Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1600193 du 13 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 juin 2016 et le 21 avril 2017, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 mai 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 8 janvier 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, au profit de son conseil, en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne la mesure de reconduite, que :
- il ne représente pas une menace à l'ordre public pouvant justifier que soit édictée à son encontre une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, les stupéfiants dont il a été reconnu comme possesseur étaient indispensables au traitement de sa pathologie et prescrits par son médecin traitant ;
- il souffre d'une pathologie mentale pour laquelle il est suivi dans le cadre d'un traitement médico-social qui lui est, de plus, nécessaire ; il lui est donc indispensable de rester sur le territoire français afin de bénéficier de ce traitement qui n'est pas disponible en Algérie ; la mesure de reconduite méconnaît ainsi l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette mesure méconnaît aussi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il dispose d'attaches familiales en France où vit son demi-frère, lequel est domicilié... ; en revanche, il n'a aucune attache familiale ou privée en Algérie ;
- il n'a pas été en mesure, depuis son arrivée en France en 2008, de déposer une demande de régularisation de son séjour en raison des peines d'emprisonnement auxquelles il a été condamné durant la période considérée.
Il soutient, en ce qui concerne la fixation du pays de renvoi, que :
- cette mesure est illégale dans la mesure où un retour en Algérie l'exposerait à un danger pour sa santé, d'autant que les autorités algériennes ne le reconnaissent pas comme un ressortissant du pays.
Il soutient que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour annulera la mesure de reconduite aux motifs que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en droit comme en fait ;
- cet arrêté est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation pour les motifs exposés ci-dessus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés ;
Par ordonnance du 4 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mai 2017 à 12 heures.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2016.
Le 22 mai 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe soulevé à l'encontre de l'arrêté attaqué, comme relevant d'une cause juridique nouvelle en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...C..., ressortissant algérien né le 4 mars 1972, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, en 2008. Il a fait l'objet, entre 2010 et 2014, de plusieurs condamnations pénales ainsi que d'une obligation de quitter le territoire français édictée le 23 mars 2011. Par un arrêté du 8 janvier 2016, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de reconduire à la frontière M.C..., au motif qu'il présentait une menace pour l'ordre public, et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement rendu le 13 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2016.
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
2. En premier lieu, devant le tribunal administratif de Toulouse, M. C...n'a soulevé que des moyens relatifs à la légalité interne de l'arrêté attaqué. Le moyen qu'il invoque en appel, et tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté, repose sur une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance. Il est, par suite, irrecevable.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger (...) doit être reconduit à la frontière : 1° Si son comportement constitue une menace pour l'ordre public. La menace pour l'ordre public peut s'apprécier au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales (...) Les articles L. 511-4 (...) sont applicables aux mesures prises en application du présent article. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par jugements rendus le 2 novembre 2010, le 21 juillet 2011, le 17 octobre 2013 et le 8 octobre 2014, le tribunal correctionnel de Toulouse a condamné M. C...à des peines d'emprisonnement et d'interdiction temporaire du territoire national pour séjour irrégulier sur le territoire français, détention, offre, cession et acquisition non autorisées de stupéfiants, communication de renseignements inexacts sur son identité alors qu'il faisait l'objet d'une mesure d'éloignement, violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité.
5. Si M. C...soutient que les stupéfiants qu'il détenait lui avaient été prescrits par un médecin pour le traitement de sa pathologie, cette allégation n'est, en tout état de cause, aucunement établie au dossier. Et eu égard à la gravité et au caractère répété des actes commis par M.C..., le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que son comportement constituait une menace pour l'ordre public justifiant l'édiction d'une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement du 1° de l'article L. 533-1, précité, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". En vertu de l'article L. 533-1 du même code, ces dispositions sont applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C...est régulièrement suivi par un médecin psychiatre depuis 2009 et qu'il a été pris en charge par le service médico-psychologique régional de la maison d'arrêt de Seysses du 4 septembre 2014 au 1er février 2016. Toutefois, il n'est aucunement établi au dossier que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, les documents médicaux produits par M.C..., relatifs aux médicaments dont il a besoin, sont postérieurs de plusieurs mois à l'arrêté attaqué dès lors qu'ils ont été rédigés le 27 mai et le 30 mai 2016. Ainsi, faute pour M. C...d'établir qu'il bénéficiait déjà de ce traitement au jour de la mesure de reconduite, il ne peut utilement soutenir que les médicaments nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles dans son pays d'origine et que, pour ce motif, la décision en litige est entachée d'illégalité.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a commis des infractions graves et répétées depuis son entrée en France où il a toujours séjourné irrégulièrement. Par ailleurs, les attaches familiales en France de M.C..., qui est célibataire sans enfants, se limitent à la présence de son demi-frère. Quant à ses allégations selon lesquelles les autorités algériennes ne le reconnaîtraient pas comme l'un de leurs ressortissants, elles ne sont nullement établies au dossier. Il s'ensuit que le requérant, qui n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine où il a passé l'essentiel de son existence, n'est pas fondé à soutenir qu'en édictant l'arrêté attaqué, le préfet de la Haute-Garonne aurait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. A l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de destination, M. C... soutient qu'un retour en Algérie l'exposerait à un risque pour sa santé et que les autorités de ce pays ne le reconnaissent pas comme l'un de leurs ressortissants. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs exposés aux points 7 et 9 du présent arrêt.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 janvier 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Me A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Christine Mège, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 juillet 2017.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Christine MègeLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01884