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17/10/2017 | FRANCE | N°17BX00398

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 17BX00398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1603562 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 3 et 21 février et le 26 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1603562 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 3 et 21 février et le 26 juillet 2017, M.B..., représenté par Me Amari de Beaufort, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2016 précité ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme

de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de

justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de certificat de résidence :

- la procédure est entachée d'irrégularité ;

- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est fondé à tort sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation, en considérant que le préfet en mentionnant qu'il " ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, ce dont il ne se prévaut pas par ailleurs " a bien fondé sa décision ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 6-7° de l'accord franco-algérien ; il ne pourra pas effectivement bénéficier de son traitement en Algérie, en raison de la pénurie de médicaments et du déficit de services compétents en néphrologie ; le tribunal n'a pas pris en compte la liste des médicaments remboursables du gouvernement algérien où ne figure pas le néoral qui n'est pas substituable ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il réside en France avec son épouse et leurs deux enfants ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête, renvoie à ses écritures présentées en première instance et soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Didier Salvi a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant algérien né le 25 mars 1987, est entré en France le

24 octobre 2015 sous couvert d'un visa de quatre-vingt dix jours. Le 7 décembre 2015, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé. Par arrêté

du 20 mai 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. M. B...relève appel du jugement

du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la décision portant refus de certificat de résidence :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Aux termes de

l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...)". Et aux termes de l'article 4 de

l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. (...) ".

3. Il résulte de ces stipulations et dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Si M. B...soutient qu'il n'a pas été informé de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé préalablement à l'édiction de la décision contestée et n'a ainsi pas été mis à même de contredire ledit avis, il ne résulte d'aucune norme législative ou réglementaire l'obligation de communiquer préalablement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé à l'étranger qui demande un titre de séjour en raison de son état de santé. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut donc qu'être écarté.

5. Pour refuser de délivrer un certificat de résidence algérien à M.B..., le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis émis le 12 février 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées selon lequel l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existe dans son pays d'origine un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, qu'il a repris à son compte. Ainsi, en dépit de la circonstance que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé vise le 11° de

l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose audit médecin de vérifier si l'intéressé pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le médecin de l'agence régionale de santé, qui a apprécié la situation de M. B...au regard des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco algérien, n'a pas entaché son avis d'irrégularité.

6. M. B...souffre d'une insuffisance rénale chronique ayant entrainé une transplantation rénale en Algérie en 2011. Par un avis du 12 février 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé et que le traitement doit être poursuivi pendant une durée indéterminée. Si M. B...produit des articles de presse successifs des années 2012 à 2017, faisant état d'une pénurie de médicaments en Algérie, seuls les articles de l'année 2012 mentionnent la pénurie du Cortancyl 5 mg, médicament nécessaire à son traitement, et il ne démontre pas que cette pénurie perdure. S'il produit une liste des médicaments remboursables en Algérie, le caractère probant de cette liste n'est pas établi. Dans ces conditions, et alors, au demeurant, que l'appelant ne justifie pas d'une résidence habituelle en France, la décision de refus de lui délivrer un certificat de résidence n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.B....

7. L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. M. B...soutient qu'il réside en France avec son épouse et leurs deux enfants en bas âge. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré très récemment en France et a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Il ne justifie pas de la régularité du séjour de son épouse de même nationalité. Sa cellule familiale peut se reconstituer en Algérie avec celle-ci et leurs jeunes enfants. Ainsi, la décision portant refus de certificat de résidence ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. La décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. B...de ses enfants nés en 2014 et 2016. Compte tenu du jeune âge de ceux-ci et de la circonstance, ainsi qu'il a été dit au point 8, que cette décision n'implique pas par elle-même une rupture de la cellule familiale qui peut se reconstituer en Algérie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de certificat de résidence n'est pas entachée des illégalités alléguées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B...ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, que le traitement approprié à son état de santé n'existerait pas dans son pays d'origine. La mesure d'éloignement prise à son encontre ne méconnaît donc pas les dispositions précitées.

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la

loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017,

Le rapporteur,

Didier SalviLe président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17BX00398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00398
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;17bx00398 ?
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