu d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé émis le 15 janvier 2014, indiquant que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut n'entraînerait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine. M. A...soutient qu'il souffre d'une psychose chronique interprétative nécessitant des hospitalisations régulières en milieu spécialisé, la prise quotidienne de psychotropes et un accompagnement socio-psychologique. À l'appui de ces allégations, il produit un certificat médical établi le 9 mars 2015, un compte-rendu d'hospitalisation du 19 mars 2016 rédigé par un psychiatre ainsi qu'un rapport médico-social du service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés psychiques daté du 10 mars 2015. Toutefois, ces documents, postérieurs à la décision contestée, ne sont pas de nature, compte tenu des termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel le défaut de prise en charge médicale n'entraînerait pas pour l'intéressé de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus, M. A...n'apporte pas davantage d'éléments de nature à justifier que le lien entre la pathologie dont il souffre et les événements traumatisants qu'il aurait vécus en Angola, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile n'ont d'ailleurs pas retenu la réalité, ne lui permettrait pas de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'appelant, qui ne peut pas utilement faire valoir que le préfet de la Haute-Garonne lui a précédemment délivré des titres de séjour à raison de son état de santé, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 11° et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. M. A...soutient qu'il justifie de la régularité de son séjour depuis le 30 septembre 2001, qu'il est inséré dans la société française, qu'il n'a plus d'attache matrimoniale en Angola, qu'il s'est séparé de sa femme et n'a pas revu ses enfants majeurs depuis près de quinze ans et que la décision contestée, qui le place en situation irrégulière, l'empêche d'accéder aux soins et au suivi médical dont il a besoin ainsi que de se maintenir dans son logement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans et où résident encore ses parents, ses quatre enfants majeurs ainsi que son épouse dont il n'établit pas être séparé. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En troisième et dernier lieu, si M. A...soutient que la directive 2008/115/CE du 15 décembre 2008, et en particulier le point 12 de son préambule, ont été insuffisamment transposés en droit interne, ce point concerne les étrangers en situation irrégulière qui ne peuvent encore faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Or il ressort de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que, contrairement à ce qu'il soutient, l'état de santé de M. A...ne fait pas obstacle à un retour dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive du 15 décembre 2008 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le rapporteur,

Manuel B...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa BeuzelinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17BX01293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01293
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;17bx01293 ?
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