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13/07/2017 | FRANCE | N°17BX00857

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 17BX00857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1605196 du 22 février 2017 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars

2017, M.A..., représenté par Me Balg, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1605196 du 22 février 2017 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2017, M.A..., représenté par Me Balg, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1605196 du tribunal administratif de Toulouse du 22 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2016 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en fait ;

- la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 5221-17 du code du travail ; le préfet ne lui a pas notifié la décision portant refus d'autorisation de travail le concernant ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; alors même qu'il est séparé de son épouse française, il était titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité d'agent de sécurité depuis le mois de mars 2016 et il doit être regardé comme ayant fixé en France l'ensemble de ses intérêts économiques et privés ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salarié ; si le nombre de candidats à un emploi d'agent de sécurité est important en Haute-Garonne, il justifie d'une expérience professionnelle significative en qualité d'agent de sécurité et il bénéficie de la carte professionnelle d'agent de sécurité, ce qui n'est pas le cas de la majorité des candidats ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle ne précise pas la raison pour laquelle le préfet ne lui a pas accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et ne précise pas les considérations de faits relatives à sa situation personnelle justifiant une telle décision ;

- la décision contestée méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 28 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2017 à 12 heures.

Un mémoire a été présenté le 31 mai 2017 à 16h19 par le préfet de la Haute-Garonne ;

Par une décision du 18 mai 2017, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formée par M.A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992, publiée par décret no 95-436 du 14 avril 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Catherine Girault a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant ivoirien, né le 15 février 1980, est entré en France le 14 septembre 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " vie privée et familiale " valant titre de séjour d'un an à compter du 5 septembre 2013, à la suite de son mariage avec une ressortissante française le 31 octobre 2012. Le 5 septembre 2014, il s'est vu octroyer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Le 17 septembre 2015, M. A...a demandé le changement de son statut du fait de la rupture de la vie commune avec son épouse, en sollicitant son admission au séjour en qualité de salarié. Le tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé le divorce des époux le 20 janvier 2016. Par un arrêté en date du 18 novembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 février 2017 rejetant sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'arrêté contesté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé. La décision indique notamment que M. A...est entré en France le 14 septembre 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " vie privée et familiale " en tant que conjoint de ressortissante française, que le mariage a été contracté le 31 octobre 2012, qu'il s'est vu octroyer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et que le divorce entre les époux a été prononcé le 20 janvier 2016. Le préfet ajoute que si M. A...se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité d'agent de sécurité, la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (D.I.R.E.C.C.T.E) a émis un avis défavorable à sa demande d'autorisation de travail le 23 août 2016, au motif que l'employeur n'a pas déposé d'offre d'emploi auprès des services de Pôle Emploi et qu'il existe 1382 demandes d'emploi en qualité d'agent de sécurité pour 200 offres dans cette spécialité. Le préfet conclut en indiquant que l'intéressé, qui est divorcé et est entré en France à l'âge de 33 ans, n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre sa vie ailleurs qu'en France et notamment en Côte d'Ivoire, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses parents ainsi que ses trois frères et sa soeur, et qu'aucun élément n'est de nature à permettre de considérer que sa situation revêtirait un caractère humanitaire exceptionnel. Ainsi, le préfet, qui n'avait pas à relever de manière exhaustive l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M.A..., a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".

4. L'absence de notification préalable de la décision refusant l'autorisation de travail, si elle pourrait faire obstacle à ce que les délais de contestation puissent courir, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la décision portant refus de titre de séjour. Dès lors, ce moyen ne peut être qu'écarté comme inopérant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente: 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ". En vertu de ces dispositions, l'administration prend en compte, pour statuer sur l'autorisation de travail demandée, la situation de l'emploi dans la profession indiquée compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail envisagé.

6. M. A...a présenté une demande de titre de séjour en qualité de salarié en se prévalant d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité d'agent de sécurité conclu le 10 mars 2016 avec la société Compagnie de gardiennage et de sécurité à Toulouse. Toutefois, pour refuser de faire droit à cette demande, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur la situation de l'emploi dans la catégorie " sécurité et surveillance privées ", rattachée au code Rome K2503, caractérisée par un nombre de demandeurs d'emploi nettement supérieur à celui des offres. Si l'intéressé se prévaut de la spécificité de son profil dès lors qu'il bénéficie de la carte professionnelle d'agent de sécurité, qu'il est titulaire d'un certificat de qualification professionnelle en qualité d'agent de prévention et de sécurité obtenu le 23 novembre 2015 et qu'il dispose d'une expérience professionnelle " significative " de huit mois, il ressort des pièces du dossier et notamment du courriel en date du 23 août 2016 du contrôleur du travail de l'unité départementale de la Haute-Garonne de la DIRECCTE, d'une part, qu'il y avait, à la fin du premier trimestre 2016, 1382 demandes pour un emploi similaire à celui de M. A...pour seulement 200 offres recensées par Pôle emploi dans le département et, d'autre part, que l'employeur de l'intéressé ne justifie pas avoir déposé une offre d'emploi auprès des services de Pôle Emploi. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A...a exercé les fonctions de chargé de communication en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne, qui a pu légalement se fonder sur le seul critère de la situation de l'emploi et de l'absence de recherche par l'employeur auprès de Pôle Emploi d'un candidat déjà présent sur le marché du travail, aurait méconnu les dispositions précitées du code du travail ou commis une erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. A...soutient que la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps plein en tant qu'agent de sécurité depuis mars 2016, et qu'il justifie donc de sérieuses possibilités d'intégration en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...est célibataire, qu'il est entré en France à l'âge de 33 ans à la suite de son mariage avec une ressortissante française, dont il est divorcé depuis le 20 janvier 2016, et qu'il ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie en Côte d'Ivoire où résident notamment son fils mineur, ses parents ainsi que plusieurs de ses frères et soeurs. Par suite le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne la décision portant fixation du délai de départ volontaire :

10. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine.(...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.(...)".

11. Les dispositions de l'article L. 511-1 du code précité n'imposent pas au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire lorsque celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours et que l'étranger n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur. Par suite, et alors que M. A...ne fait état d'aucune circonstance qui aurait nécessité l'octroi d'un délai plus long, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

Le président-assesseur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président-rapporteur,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 17BX00857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00857
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BALG

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-13;17bx00857 ?
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