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17/07/2017 | FRANCE | N°17BX00747

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2017, 17BX00747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté n° 2016-2215 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600591 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2017, Mme B...A..., représentée

par Me Ghaem, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté n° 2016-2215 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600591 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2017, Mme B...A..., représentée par Me Ghaem, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 23 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- il est irrégulier dès lors que siégeait au sein de la formation collégiale le magistrat qui s'est prononcé, en qualité de juge des référés, sur la demande de suspension de l'arrêté en litige en préjugeant de l'issue du litige au fond ;

S'agissant du refus de séjour :

- le refus de séjour est insuffisamment motivé en fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation avant d'édicter le refus de séjour ;

- la même décision a été édictée en méconnaissance de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, sur lequel le préfet s'est fondé pour lui refuser le séjour, n'indique pas s'il existe un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine et, de ce fait, ne remplit pas les conditions fixées par les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet, quant à lui, se borne à verser au dossier un document émanant de l'Organisation mondiale de la santé, non actualisé, dont les données revêtent un caractère trop général pour s'appliquer à son cas propre ; par ailleurs, ni le médecin de l'administration, ni le préfet n'apportent de précisions sur les soupçons de fraude documentaire dont il fait l'objet, ne le mettant pas ainsi à même de pouvoir se défendre ;

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fait état de circonstances humanitaires exceptionnelles ; il appartenait à l'administration de l'inviter à produire des éléments en ce sens ;

- le refus de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle réside depuis 2004 en France où se trouve l'ensemble de ses attaches, notamment son fils qui y poursuit sa scolarité ; elle a tissé des liens importants à Mayotte et elle est bien insérée dans la société française ;

- le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- la même mesure a méconnu l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit de mener vie privée et familiale normale ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de son fils qui a toujours vécu en France.

Par le mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2017, le préfet de Mayotte conclut au rejet de la requête de MmeA.... Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 4 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 mai 2017 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., de nationalité comorienne, née le 1er janvier 1970, est entrée en France en 2004 accompagnée de son fils, selon ses déclarations. En décembre 2014, elle a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le préfet de Mayotte l'a admise au séjour à ce titre et lui a délivré des autorisations provisoires de séjour valables du 6 mai 2015 au 10 avril 2016. La requérante a demandé le renouvellement de son autorisation de séjour. Après avoir recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de Mayotte a, par un arrêté n° 2016-2215, rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ". Selon l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ". En vertu de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, le médecin de l'agence régionale de santé chargé d'émettre un avis doit préciser : " - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ". Ces dispositions ont pour objet de permettre au préfet de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade.

3. Il est constant que si le médecin de l'agence régionale de santé a précisé, dans son avis en date du 10 février 2016, que l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et a mentionné que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine, il s'est, en revanche, abstenu d'indiquer si l'intéressée pouvait bénéficier d'un traitement adapté aux Comores. Cette omission entache d'irrégularité la procédure suivie dès lors qu'elle a, en l'espèce, privé Mme A...d'une garantie, le préfet n'établissant ni même n'alléguant qu'il était par ailleurs parfaitement informé des traitements disponibles aux Comores permettant de soigner la pathologie dont elle est atteinte. Le refus de titre de séjour en litige est donc illégal et doit par suite être annulé. Cette annulation entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de MmeA....

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2016-2215 du préfet de Mayotte.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet procède au réexamen de la situation de MmeA.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre du 2èm alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ghaem, avocat de MmeA..., de la somme de 1 300 euros au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600591 du 23 février 2017 du tribunal administratif de Mayotte et l'arrêté n° 2016-2215 du préfet de Mayotte sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Mayotte de réexaminer la situation de Mme A...dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ghaem, avocat de MmeA..., la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à Me Ghaem et au préfet de Mayotte.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 juillet 2017.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX00747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00747
Date de la décision : 17/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : GHAEM

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-17;17bx00747 ?
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