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17/10/2017 | FRANCE | N°17BX00807

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 17BX00807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MGD Tertiaire a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la région Aquitaine à lui verser la somme de 363 738,71 euros TTC en règlement du lot n° 4 " menuiseries intérieures " du marché de travaux portant sur la construction d'un centre de formation, de recherche et de transfert de technologie lié à l'optique.

Par un jugement n° 1404815 du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la région Nouvelle-Aquitaine à verser à la société MGD Ter

tiaire la somme de 93 923,93 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MGD Tertiaire a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la région Aquitaine à lui verser la somme de 363 738,71 euros TTC en règlement du lot n° 4 " menuiseries intérieures " du marché de travaux portant sur la construction d'un centre de formation, de recherche et de transfert de technologie lié à l'optique.

Par un jugement n° 1404815 du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la région Nouvelle-Aquitaine à verser à la société MGD Tertiaire la somme de 93 923,93 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2014.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 28 février 2017 sous le n° 17BX00807 et un mémoire complémentaire du 23 juin 2017, la région Nouvelle-Aquitaine, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 janvier 2017 ;

2°) de rejeter la demande de la société MGD Tertiaire ou, subsidiairement, de fixer le solde du décompte général du lot n° 4 à un montant négatif de 379 816,57 euros HT ;

3°) de mettre à la charge de la société MGD Tertiaire la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa requête d'appel, que :

- celle-ci ne se contente pas de reproduire les écritures de première instance mais comporte une critique précise du raisonnement des premiers juges.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le jugement attaqué s'est abstenu de répondre au moyen de la région Nouvelle-Aquitaine tiré de ce que la société MGD Tertiaire n'a pas respecté son obligation de lui notifier le jugement de redressement ou de liquidation judiciaire, conformément à l'article 1.6 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), ce qui l'a privée de toute possibilité de déclarer sa créance telle que fixée par le décompte général et définitif ;

- le jugement attaqué a omis de répondre au moyen soulevé par la région Nouvelle-Aquitaine dans sa note en délibéré relatif à l'irrecevabilité de la demande de la société devant le tribunal administratif résultant de sa mise en liquidation judiciaire.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le placement en redressement judiciaire de la société MGD Tertiaire aurait dû conduire au rejet de sa demande pour irrecevabilité ; en effet, la mise en redressement judiciaire a conduit à la désignation par le tribunal de commerce d'un administrateur judiciaire chargé d'assister la société dans tous les actes concernant sa gestion ; en application de l'article L. 622-6 du code de commerce, il appartenait à la société d'informer l'administrateur de l'existence du marché litigieux et de la créance dont elle se prévalait à l'encontre de la région Nouvelle-Aquitaine ; il incombait ensuite à cet administrateur d'établir le mémoire en réclamation du 30 avril 2014 que la société a pourtant adressé elle-même à l'encontre du décompte général notifié ; il en résulte que ce décompte n'a pas été contesté régulièrement et qu'il a ainsi acquis un caractère définitif, empêchant par là-même la société MGD Tertiaire de le contester devant le juge ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif n'a pas tenu compte de la mise en liquidation judiciaire de la société pour rejeter ensuite sa requête comme irrecevable ; ce placement en liquidation judiciaire a été prononcé le 15 juillet 2014 et, en application de l'article L. 641-9 du code de commerce, l'action en justice ne pouvait plus être intentée que par le mandataire liquidateur de la société ;

- le mémoire en réclamation que la société a adressé le 30 avril 2014 à l'encontre du projet de décompte final était tardif car il n'a pas respecté le délai de présentation de quarante-cinq jours fixé à compter de la notification dudit projet par l'article 50.11 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux ; en effet, le décompte général a été notifié le 21 mars 2014 à la société qui devait en conséquence présenter son mémoire en réclamation avant le 5 mai 2014 (23h59) ; or, ledit mémoire n'a été adressé à la région Nouvelle-Aquitaine que le 6 mai 2014 ; c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du mémoire en réclamation au seul motif qu'il a été adressé dans le délai d'acheminement normal du courrier ; ce faisant, les premiers juges n'ont pas tenu compte du fait que l'envoi a été fait la veille du 1er mai et d'un week-end sans que la société ne s'assure par ailleurs de la réception immédiate de son mémoire au moyen d'un courriel ou d'une télécopie ; contrairement à ce que soutient la société MGD Tertiaire, le mémoire doit être réceptionné par le maître de l'ouvrage avant l'expiration du délai de quarante-cinq jours et non simplement envoyé avant ce terme.

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé des prétentions de la société MGD Tertiaire, que :

- c'est à juste titre qu'une retenue a été effectuée à hauteur de 17 622,63 euros dès lors qu'il est établi que la société n'a pas réalisé un certain nombre de travaux prévus au contrat (banque d'accueil médiathèque, panneaux d'affichage, sièges fixés au sol, totems directionnels, boîtes aux lettres intérieures) ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le seul fait que ces travaux n'aient pas été cités dans le courrier que le maître d'oeuvre a adressé à la société le 15 avril 2014 ne signifie pas que lesdits travaux n'avaient pas été réalisés ; en effet, la liste des réserves contenue dans ce courrier n'était pas limitative ; enfin, la liste des plans et fiches constituant les DOE produits par la région montre que les travaux en litige n'ont pas été accomplis par la société ;

- il convient de tenir compte, pour le calcul de la révision des prix, des travaux non réalisés par la société ainsi que des pénalités ; la révision des prix s'élève ainsi à la somme de 23 932,90 euros HT ;

- en application de l'article 20.1 du CCAG Travaux, les pénalités sont dues du simple fait de la constatation de retards par le maître d'oeuvre ; en l'espèce, le maître d'oeuvre a constaté des retards de la société MGD Tertiaire, sur une période de 404 jours au total, concernant la tâche " finitions diverses " et le respect du planning contractuel qui prévoyait une fin des travaux au 29 novembre 2012 ;

- il est établi au dossier que l'absence de la société à un certain nombre de réunions de chantier, au nombre de 25, justifie l'infliction d'une pénalité de 6 250 euros TTC en application de l'article 6.3 du CCAP ;

- en dépit des réserves formulées lors de la réception des travaux et d'une mise en demeure adressée à la société afin qu'elles soient levées, l'état des réserves du lot n° 4 en cause est resté inchangé ; il y a lieu d'évaluer les travaux de reprise nécessaires à la somme de 56 163 euros ; quant aux malfaçons apparues pendant l'année de parfait achèvement, elles nécessitent des travaux de reprise d'un montant de 32 074 euros HT ; enfin, la société est également redevable d'une somme de 1 257,67 euros HT dès lors qu'elle n'a fourni qu'un exemplaire de ses DOE alors que l'article 12.4 du CCAP en exige cinq.

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé des prétentions de la société, que :

- seule une somme de 29 796,40 euros HT est due à la société au titre des travaux supplémentaires réalisés ;

- les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique ; en application de ce principe, il convient de rejeter les demandes d'indemnisation présentées à ce titre par la société ; il n'est en effet pas établi que les difficultés qu'elle a rencontrées en cours de chantier ont entraîné un bouleversement de l'économie de son contrat ; il n'est pas non plus établi que ces difficultés seraient imputables au maître de l'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2017, la SARL Alliance MJ, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société MGD Tertiaire, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter les conclusions présentées par la région Nouvelle-Aquitaine ;

2°) de juger que les pénalités de 1 000 euros TTC qui lui ont été infligées sont infondées, qu'elle a droit au paiement de la somme de 97 768,26 euros TTC au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés, de la somme de 162 661,50 euros TTC au titre de son préjudice lié à la désorganisation et à la prolongation du chantier, soit une somme totale de 261 429,716 euros TTC au titre du solde du lot n° 4 du marché avec les intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement du présent mémoire et les intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel de la région Nouvelle-Aquitaine, que :

- cette requête se contente de reproduire les écritures de première instance produites par la région sans contester le jugement rendu par le tribunal administratif.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal administratif n'a pas entaché sa décision d'irrégularité en ne tenant pas compte des notes en délibéré produites par les parties, lesquelles avaient seulement pour objet de l'informer du changement de mandataire liquidateur de la société.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :

- dans le cas d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, seuls l'administrateur ou le liquidateur sont fondés à soulever l'irrecevabilité de la demande de la société ; de même, l'administration ne peut elle-même se prévaloir du défaut de qualité du signataire du mémoire en réclamation pour en soulever l'irrecevabilité ; d'autant que l'article L. 237-2 du code de commerce prévoit que la personnalité morale d'une société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont jugé la demande de la société recevable ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du mémoire en réclamation au regard du délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 50.1.1 du CCAG Travaux ; en vertu des dispositions combinées des article 50.1.1 et 13.4.4 du CCAG Travaux, ledit mémoire doit simplement être transmis, et non notifié, au représentant du pouvoir adjudicateur dans ce délai de quarante-cinq jours ; la société MGD Tertiaire a respecté ce délai dès lors qu'elle a envoyé son mémoire en réclamation avant le 5 mai 2014, 23h59 date d'expiration du délai prévu.

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé de ses prétentions, que :

- les travaux pour lesquels la région a procédé à des réfactions n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part du maître de l'ouvrage ainsi que l'établit le courrier du maître d'oeuvre du 15 avril 2014 dressant la liste des réserves non encore levées ; il n'est pas établi que le maître de l'ouvrage aurait demandé à la société de réaliser les prestations non encore exécutées selon la procédure prévue à l'article 41.5 du CCAG Travaux ; au demeurant, le maître de l'ouvrage ne pouvait procéder aux réfactions litigieuses sans avoir adressé au préalable à la société une mise en demeure d'exécuter ses obligations comme le prévoit l'article 48 du CCAG Travaux ; enfin, l'article 41.7 du CCAG ne permet pas au maître de l'ouvrage de réceptionner l'ouvrage avec réserves tout en appliquant une réfaction sur les prix ; la réfaction peut être proposée par le maître de l'ouvrage mais doit être acceptée par le titulaire du marché ;

- la région n'apporte aucun élément nouveau de nature à établir que la société aurait commis une erreur dans le calcul de la révision des prix telle que détaillée dans son projet de décompte final ;

- les pénalités ne pouvaient être appliquées à la société dès lors que les retards sont imputables à une faute du maître de l'ouvrage ou au comportement d'autres intervenants au marché ; ainsi, lors de la notification du planning d'exécution, la société avait attiré l'attention du maître d'oeuvre sur le fait que des prestations avaient été modifiées par le maître de l'ouvrage ou tardivement validées par celui-ci et qu'elle ne pouvait non plus réaliser certaines prestations compte tenu du retard pris par d'autres intervenants au marché ; en tout état de cause, la région ne justifie nullement du non respect par la société du délai d'exécution des travaux faute de produire le calendrier détaillé d'exécution ou l'ordre de service de démarrage des travaux ; enfin, l'absence de la société à 25 réunions de chantier n'est nullement établie au dossier ; concernant l'absence de la société à 4 de ces réunions, elle justifiait une pénalité de 750 euros, en application de l'article 6.3 du CCAP, de sorte que la somme de 6 250 euros doit être réintégrée au décompte et non celle de 5 250 euros comme l'a jugé le tribunal ;

- les demandes de la région Nouvelle-Aquitaine concernant les travaux non réalisés par la société ne sont pas fondées ; en tout état de cause, s'agissant des désordres survenus durant l'année de parfait achèvement, les demandes de la région sont prescrites dès lors qu'elle n'a engagé aucune action dans le délai d'un an.

Elle soutient, en ce qui concerne ses propres prétentions, que :

- elle a réalisé des travaux supplémentaires qui n'ont pas donné lieu à paiement par le maître de l'ouvrage alors qu'ils doivent être évalués à 97 768,26 euros TTC ; ces travaux, quand bien même ils auraient été réalisés sans ordre de service, doivent lui être payés dès lors qu'ils présentent un caractère indispensable ;

- elle doit être indemnisée de ses préjudices résultant de la modification de ses conditions d'intervention en cours de chantier et de la prolongation de celui-ci ; elle a droit, à ce titre, à une somme de 162 661,50 euros TTC.

Par ordonnance du 10 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2017 à 12 heures.

II) Par une requête, enregistrée le 28 février 2017 sous le n° 17BX00808, et un mémoire complémentaire du 29 mai 2017, la région Nouvelle-Aquitaine, représentée par Me A..., demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1404815 du 30 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser à la société MGD Tertiaire la somme de 93 923,93 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2014.

Elle soutient que :

- par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser à la société MGD Tertiaire une somme de 93 923,93 euros TTC au titre du solde du lot n° 4 " menuiseries intérieures " du marché de travaux portant sur la construction d'un centre de formation, de recherche et de transfert de technologie lié à l'optique ;

- la société MGD Tertiaire a été placée en liquidation judiciaire sans en avoir informé la région, laquelle n'a pu en conséquence déclarer sa créance auprès des organes de la procédure collective ; ainsi, en exécutant le jugement rendu, la région ne pourrait escompter récupérer les sommes ainsi versées compte tenu de l'existence de nombreux autres créanciers qui ont pu en revanche déclarer leurs créances ; cette mise en liquidation de la société justifie ainsi qu'il soit sursis à l'exécution du jugement rendu par le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2017, la SARL Alliance MJ, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société MGD Tertiaire, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter la demande de sursis à exécution présentée par la région Nouvelle-Aquitaine ;

2°) de mettre à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la région Nouvelle-Aquitaine à l'appui de sa demande de sursis à exécution sont infondés.

Par ordonnance du 10 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juin 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la SARL Alliance MJ, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société MGD Tertiaire.

Une note en délibéré présentée pour la SARL Alliance MJ, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société MGD Tertiaire a été enregistrée le 20 septembre 2017.

Considérant ce qui suit :

1. En 2011, la région Aquitaine a lancé une consultation pour la passation de marchés publics de travaux portant sur la construction, à Talence, d'un centre de formation, de recherche et de transfert de technologie lié à l'optique. Par un acte d'engagement du 13 septembre 2011, la région Aquitaine a attribué le lot n° 4 " menuiseries intérieures " de ce marché à la société MGD Agencement Batibois pour un montant de 2 296 481,15 euros TTC. Le 23 décembre 2013, la société MGD Tertiaire, venant aux droits de la société MGD Agencement Batibois, a adressé au maître d'oeuvre, la société Atelier des architectes Mazières, son projet de décompte final fixant à 363 738,71 euros TTC le montant lui restant dû au titre du solde du marché. Les travaux réalisés ont été réceptionnés le 29 janvier 2014 avec effet au 19 septembre 2013 sous réserves pour le titulaire du marché d'exécuter certains travaux non encore achevées et de remédier à des imperfections et malfaçons constatées. Le 21 mars 2014, la société MGD Tertiaire a reçu notification du décompte général fixant à 243 057,43 euros TTC le solde du marché restant à sa charge qu'elle a contesté en adressant au maître de l'ouvrage délégué, le 30 avril 2014, un mémoire en réclamation. Après le rejet de sa réclamation prononcé par décision du maître de l'ouvrage délégué du 26 mai 2014, au motif qu'elle a été présentée tardivement, la société MGD Tertiaire a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de la région Nouvelle-Aquitaine à lui verser la somme de 363 738,71 euros TTC au titre du solde du marché. La région Nouvelle-Aquitaine relève appel du jugement rendu le 30 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser à la société MGD Tertiaire la somme de 93 923,93 euros TTC au titre de la complète exécution du marché litigieux. Elle conclut ainsi à l'annulation de ce jugement et demande à la cour, à titre subsidiaire, de fixer à 379 816,57 euros HT le solde du lot n° 4 que la société MGD Tertiaire reste lui devoir. La société MGD Tertiaire, représentée par la SARL Alliance MJ, agissant en qualité de mandataire liquidateur, conclut au rejet de la requête de la région Nouvelle-Aquitaine et demande, par la voie de l'appel incident, à être déchargée des pénalités qui lui ont été infligées à hauteur de 1 000 euros pour absences aux réunions de chantier ainsi que la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 97 768,26 euros TTC au titre des travaux supplémentaires qu'elle soutient avoir accomplis et la somme de 162 661,50 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prolongation du chantier.

Sur la requête d'appel :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Dans sa requête d'appel, la région Nouvelle-Aquitaine développe une critique du jugement attaqué et ne se borne dès lors pas à reproduire purement et simplement ses écritures de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

En ce qui concerne la tardiveté du mémoire en réclamation :

4. Aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 et auquel renvoie l'acte d'engagement du 13 septembre 2011 : " 13.4.4. Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer.(...) En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. (...) Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG. ". Aux termes de l'article 50 du même cahier : " Règlement des différends et des litiges (...) 50.1. Mémoire en réclamation : 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'oeuvre. Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. ".

5. Il résulte de ces stipulations que l'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la date à laquelle il a reçu notification du décompte général pour faire parvenir au représentant du pouvoir adjudicateur un mémoire en réclamation. Si, avant l'expiration de ce délai, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas reçu le mémoire contestant le décompte final, celui-ci devient définitif et ne peut plus être contesté. Il en irait autrement dans l'hypothèse où l'entrepreneur établit qu'il a remis son mémoire en réclamation aux services postaux en temps utile afin qu'il parvienne avant l'expiration du délai applicable compte tenu du délai d'acheminement normal du courrier.

6. La société MDG Tertiaire a reçu notification du décompte général établi par la société Bordeaux Métropole Aménagement, maître de l'ouvrage délégué, le 21 mars 2014. En application des stipulations précitées des articles 13.44 et 50.1.1 du CCAG Travaux, il appartenait à la société MGD Tertiaire de faire parvenir son mémoire en réclamation au plus tard le lundi 5 mai 2014. Il résulte de l'instruction que, si ce mémoire a été adressé aux services postaux le mercredi 30 avril 2014, il n'a été réceptionné par le maître de l'ouvrage délégué que le 6 mai suivant soit après l'expiration du délai de quarante-cinq jours applicable.

7. Il résulte de ces considérations que la période comprise entre le jour où la société MGD Tertiaire a adressé son mémoire en réclamation et la date d'expiration du délai de quarante-cinq jours applicable incluait le jour férié du jeudi 1er mai et les deux journées du week-end du samedi 3 et du dimanche 4 mai pendant lesquels les services postaux n'étaient pas en activité. Le vendredi 2 mai pouvait ainsi être appréhendé comme une journée de faible activité dès lors qu'il était compris entre ces trois jours non travaillés. Il s'agit là d'une circonstance particulière propre au calendrier de cette période de l'année de nature à rendre prévisible un allongement du délai d'acheminement du courrier. Il en résulte, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, qu'en adressant aux services postaux son mémoire en réclamation le mercredi 30 avril 2014 alors que celui-ci devait parvenir à son destinataire au plus tard le lundi 5 mai 2014, la société MDG Tertiaire ne peut, dans les circonstances propres au cas d'espèce, être regardée comme ayant expédié ledit mémoire en temps utile afin qu'il soit réceptionné avant l'expiration du délai de quarante-cinq jours.

8. Il en résulte que la réclamation présentée par la société MGD Tertiaire était tardive, de sorte que le décompte général notifié le 21 mars 2014 a acquis un caractère définitif et ne pouvait plus être contesté devant le tribunal administratif. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de la requête de la société MGD Tertiaire et leur jugement doit, dès lors, être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité.

En ce qui concerne l'appel incident présenté par la société MGD Tertiaire :

9. Dans son mémoire enregistré le 31 mai 2017, soit après l'expiration du délai d'appel, la société MGD Tertiaire demande, par la voie de l'appel incident, la condamnation de la région Nouvelle-Aquitaine à lui verser la somme de 97 768,26 euros TTC au titre des travaux supplémentaires qu'elle soutient avoir réalisés et la somme de 162 661,50 euros en réparation de ses préjudices résultant des modifications de ses conditions d'intervention et de la prolongation des délais d'exécution.

10. Dès lors que, comme dit précédemment, le mémoire en réclamation de la société MGD Tertiaire a été tardivement présenté, le décompte général qui lui a été notifié le 21 mars 2014 est devenu définitif et ne peut plus être contesté. Il en résulte que la société MGD Tertiaire n'est pas fondée à contester ce décompte en tant qu'il ne satisfait pas à ses demandes tendant à la condamnation du maître de l'ouvrage à lui verser les sommes exposées au point précédent.

Sur la requête à fin de sursis à exécution :

11. Le présent arrêt statue sur l'appel de la région Nouvelle-Aquitaine tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur son recours tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions précitées

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404815 du tribunal administratif de Bordeaux du 30 janvier 2017 est annulé.

Article 2 : La demande de la société MGD Tertiaire présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17BX00808 à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la région Nouvelle-Aquitaine, à la SARL Alliance MJ, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société MGD Tertiaire et à la société Bordeaux Metropole aménagement.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 17BX00807, 17BX00808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00807
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL D4 AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;17bx00807 ?
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