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13/07/2017 | FRANCE | N°15BX01599

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 15BX01599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 85 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité du permis de construire une chèvrerie délivré le 13 juillet 2009 à M.D....

Par un jugement n° 1202158 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2015, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mars 2015 ;

2°) de cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser la somme de 85 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité du permis de construire une chèvrerie délivré le 13 juillet 2009 à M.D....

Par un jugement n° 1202158 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2015, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mars 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 85 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité du permis de construire délivré à M.D... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire une chèvrerie délivré le 13 juillet 2009 est illégal ; l'avis de la DIREN n'a pas été attendu avant la délivrance du permis de construire, alors qu'il préconisait une étude d'incidences Natura 2000 ;

- aucune étude préalable évaluant l'impact du projet sur l'environnement n'a été réalisée alors que le projet se situe dans un site d'intérêt communautaire identifié au sein du réseau Natura 2000, d'une zone naturelle d'intérêt faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 2 et dans un secteur où ont été recensées des espèces protégées ; le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article 5 de la charte de l'environnement et l'article L. 110-1 du code de l'environnement en raison des dommages sur l'environnement occasionnés par la chèvrerie.

- elle subit des préjudices au titre de la moins value de sa maison qu'elle évalue à 60 000 euros ; au titre des préjudices de vue et des troubles de jouissance compte tenu de l'arrivée massive de mouches, elle sollicite la somme de 20 000 euros ; elle a subi un préjudice moral qu'elle évalue à 5 000 euros compte tenu des difficultés qu'elle a eues a obtenir des documents officiels et des désagréments qu'elle subit depuis 2009 et qui ont affecté sa santé ;

- le lien de causalité entre les préjudices subis et la construction de la chèvrerie est établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, le ministre du logement et de l'habitat durable conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- aucune faute n'est de nature à engager la responsabilité de l'Etat, et il renvoie aux écritures du préfet de première instance pour le démontrer ;

- la réalité des préjudices invoqués n'est pas établie ; concernant la perte de valeur vénale, le certificat établi par une agence immobilière à la demande de la requérante, en dehors de tout contexte de vente, est dépourvu de valeur probante ; la distance de 400 mètres entre la maison d'habitation de la requérante et la chèvrerie rend improbable les désagréments de vue ; la présence de mouches ne constitue pas une anomalie alors que le projet se situe en pleine campagne à proximité de ruisseaux ; les désagréments liés au bruit et aux odeurs ne sont pas établis au regard de la distance, quatre fois plus importante que celle imposée par le règlement sanitaire départemental ; le préjudice moral n'est pas davantage démontré ;

- ainsi qu'il a été démontré dans les écritures de première instance, le lien de causalité n'est pas établi.

Par ordonnance du 2 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mars 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son préambule ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 juillet 2009, le maire de la commune de Chavenat (Charente) a délivré au nom de l'Etat à M. D...un permis de construire une chèvrerie sur un terrain sis au lieu-dit " Chez Genis ". Par une lettre du 24 mai 2012, Mme C...a demandé au préfet de la Charente l'indemnisation des préjudices qu'elle allègue avoir subis à raison de l'illégalité du permis de construire. Par une décision du 28 juin 2012, la préfète de la Charente a rejeté cette demande. Mme C...relève appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 85 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'autorisation illégale de la chèvrerie.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur. ".

3. Aucune des dispositions figurant aux articles R. 423-50 et suivants du code de l'urbanisme n'imposait, à la date à laquelle M. D...a obtenu le permis de construire une chèvrerie, la consultation de la direction régionale de l'environnement. Ainsi, la circonstance que cette direction, saisie du projet par le préfet, n'a rendu son avis que le 2 octobre 2009, soit postérieurement à la délivrance, le 13 juillet précédent, du permis sollicité, est sans incidence sur la légalité de celui-ci.

4. D'une part, aux termes de L. 414-4 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : (...) 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; III. - Les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. (...) ". Selon l'article R. 414-19 du même code : " I. La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 qu'ils sont susceptibles d'affecter de façon notable, dans les cas et selon les modalités suivants : 1° S'agissant des programmes ou projets situés à l'intérieur du périmètre d'un site Natura 2000 : a) S'ils sont soumis à autorisation au titre des articles L. 214-1 à L. 214-6 et donnent lieu à ce titre à l'établissement du document d'incidences prévu au 4° de l'article 2 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 modifié ; (...) S'ils relèvent d'un autre régime d'autorisation ou d'approbation administrative et doivent faire l'objet d'une étude ou d'une notice d'impact au titre des articles L. 122-1 à L. 122-3 et des articles R. 122-1 à R. 122-16 ; (...) ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'évaluation des incidences qu'elles prévoient n'est exigée que lorsque les programmes ou projets de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement soumis à un régime d'autorisation ou d'approbation administrative, tels que définis à l'article R. 414-19 précité, sont de nature à affecter de façon notable ou significative un site répertorié Natura 2000. En l'espèce, alors même que le terrain d'emprise du projet en litige est situé au sein du site Natura 2000 " Vallée de La Trude ", qui a été désigné en tant que site d'intérêt communautaire, il n'est pas démontré que le projet en litige relèverait de la liste nationale qui résulte de l'article R. 414-19 du code de l'environnement. Le projet n'entrait pas davantage dans la liste locale prévue au 2° de l'article L. 414-4 du même code, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle a été fixée postérieurement à l'édiction du permis de construire.

6. D'autre part, ni les dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction en vigueur à la date du permis de construire en litige, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire du code de l'urbanisme n'exigeaient que soit jointe au dossier de permis de construire une évaluation des incidences du projet sur un site Natura 2000. Par ailleurs, la Charte de l'environnement n'habilite pas, par elle-même, le préfet à exiger la production de documents non prévus par les textes législatifs ou réglementaires en vigueur, ni à instaurer une procédure elle-même non prévue par les textes en vigueur. Par suite, et alors qu'il n'est pas davantage démontré qu'une étude d'impact eût été nécessaire, le préfet de la Charente n'aurait pu s'opposer au permis de construire sollicité au motif de l'absence au dossier d'une étude d'incidence Natura 2000.

7. Selon l'article 5 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ". Ces dispositions s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs. Au demeurant, l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire ou la décision prise sur la déclaration préalable de travaux doit respecter les préoccupations définies par l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui se réfère au principe de précaution " selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ". S'il appartient, dès lors, à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en oeuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus.

8. En dépit de l'avis défavorable au projet émis par la direction régionale de l'environnement de Poitou-Charente le 2 octobre 2009, l'atteinte aux espèces et aux milieux naturels invoquée par Mme C...ne repose pas sur des éléments matériels suffisamment circonstanciés pour être regardée comme justifiant la mise en oeuvre du principe de précaution rappelé à l'article L. 110-1 du code de l'environnement. En outre, alors que le permis de construire a été assorti de prescriptions, il n'est pas allégué qu'elles seraient insuffisantes.

9. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité démontrée du permis de construire délivré à son voisin, Mme C...n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de la cohésion des territoires. Copie sera adressée au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 15BX01599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01599
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BROCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-13;15bx01599 ?
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