La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2017 | FRANCE | N°15BX04226

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2017, 15BX04226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Etablissements Wendel Frères a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Boé et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400611, 1400613 du 27 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et des mémoires, enregistrés le 30 décembre 2015 et les 2 novembre et 12 décembre 2016, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Etablissements Wendel Frères a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Boé et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400611, 1400613 du 27 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 décembre 2015 et les 2 novembre et 12 décembre 2016, la société Etablissements Wendel Frères, représentée par la société d'avocats CMS Bureau Francis Lefebvre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 octobre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge ou la réduction sollicitées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2013 définit l'assiette de la TASCOM comme la surface de vente des magasins de commerce de détail ;

- l'établissement situé à Boé se trouvait hors du champ d'application de la taxe au titre des années d'imposition en litige, dès lors que son activité relève du commerce de gros et non du commerce de détail ; la société est répertoriée sous le code NAF commerce de gros de bois et de matériaux de construction ;

- les définitions de l'INSEE sur le commerce de gros et de détail confirment que le commerce de détail vise une clientèle de particuliers qui achètent dans les magasins des produits pour leur usage personnel alors que le commerce de gros s'adresse essentiellement à des professionnels pour les besoins de leur activité ;

- quand bien même elle aurait une activité mixte, les dispositions législatives conduisent à pratiquer une sectorisation des activités ;

- la loi de finances rectificative 2012-1510 du 29 décembre 2012 est venue préciser que les établissements de commerce de gros dont la clientèle est composée de professionnels pour les besoins de leur activité ou de collectivités sont exclus du champ d'application de la TASCOM ;

- la doctrine administrative BOI-TFP-TSC-20131002 § 327 mise à jour le 2 octobre 2013 est applicable en vertu de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; l'administration reconnaît l'exclusion dès l'origine de la catégorie des magasins de commerce de détail, des établissements de commerce de gros dont la clientèle est composée de professionnels pour les besoins de leur activité ou de collectivités, en estimant utile d'indiquer que cette modification était applicable à la TASCOM des années antérieures ;

- contrairement à ce que juge le tribunal, aucune condition ne prévoyait que seuls les établissements exerçant exclusivement une activité de commerce de gros se situaient hors du champ de la taxe ;

- l'article 1er du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 qui vise les établissements de commerce de détail entrant dans le champ de la TASCOM exige uniquement l'établissement de comptes distincts ; au cas présent, la société a présenté une comptabilité directement générée par sa gestion commerciale établissant une répartition entre les ventes effectuées auprès des consommateurs finals (vente au détail) et les ventes effectuées auprès des professionnels (vente en gros) sous la forme analytique, l'expert comptable certifiant la concordance de la ventilation du chiffre d'affaires ; le décret du 26 janvier 1995 ne prévoit pas que les comptes ne puissent être distingués au niveau de la comptabilité analytique de la société ;

- à titre subsidiaire, si la cour considère que les dispositions de la loi de finances rectificatives pour 2012 qui ont modifié l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 ont une portée rétroactive, et que la société entrait dans le champ de la taxe avant 2013, le calcul de la taxe doit alors tenir compte de la réduction de 30 % pour la vente exclusive de marchandises nécessitant des superficies de ventes anormalement élevées en tant que biens d'ameublement et appareils d'utilisation quotidienne auprès des particuliers répondant à la définition de vente exclusive de meubles meublants ;

- l'instruction administrative 6 F-2-12, § 48 reprise au BOI-TFP-TSC-20150506 §410 et la réponse ministérielle publiée au JO du 11 avril 2006 n° 79333 confirment que la notion de meubles meublants s'entend des meubles destinés à l'usage de l'habitation, des appareils d'utilisation quotidienne et plus généralement les biens d'équipement de la maison ; dès lors, il n'y a pas lieu d'exclure de cette définition notamment les sanitaires, les accessoires de salle de bains ou les appareils de chauffage ou de climatisation destinés à l'usage de l'habitation ;

- les biens proposés à la vente par la société doivent être regardés comme des meubles meublants au sens des dispositions prévues à l'article 3-A du décret du 26 janvier 1995 ;

- en toute hypothèse, ces biens relèveraient de la catégorie des matériaux de construction dont la vente ouvre droit à la réduction de 30 % du taux de TASCOM prévue en faveur des professions dont l'exercice requiert des surfaces de vente anormalement élevées ;

- le tribunal administratif n'a pas statué sur la question de savoir si la société vendait à titre exclusif ou non des marchandises ouvrant droit au bénéfice de la réduction de taux à 30 % ;

- la société exerce effectivement une activité exclusive de vente de meubles meublants et de matériaux de construction selon la définition de ces biens telle que prévue pour l'application de la réduction de taux de la taxe ;

- à titre infiniment subsidiaire, en limitant le bénéfice de la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales aux seules professions exerçant une activité de vente exclusive de certaines marchandises, les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 ont ajouté une condition non prévue par les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, lesquelles subordonnent l'application de ce taux aux professions dont l'exercice requiert des surfaces de vente anormalement élevées, sans opérer de distinction sur la nature de l'activité et sans aucune référence à la notion de vente exclusive ;

- la réponse du ministre délégué au budget au président de l'association des maires de France et la décision de la cour administrative d'appel de Nancy n° 15NC00083 confirment l'illégalité de ce dispositif règlementaire ;

- dans un rescrit du 15 mai 2012, l'administration fiscale a admis la réduction de taux pour des concessionnaires automobiles dont les ventes d'accessoires et de pièces détachées étaient liées à l'activité principale.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juin, 16 novembre 2016 et 17 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Etablissements Wendel Frères ne sont pas fondés.

.

Par ordonnance du 12 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 18 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ;

- la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;

- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de Mme Deborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Etablissements Wendel Frères.

Considérant ce qui suit :

1. La société Etablissements Wendel Frères dispose, pour son activité de vente de carrelage, de salles de bain, de cuisines, d'équipements de chauffage et de climatisation, d'un établissement principal situé à Marmande (Lot-et-Garonne) ainsi que de deux établissements implantés à Boé et à Bias. A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 2012, l'administration fiscale a estimé que la société était redevable de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). La société Etablissements Wendel Frères relève appel du jugement du 27 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, subsidiairement à la réduction, des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 pour son établissement de Boé.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Bordeaux a expressément répondu aux moyens soulevés par la société Etablissements Wendel Frères. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen, analysé au point 8 du jugement, tiré de ce que la société aurait vendu à titre exclusif ou non des marchandises ouvrant droit au bénéfice de la réduction de taux à 30 %. Par suite, la société Etablissements Wendel Frères n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin de décharge portant sur la taxe sur les surfaces commerciales des années 2011 et 2012 :

3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite (...) ". Aux termes du dernier alinéa du même article, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2015 : " Le montant de la taxe calculé selon le présent article et avant application de la modulation prévue au cinquième alinéa du 1.2.4.1 de l'article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 est majoré de 50 % pour les établissements dont la surface de vente excède 2 500 mètres carrés. Le produit de cette majoration est affecté au budget de l'État ". Selon l'article 77 de la loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 : " 1.2.4.1. A compter du 1er janvier 2011, la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est perçue au profit de la commune sur le territoire de laquelle est situé l'établissement imposable. Les établissements publics de coopération intercommunale (...) sont substitués aux communes membres pour l'application des dispositions relatives à la taxe sur les surfaces commerciales et la perception de son produit (...). / L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou, à défaut, le conseil municipal de la commune affectataire de la taxe peut, pour la première fois au titre de la taxe due en 2012, appliquer aux montants de la taxe, calculés conformément à l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 précitée, un coefficient multiplicateur compris entre 0,8 et 1,2 et ne comportant que deux décimales. Ce coefficient ne peut être inférieur à 0,95 ni supérieur à 1,05 au titre de la première année pour laquelle cette faculté est exercée. Il ne peut ensuite varier de plus de 0,05 chaque année (...). / Pour les frais d'assiette et de recouvrement, l'État effectue un prélèvement de 1,5 % sur le montant de la taxe sur les surfaces commerciales (...) ". Ce même article 77 a modifié, depuis le 1er janvier 2011, le 6° de l'article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales pour ajouter le produit de la taxe sur les surfaces commerciales aux recettes fiscales de la section de fonctionnement du budget des communes.

4. D'autre part, en vertu du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort " sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent.

5. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, sans qu'aient d'incidence à cet égard les dispositions de l'article 7 de la loi du 13 juillet 1972 qui prévoient que les réclamations relatives à cette taxe " sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables " à la taxe sur la valeur ajoutée. Le tribunal administratif statue donc en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs à la taxe sur les surfaces commerciales.

6. Le jugement attaqué, en tant qu'il rejette les conclusions portant sur la taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2011 et 2012, n'est pas susceptible d'appel. Il y a lieu, en conséquence, de transmettre, dans cette mesure, au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les conclusions de la requête relatives aux cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles la société a été assujettie au titre de ces années.

Sur les conclusions en décharge relatives à l'année 2010 :

En ce qui concerne le champ d'application de la taxe :

7. L'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 modifié institue pour les magasins de commerce de détail ouverts à compter du 1er janvier 1960, réalisant un chiffre d'affaires minimum de 460 000 euros et comptant une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente laquelle s'entend, en vertu du troisième alinéa du même article, des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement et à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. La surface prise en compte pour le calcul de la taxe, qui ne comprend que la partie close et couverte, est celle existant au 31 décembre de l'année précédant l'année d'imposition. Le décret du 26 janvier 1995 fixe les réductions de taux, prévues au même article, notamment pour les activités nécessitant des superficies de vente anormalement élevées.

8. En outre, aux termes de l'article 1er du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dans sa version applicable en l'espèce : " (...) Lorsqu'un établissement, réalise à la fois des ventes au détail de marchandises en l'état et une autre activité, le chiffre d'affaires à prendre en considération au titre de la taxe sur les surfaces commerciales est celui des ventes au détail en l'état, dès lors que les deux activités font l'objet de comptes distincts. ".

9. D'une part, les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 n'interdisent pas l'assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales des activités de commerce de détail réalisées dans des établissements pratiquant également le commerce en gros ou d'autres activités, à concurrence du chiffre d'affaires relatif à la surface de commerce de détail.

10. D'autre part, pour l'application des dispositions précitées de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, et de l'article 1er du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995, le chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales est celui réalisé par les surfaces de ventes au détail, en l'état, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'acheteur est un particulier ou un professionnel. Il s'en déduit que les ventes au détail en l'état à des professionnels, tant pour leurs besoins propres que lorsqu'ils incorporent les produits qu'ils ont ainsi achetés dans les produits qu'ils vendent ou les prestations qu'ils fournissent, doivent être prises en compte pour la détermination du chiffre d'affaires par mètre carré, à la différence des ventes à des professionnels revendant en l'état, l'activité de ces derniers relevant alors d'une activité de grossiste ou d'intermédiaire.

11. En l'espèce, il est constant que les surfaces destinées au libre accès ou à l'exposition des matériaux sont accessibles au public à des heures fixes. La société dispose pour son établissement de Boé d'une surface d'exposition de 700 mètres carrés et en libre service de 600 mètres carrés, au-delà des 400 mètres carrés requis, librement ouvertes à sa clientèle. N'importe quel client peut réaliser ses achats, avec si besoin, les conseils du personnel commercial de la société qui se tient à disposition de tous les clients.

12. La société Etablissements Wendel Frères fait valoir qu'elle réalise, à titre principal, des ventes à des professionnels qui s'approvisionnent auprès d'elle en matériaux et marchandises avant de les installer chez des particuliers, et que les ventes à des particuliers ne représentent, pour l'établissement de Boé, que 12 % de son chiffre d'affaires en 2010. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les ventes réalisées auprès de professionnels relèveraient d'une activité de grossiste ou d'intermédiaire dès lors que ces professionnels auraient eu l'intention de revendre en l'état les marchandises qu'elle leur a vendues. Or le chiffre d'affaires de la société requérante résultant de l'activité de vente de carrelage, de salles de bain, de cuisines, d'équipements de chauffage et de climatisation acquis par des professionnels, dans un but autre que leur revente en l'état, doit être prise en compte pour la détermination du chiffre d'affaires et la société requérante ne justifie pas du montant de ses ventes aux professionnels dans un but autre que la revente en l'état. Et, en tout état de cause, la société n'a pas présenté de comptes distincts permettant d'individualiser les ventes au détail des autres ventes. En effet, la comptabilité de la société distingue seulement les ventes à des particuliers de celles réalisées auprès des professionnels ce qui ne permet pas de distinguer le commerce de détail du commerce de gros.

13. Enfin, l'instruction en date du 2 octobre 2013, publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts sous la référence BOI-TFP-TSC-20131002, ne peut être, en tout état de cause, utilement invoquée sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, s'agissant d'une doctrine publiée postérieurement à l'année en litige.

En ce qui concerne la réduction de taux de 30 % prévue par le décret du 26 janvier 1995 :

Quant au terrain de la loi fiscale :

14. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dans sa rédaction applicable : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / Un décret prévoira, par rapport aux taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995, dans sa rédaction applicable : " A.-La réduction de taux prévue au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : - meubles meublants ; (...) -matériaux de construction. (...) ".

15. En premier lieu, en ayant fixé la réduction de taux prévue par la loi à 30 % et précisé que cette réduction bénéficierait aux surfaces commerciales consacrées à la " vente exclusive " de certaines marchandises, notamment de meubles meublants et de matériaux de construction, les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 n'ont pas méconnu les limites de l'habilitation donnée par l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 en en restreignant la portée. Si le législateur a modifié ultérieurement ces dernières dispositions en vue d'élargir le bénéfice de la réduction du taux de la taxe qu'elles prévoient aux entreprises dont l'activité " à titre principal " requiert des surfaces de vente anormalement élevées, cette modification est sans incidence sur la légalité des dispositions du décret pris sur la base d'une habilitation antérieure qui ne prévoyait pas cette extension.

16. En second lieu, il est constant que la société requérante commercialise, au sein de son établissement situé à Boé, outre des matériaux de construction et des meubles meublants, des articles de salles de bain, de cuisines, d'équipements de chauffage et de climatisation. Contrairement à ce que soutient la société, ces articles ne constituent pas tous de simples accessoires à des matériaux de construction. Ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'activité de l'établissement situé à Boé consistait en la vente exclusive de matériaux de construction et de meubles meublants ni, par suite, qu'elle entrait dans le champ de la réduction de 30 % de la taxe sur les surfaces commerciales prévue par les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 et du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995.

Quant au terrain de la doctrine fiscale :

17. L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ".

18. En premier lieu, l'instruction 6 F-1-12 du 9 mars 2012, §48, reprise au BOI-TFP-TSC-20150506 § 410 ne peut être, en tout état de cause, utilement invoquée s'agissant de la taxe due pour l'année 2010.

19. En deuxième lieu, s'agissant de la réponse ministérielle apportée le 11 avril 2006 à la question n° 79333 posée le 29 novembre 2005 par M. le député Christian Ménard : ce dernier ne soulevait pas une question d'interprétation du régime de la taxe sur les surfaces commerciales, mais demandait si, compte-tenu de sa lourdeur, il était envisageable de réviser les modalités d'imposition de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat prévue à l'époque par les mêmes dispositions et à laquelle la taxe sur les surfaces commerciales s'est substituée à compter de l'année 2010. En lui répondant, le ministre du budget, qui se borne à rappeler les divers dispositifs d'aménagement existants ou envisagés de la taxe, ne peut donc être regardé comme ayant entendu interpréter formellement l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972.

20. En dernier lieu, si la société requérante se prévaut d'une décision de rescrit n° 2012/34 du 15 mai 2012 publiée par l'administration fiscale, il est toutefois constant que cette décision de rescrit était relative à la vente d'accessoires et de pièces détachées par les concessionnaires automobiles. Par suite, la société requérante, qui n'entre pas dans les prévisions de ce texte, ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Etablissements Wendel Frères n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande relative à l'année 2010. Les conclusions de sa requête, y compris celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la société Etablissements Wendel Frères en tant qu'elles portent sur les années 2011 et 2012 à raison de son établissement sis à Boé sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Etablissements Wendel Frères est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Etablissements Wendel Frères, au ministre de l'action et des comptes publics et au Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2017.

Le rapporteur,

Florence MadelaigueLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX04226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX04226
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-03;15bx04226 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award