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18/07/2017 | FRANCE | N°15BX00898,15BX00899

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 18 juillet 2017, 15BX00898,15BX00899


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 18 janvier 2013 par laquelle la commune de Mensignac l'a licenciée.

Par un jugement n°1300875 en date du 14 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Mme D...a également demandé à ce même tribunal de condamner la commune de Mensignac à lui verser la somme globale de 99 978,50 euros à titre indemnitaire, outre les intérêts légaux à compter du 5 mars 2013, en réparation

des préjudices subis en raison de son licenciement qu'elle estime illégal.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 18 janvier 2013 par laquelle la commune de Mensignac l'a licenciée.

Par un jugement n°1300875 en date du 14 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Mme D...a également demandé à ce même tribunal de condamner la commune de Mensignac à lui verser la somme globale de 99 978,50 euros à titre indemnitaire, outre les intérêts légaux à compter du 5 mars 2013, en réparation des préjudices subis en raison de son licenciement qu'elle estime illégal.

Par un jugement n° 1301867 en date du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 16 mars 2015 sous le n°15BX00898, et des mémoires complémentaires enregistrés les 9 et 23 novembre 2016, 12 décembre 2016, 15 février et 29 mai 2017, Mme B...D..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1300875 en date du 14 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision du 18 janvier 2013 par laquelle la commune de Mensignac l'a licenciée ;

3°) d'enjoindre à la commune de Mensignac de procéder à sa réintégration dans ses fonctions ;

4°) d'enjoindre à la commune de communiquer, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, l'originale de la lettre du 12 mai 2012 portant démission de la requérante et l'original des notes qu'elle aurait rédigées et lues en séance du conseil municipal du 10 septembre 2012 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Mensignac d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle avait soutenu en première instance qu'elle avait besoin de la lettre du 12 mai 2012, qu'elle n'a ni mise en forme ni signée et qui serait une lettre qu'elle est censée avoir écrite pour démissionner, et qui aurait dû figurer à son dossier puisque la commune fonde une grande partie de son argumentation sur cet élément ;

- sa démission aurait, en tout état de cause, été présentée de façon irrégulière ;

- elle était enceinte au début de la procédure de licenciement ; sa grossesse a débuté le 16 octobre 2012 ; elle n'a pu se rendre au premier entretien préalable en raison d'une hospitalisation en urgence le 27 décembre 2012 ;

- le tribunal a entaché son jugement de " nullité " dès lors qu'il n'a pas tenu compte de l'ensemble des pièces du dossier ; la commune n'établit pas qu'elle aurait retenu du matériel et que cette prétendue rétention aurait eu un impact sur le fonctionnement du service ; la commune a refusé de récupérer le matériel présenté par huissier ; la commune pouvait accéder à la messagerie de la crèche dès lors qu'elle en détenait les codes d'accès comme l'atteste un courriel du 17 septembre 2012 ;

- les reproches qui lui sont faits relatifs à l'abus qu'elle aurait fait de son pouvoir hiérarchique, des prétendues injures qu'elle aurait prononcées et de son autoritarisme doivent être replacés dans un contexte de diffamation, de licenciement de certains agents de la crèche et au vu du fait que son mari appartient à l'opposition au sein du conseil municipal ; les témoignages produits par la commune ne sont pas probants ;

- le matériel mis à sa disposition constitue un avantage en nature qui ne devait être restitué qu'à la fin de ses fonctions ; il n'est pas établi que la non restitution du matériel ait eu un quelconque impact sur le fonctionnement de la crèche ;

- c'est la municipalisation de la crèche qui est à l'origine des tensions ; son autoritarisme n'est pas établi ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en opérant un seul contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- la sanction est disproportionnée ;

- elle établit que la signature de la lettre du 12 mai 2012 n'est pas la sienne ; elle conteste également être l'auteure de notes prononcées en conseil municipal le 10 septembre 2012 ;

- le maire s'est engagé, le 24 juillet 2012, à lui octroyer le bénéfice d'un CDI au terme de son CDD ;

- c'est à tort que la commune sous-entend qu'elle aurait menti sur ses diplômes ;

- le licenciement présente un caractère rétroactif dès lors qu'il fixe une date d'entrée en vigueur au 18 janvier 2013, jour même de sa notification à la requérante ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 février, 23 novembre 2016, 2 et 19 janvier 2017, 20 avril 2017, la commune de Mensignac, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D... de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II°) Par une requête, enregistrée le 16 mars 2015 sous le n°15BX00899, et des mémoires complémentaires enregistrés les 9 et 23 novembre 2016, 15 février et 29 mai 2017, Mme B...D..., représentée par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1301867 en date du 31 décembre 2014 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Mensignac à lui verser la somme globale de 99 978,50 euros à titre indemnitaire, outre intérêts légaux à compter du 5 mars 2013, en réparation des préjudices subis en raison de son licenciement qu'elle estime illégal.

2°) d'enjoindre à la commune de Mensignac de communiquer l'original de la lettre du 12 mai 2012 portant démission, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune de Mensignac à lui payer la somme totale de 110 580 euros et à titre subsidiaire la somme de 95 435 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 5 mars 2013, ainsi que les intérêts capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil, et à chaque date anniversaire ;

4°) d'enjoindre la commune de Mensignac de reconstituer sa carrière sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Mensignac la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle avait soutenu en première instance qu'elle avait besoin de la lettre du 12 mai 2012, qu'elle n'a ni mise en forme ni signée et qui serait une lettre qu'elle est censée avoir écrite pour démissionner, et qui aurait dû figurer à son dossier puisque la commune fonde une grande partie de son argumentation sur cet élément ;

- sa démission aurait, en tout état de cause, été présentée de façon irrégulière ;

- elle était enceinte au début de la procédure de licenciement ; sa grossesse a débuté le 16 octobre 2012 ; elle n'a pu se rendre au premier entretien préalable en raison d'une hospitalisation en urgence le 27 décembre 2012 ;

- le tribunal a entaché son jugement de " nullité " dès lors qu'il n'a pas tenu compte de l'ensemble des pièces du dossier ; la commune n'établit pas qu'elle aurait retenu du matériel et que cette prétendue rétention aurait eu un impact sur le fonctionnement du service ; la commune a refusé de récupérer le matériel présenté par huissier ; la commune pouvait accéder à la messagerie de la crèche dès lors qu'elle en détenait les codes d'accès comme l'atteste un courriel du 17 septembre 2012 ;

- les reproches qui lui sont faits relatifs à l'abus qu'elle aurait fait de son pouvoir hiérarchique, des prétendues injures qu'elle aurait prononcées et de son autoritarisme doivent être replacés dans un contexte de diffamation, de licenciement de certains agents de la crèche et au vu du fait que son mari appartient à l'opposition au sein du conseil municipal ; les témoignages produits par la commune ne sont pas probants ;

- le matériel mis à sa disposition constitue un avantage en nature qui ne devait être restitué qu'à la fin de ses fonctions ; il n'est pas établi que la non restitution du matériel ait eu un quelconque impact sur le fonctionnement de la crèche ;

- c'est la municipalisation de la crèche qui est à l'origine des tensions ; son autoritarisme n'est pas établi ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en opérant un seul contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- la sanction est disproportionnée ;

- elle établit que la signature de la lettre du 12 mai 2012 n'est pas la sienne ; elle conteste également être l'auteure de notes prononcées en conseil municipal le 10 septembre 2012 ;

- le maire s'est engagé, le 24 juillet 2012, à lui octroyer le bénéfice d'un CDI au terme de son CDD ;

- c'est à tort que la commune sous-entend qu'elle aurait menti sur ses diplômes ;

- le licenciement présente un caractère rétroactif dès lors qu'il fixe une date d'entrée en vigueur au 18 janvier 2013, jour même de sa notification à la requérante ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir ;

- son éviction brutale et illégale lui a causé un préjudice certain ; son préjudice financier s'établit à vingt mois de salaire soit 60 580 euros, son préjudice professionnel doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros et son préjudice moral doit être évalué à 40 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 février, 23 novembre 2016, 2 et 19 janvier 2017, 20 avril 2017, la commune de Mensignac, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme D... de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnances du 11 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant MmeD..., et de MeC..., représentant la commune de Mensignac.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Mensignac dans l'instance n°15BX00898 a été enregistrée le 27 juin 2017.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Mensignac dans l'instance n°15BX00899 a été enregistrée le 27 juin 2017.

Une note en délibéré présentée pour Mme D...dans l'instance n°15BX00899 a été enregistrée le 28 juin 2017.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Mensignac dans l'instance n°15BX00898 a été enregistrée le 5 juillet 2017.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Mensignac dans l'instance n°15BX00899 a été enregistrée le 5 juillet 2017.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...a été recrutée par contrat à durée déterminée par la commune de Mensignac à compter du 1er février 2011 en qualité de directrice du pôle " Enfance Jeunesse " de la commune Mme D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 18 janvier 2013 par laquelle la commune de Mensignac l'a licenciée. Par un jugement n°1300875 en date du 14 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Mme D...a également demandé à ce même tribunal de condamner la commune de Mensignac à lui verser la somme globale de 99 978,50 euros à titre indemnitaire, outre intérêts légaux à compter du 5 mars 2013, en réparation des préjudices subis en raison de son licenciement qu'elle estime illégal. Par un jugement n° 1301867 en date du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette seconde demande. Mme D...relève appel de ces deux jugements.

Sur la jonction :

2. Les instances n°15BX00898 et 15BX00899 ont trait à la situation d'un même agent et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur l'instance n°15BX00898 :

3. Aux termes de l'article 1-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 : " I. - Le dossier des agents mentionnés à l'article 1er doit comporter toutes les pièces intéressant leur situation administrative, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité (...) ". Aux termes de l'article 37 de ce décret : " (...) L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier ".

4. Aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 précité : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non titulaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". Aux termes de l'article 36-1 de ce décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : (...) 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement (...) ".

5. La sanction qui a été prise est fondée sur de nombreux griefs que la requérante conteste en soutenant qu'ils reposent sur des faits matériellement inexacts.

6. Le premier grief reproché à Mme D...est de ne pas avoir restitué, en dépit des nombreuses relances de la commune, les matériels mis à sa disposition pour assurer ses fonctions lorsqu'elle était en congé maladie, dont un ordinateur portable, un disque dur externe, des clefs USB, le cachet de la mairie, différents documents administratifs concernant le personnel de la crèche municipale et du pôle " Enfance " et des formulaires de demandes de subventions. La requérante soutient qu'elle a restitué tous ces matériels et qu'en toute hypothèse, ces matériels n'étaient pas indispensables au bon fonctionnement du service qu'elle dirigeait. Cependant, si la commune a adressé, le 4 octobre 2012 et le 13 novembre 2012 une demande de restitution des matériels et que la requérante ne les a rendus à la commune que le 17 décembre 2012, de façon incomplète dès lors qu'il manquait le disque dur externe, les clefs USB et les différents documents administratifs, il n'est pas établi, en tout état de cause, que l'absence de ce matériel ait entraîné un dysfonctionnement de la structure. Il est, en outre, établi que le maire de la commune disposait des codes d'accès à la messagerie du service dès lors qu'il a pu envoyer un message électronique depuis cette messagerie le 17 septembre 2012, date à laquelle la requérante était en arrêt maladie. Si la directrice de la crèche municipale atteste que le refus de Mme D...de restituer les codes internet mis à sa disposition pour la gestion des inscription des enfants à la crèche a perturbé le fonctionnement de celle-ci dès lors que les parents n'obtenaient pas les réponses et renseignements utiles à leurs demandes d'inscription adressées par voie électronique, cette seule attestation n'est pas de nature à établir que ces éléments aient été suffisamment graves pour justifier, à eux seuls, le licenciement de la requérante.

7. Le deuxième grief reproché à Mme D...est d'avoir abusé de son pouvoir hiérarchique et de son autorité à l'égard des personnels placés sous son autorité. Pour établir la réalité de ces faits, la commune employeur se borne à faire référence à des attestations de différents conseillers municipaux et de l'épouse de l'un d'eux faisant état de l'autoritarisme de l'intéressée et de son agressivité dans l'exercice de ses fonctions. Si trois communications du syndicat CFDT et deux articles d'un journal local, " L'Echo Dordogne ", datés des 21 et 24 août 2012, relèvent que Mme D...est l'auteur, à l'encontre du personnel de la crèche, de brimades, de menaces, d'agressions verbales et de pressions sur le personnel, aucune attestation directe du personnel ne vient justifier de telles accusations portées contre elle. Les attestations produites par la commune émanent de proches du maire et leur contenu est très général et non circonstancié. Dans ces conditions, les éléments apportés par la commune ne sont pas de nature à établir la réalité des faits reprochés.

8. Le troisième grief reproché à Mme D...est d'avoir, de manière constante et systématique, fait preuve de mépris et proféré des injures à l'égard du maire, des conseillers municipaux et des agents de la commune. De la même manière que les faits évoqués au point 7, ces accusations reposent sur dix attestations établies par des conseillers municipaux et administrés de la commune mais qui ont tous un lien avec le maire et qui ne constituent pas des éléments suffisamment précis permettant de vérifier leur exactitude. Ces faits ne peuvent donc davantage être tenus pour établis.

9. Le quatrième grief reproché à la requérante est tiré de son incompétence et de sa manière de servir. Cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, son contrat de travail a été amendé à cinq reprises dès la première année ayant suivi sa prise de fonctions, pour augmenter sa durée hebdomadaire de travail ainsi que sa rémunération, ce qui est de nature à révéler qu'elle donnait toute satisfaction à la commune dans sa manière de servir. De plus, les attestations produites par la commune ne sont pas de nature, par leur caractère général et partial, à remettre en cause la compétence professionnelle de la requérante.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les faits reprochés à Mme D...ne sont, pour la plupart pas établis, et, en tout état de cause, pas de nature à justifier une mesure de licenciement, laquelle est disproportionnée au regard des faits de l'espèce. Dans ces circonstances, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête et sur la demande de production de la lettre du 12 mai 2012 et des documents qui auraient établi sa volonté de démissionner, ces éléments étant sans incidence aucune sur la solution du litige, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n°15BX00898, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2013 prononçant son licenciement.

11. L'annulation de la décision du 18 janvier 2013 portant licenciement de Mme D... n'implique nullement la réintégration de la requérante dès lors que celle-ci ne bénéficiait que d'un contrat à durée déterminée arrivant à échéance le 1er octobre 2014. Les conclusions à fin d'injonction ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur l'instance n°15BX0899 :

12. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction. La réparation intégrale du préjudice de l'intéressé peut également comprendre, à condition que l'intéressé justifie du caractère réel et certain du préjudice invoqué, celle de la réduction de droits à l'indemnisation du chômage qu'il a acquis durant la période au cours de laquelle il a été employé du fait de son éviction de son emploi avant le terme contractuellement prévu.

13. Pour justifier d'un préjudice financier que lui aurait causé son licenciement, Mme D... produit deux attestations de Pôle emploi. La première est datée du 12 février 2013 et précise que la requérante peut bénéficier d'une aide au retour à l'emploi à compter du 18 janvier 2013. Cependant, elle ne justifie pas d'un quelconque versement à compter de cette date. La seconde est datée du 17 octobre 2016 et indique que la requérante a bénéficié d'une aide au retour à l'emploi du 1er novembre 2014 au 23 juin 2016, soit, en tout état de cause, à une période où le contrat à durée déterminée de Mme D...était échu. Faute pour cette dernière, qui ne produit notamment pas d'avis d'imposition, d'apporter une quelconque précision sur les versements qui lui auraient été faits par Pôle emploi à compter du 18 janvier 2013 et jusqu'au 1er novembre 2014, ainsi que sur les revenus qu'elle a perçus, le cas échéant, d'une activité rémunérée, elle ne peut être regardée comme apportant les précisions suffisantes sur sa situation professionnelle durant cette période et ne justifie donc ni de la perte de revenus ni du préjudice professionnel qu'elle invoque. Dans ces circonstances, sa demande tendant à l'indemnisation de tels préjudices ne peut qu'être rejetée.

14. Dans les circonstances de l'espèce, Mme D...justifie d'un préjudice moral causé par son licenciement illégal dont il sera fait une juste évaluation en le fixant à la somme de 5 000 euros. Il y a lieu de condamner la commune de Mensignac à lui payer cette somme.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme D...fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande, et à demander la condamnation de la commune à lui payer la somme de 5 000 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

16. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts de retard courent à compter de la réception par la partie débitrice de la réclamation de la somme principale. Mme D...a droit aux intérêts légaux afférents aux intérêts échus à compter de la réception de sa demande par l'administration, soit le 5 mars 2013.

17. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Mme D...a demandé, pour la première fois, la capitalisation des intérêts dans sa requête introductive d'instance devant la cour le 16 mars 2015. Cette demande prend donc effet à compter de cette date. Il y a lieu, par suite, de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeD..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, soit condamnée à verser à la commune de Mensignac, la somme que celle-ci sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Mensignac au titre des frais exposés par Mme D...dans les deux instances.

19. Les conclusions de Mme D...tendant au remboursement du droit de plaidoirie d'un montant de 13 euros, prévu au premier alinéa de l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale, doivent être rejetées, dès lors que s'il est au nombre des dépens en vertu du 7° de l'article 695 du code de procédure civile, le droit de plaidoirie ne figure pas sur la liste limitative des dépens telle qu'elle résulte de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n°15BX00898 et 15BX00899 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du 18 janvier 2013 de la commune de Mensignac prononçant le licenciement de Mme D... sont annulés.

Article 2 : La commune de Mensignac versera à Mme D...la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices, cette somme étant assortie des intérêts légaux à compter du 5 mars 2013. Les intérêts échus le 16 mars 2015 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : La commune de Mensignac versera à Mme D...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et à la commune de Mensignac.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philipe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2017.

Le rapporteur,

Philippe DelvolvéLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Vanessa Beuzelin

2

No15BX00898 ; 15BX00899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00898,15BX00899
Date de la décision : 18/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-02 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Auxiliaires, agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-18;15bx00898.15bx00899 ?
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