La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2017 | FRANCE | N°17BX01880

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2017, 17BX01880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 27 octobre 2016 portant à son encontre refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et décision fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1605249 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mars 2017 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 27 octobre 2016 portant à son encontre refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et décision fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1605249 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de la Gironde en date du 27 octobre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai, sous astreinte de 80 euros par jour de retard dans l'un comme l'autre cas ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour n'est pas suffisamment motivé au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; il est stéréotypé et n'est pas motivé en fait ;

- le préfet a pris cette décision sans procéder à un examen sérieux de sa situation ; il s'est borné à examiner sa situation à la date du mois de décembre 2014 et n'a pas pris en compte sa situation à ce jour ; il s'agit donc d'un examen stéréotypé se basant sur des éléments datant de 2014 ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, basée sur un entretien datant de 2014 ; il bégaie et a de très grandes difficultés à s'exprimer, sans avoir bénéficié d'un accompagnement pendant l'entretien ; il encourt des persécutions dans son pays d'origine en raison de son homosexualité ; il en résulte que sa situation personnelle est constitutive de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement est illégale en raison des persécutions qu'il encourt en cas de retour au Cameroun ;

- la décision fixant le pays de renvoi est également illégale pour les mêmes raisons ; le Cameroun est profondément homophobe, comme le démontre l'article 347-1 de son code pénal, ce qui est régulièrement dénoncé par les associations comme Amnesty International ; or, son homosexualité est de notoriété publique ; par suite, cette décision méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés ; que celui-ci n'apportant en appel aucun élément nouveau, il maintient ses écritures de première instance.

M. B...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., de nationalité camerounaise, né en 1985 à Douala, est entré en France le 9 août 2014. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 décembre 2015 et dont il a sollicité le réexamen. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le cadre de la procédure prioritaire, a rejeté cette demande de réexamen le 17 mars 2016, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 septembre 2016. Le préfet de la Gironde a alors pris un arrêté en date du 27 octobre 2016 portant à son encontre refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et décision fixant le pays de destination. M. C...fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mars 2017, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes applicables et fait état du fait que la demande d'asile de M. C... ainsi que sa demande de réexamen ont été rejetées, qu'il est entré récemment en France, qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet, qui précise avoir procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle à l'aide des déclarations de l'intéressé et des éléments produits, mais qui n'était cependant pas tenu à énumérer de façon exhaustive tous les éléments ayant trait à la situation de M.C..., a suffisamment motivé sa décision en fait au regard des exigences posées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, désormais reprises à l'article L. 211-2 du code des relations entre l'administration et le public.

3. En deuxième lieu, cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation particulière de l'intéressé. En particulier, contrairement à ce que fait valoir le requérant, rien n'indique que le préfet n'aurait pris en compte aucun élément postérieur à fin 2014, dès lors qu'il précise que M.C..., à la suite du dépôt de sa demande d'asile, a été convoqué plusieurs fois auprès de ses services et a été reçu une nouvelle fois en entretien en mars 2016 lors de sa demande de réexamen.

4. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...) ".

5. Les premiers juges ont considéré : " qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré récemment en France en 2014, qu'il est célibataire et sans enfant et que des membres de sa famille proche vivent dans son pays d'origine ; qu'il ne démontre pas, par ses seules allégations relatives à son orientation sexuelle, au décès de son ami dans un accident de la circulation et aux menaces dont il aurait ensuite fait l'objet de la part de la famille de ce dernier, qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve, être personnellement exposé à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, il ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels appelant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ; qu'en outre, en l'absence de tout élément concernant sa situation professionnelle, notamment quant à une qualification, une expérience ou des diplômes particuliers, il ne justifie pas de motifs exceptionnels appelant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ". En appel, M. C...n'apporte aucun élément nouveau, et, en particulier, aucun élément de preuve, de nature à infirmer la motivation retenue par les premiers juges, qu'il y a ainsi lieu d'adopter. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a pu considérer que, pour ces motifs, le préfet de la Gironde n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de M. C....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. C.... En tout état de cause, la mesure d'éloignement n'emportant pas fixation du pays de renvoi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de ladite décision.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

8. Si M. C...fait valoir qu'en raison de son orientation sexuelle et du décès de son ami dans un accident de la circulation, il encourt de graves risques en cas de retour au Cameroun, d'une part en raison des menaces dont il aurait fait l'objet de la part de la famille de cet ami et, d'autre part, en raison du climat d'homophobie qui règne dans ce pays, où l'homosexualité est réprimée par un article du code pénal, il se borne à se prévaloir des constatations faites par différentes associations internationales sur la situation au Cameroun à cet égard et de l'accompagnement que lui apportent deux collectifs de soutien aux victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle. Cependant, pas plus en appel qu'en première instance, et alors par ailleurs que sa demande d'admission au statut de réfugié politique a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ainsi que sa demande de réexamen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, M. C...ne démontre, par ses seules allégations, qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve, être personnellement exposé à des risques graves, personnels, réels et actuels, en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C... étant rejetées, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant tendant à la délivrance d'un titre de séjour ou, à défaut, au réexamen de sa situation doivent être également rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 octobre 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 17BX01880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01880
Date de la décision : 16/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-16;17bx01880 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award