Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " présentée en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1605008 du 2 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 30 mai et le 2 août 2017, M. D... C..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2016 du préfet de la Haute-Garonne susmentionné ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans les deux cas sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'incompétence de son auteur dès lors qu'elle est signée par M. B...A...qui ne justifie pas d'une délégation de signature du préfet de la Haute-Garonne pour signer ce type d'acte ;
- cette décision est insuffisamment motivée au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs dès lors qu'elle ne contient que des formules stéréotypées ;
- la décision contestée a été prise en violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, pour s'écarter de l'avis favorable rendu le 12 mai 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé, selon lequel, d'une part, l'absence de prise en charge de la sclérose en plaques dont il souffre (et qui a été diagnostiquée en mars 2015 en Russie) peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et, d'autre part, le traitement dont il a besoin (qui requiert la prescription de Tecfidera par un neurologue qualifié) n'existe pas en Russie, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé uniquement sur un avis du médecin conseil rattaché à l'ambassade de France à Moscou, qui est un simple médecin généraliste aucunement spécialisé en neurologie, au vu d'informations contenues sur un site Internet non officiel et n'ayant qu'une portée éducative, qui ne mentionne pas l'existence du Tecfidera ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence de son auteur dès lors qu'elle est signée par M. B...A...qui ne justifie pas d'une délégation de signature du préfet de la Haute-Garonne pour signer ce type d'acte ;
- cette même décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er août 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 août 2017.
Un mémoire présenté pour M. C...a été enregistré le 6 septembre 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, reprise dans le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant russe né le 29 mai 1985 à Leningrad (ex-URSS) est entré une première fois en France le 30 mars 2005, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de huit jours, en vue de solliciter l'asile. Eloigné à destination de la Russie, le 3 février 2015, après avoir fait l'objet de divers refus d'admission au titre de l'asile prononcés par les autorités compétentes au cours des années 2005-2007 ainsi que plusieurs arrêtés du préfet de la Vendée portant notamment obligation de quitter le territoire français, édictés sur la période de 2011-2014, l'intéressé est entré de nouveau sur le territoire français le 21 juin 2015 via l'Italie, selon ses propres dires. Le 11 mai 2016, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 octobre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 2 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté préfectoral.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...). ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 de ce même code, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Selon l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, alors en vigueur : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique. ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution. Il transmet ce rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin de l'agence régionale de santé dont relève la résidence de l'intéressé, désigné à cet effet par le directeur général de cette agence. (...) ". Selon l'article 4 dudit arrêté : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4 Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté par le préfet de la Haute-Garonne, que M. C...souffre d'une sclérose en plaques rémittente et récurrente, diagnostiquée en mars 2015 lorsqu'il se trouvait en Russie, qui avait donné lieu à une première prise en charge par le docteur Fastova, poursuivie jusqu'en mai 2015, consistant en des séances d'exercice physique et de massages, de la physiothérapie, ainsi que l'administration de vitamines et d'un traitement à base de dlycine et midokalon, qui s'est toutefois avérée inefficace pour traiter cette pathologie évolutive qui a entraîné notamment chez l'intéressé une paraparésie des membres inférieurs, des troubles sensitifs, une ataxie proprioceptive, une limitation du périmètre de marche et des troubles vésico-sphyncteriens. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de plusieurs certificats médicaux établis antérieurement à l'arrêté contesté, les 19 avril et 15 juillet 2016, par le docteur Gaina, neurologue spécialiste de cette pathologie affecté dans le service de neurologie de l'Hôpital Pierre Paul Riquet à Toulouse, chargé du suivi de M. C..., que cette maladie nécessite un traitement de fond, dans son cas par Tecfidera, dont le remboursement par la sécurité sociale est prévu en France depuis l'entrée en vigueur d'un arrêté du ministre de la santé en date du 23 juin 2015 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux, et que, en l'absence d'un tel traitement, la progression de la maladie est susceptible d'entraîner des séquelles fonctionnelles irréversibles. Il n'est pas davantage contesté que c'est en considération de ces éléments personnels contenus dans le dossier de l'intéressé que, pour émettre un avis favorable à sa demande de titre de séjour formée en qualité d'étranger malade, le médecin de l'agence régionale de santé de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées a indiqué, le 12 mai 2016, que la sclérose en plaques dont est affecté l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et qu'il n'existe pas, dans son pays d'origine, un traitement approprié pour sa prise en charge alors que le traitement doit être poursuivi pendant un an. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. C...pour lui permettre de soigner cette pathologie, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'est pas lié par cet avis, a choisi de s'en écarter en se fondant sur un autre avis émanant du docteur Andreoli, médecin conseil près le consulat de France à Moscou, qui a estimé, le 14 juillet 2016, que l'intéressé pouvait accéder, en Russie, à une prise en charge adaptée. Toutefois, et contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, ce seul document, peu circonstancié et rédigé en des termes généraux, qui se borne à indiquer que " la liste des établissements se trouve sur le site très complet dédié à la sclérose en plaques : www.rscleros.ru. La prise en charge est identique à celle en France et les traitements quasi équivalents ", ne saurait suffire en l'espèce à infirmer l'avis favorable rendu par le médecin de l'agence régionale de santé au vu de l'ensemble du dossier médical de M. C...et établir l'existence d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Dès lors, la décision refusant de délivrer à l'appelant une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " a été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, partant, entachée d'illégalité. Il en est de même, par voie de conséquence, des autres décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, qui sont privées de base légale.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté et, par suite, à demander l'annulation de ce jugement.
Sur les autres conclusions :
6. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, eu égard à son motif, qu'il soit délivré à M.C..., ainsi qu'il le demande, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.
7. Il résulte de l'instruction que M. C...n'a pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance. Par suite, son avocat ne saurait se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, ses conclusions tendant à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1605008 du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2017 et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 6 octobre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Haute-Garonne de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2017.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 17BX01692