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03/07/2017 | FRANCE | N°15BX01855

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2017, 15BX01855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFTC des agents territoriaux a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision nommant M. B...C...en qualité de directeur général de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe, nouvellement créé par une délibération du conseil régional de la Guadeloupe en date du 26 février 2010.

Par un jugement n° 1400551 en date du 2 avril 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande comme portée devant un or

dre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFTC des agents territoriaux a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision nommant M. B...C...en qualité de directeur général de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe, nouvellement créé par une délibération du conseil régional de la Guadeloupe en date du 26 février 2010.

Par un jugement n° 1400551 en date du 2 avril 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés le 3 juin 2015, 1er juillet 2015 et 28 décembre 2016, le syndicat CFTC des agents territoriaux, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en date du 2 avril 2015 ;

2°) d'annuler la décision de nomination susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la composition de la formation de jugement pose problème dès lors que le président de cette formation était également rapporteur de cette affaire ;

- la délibération du 27 mars 2009 par laquelle la Région Guadeloupe a demandé au Parlement de l'habiliter aux fins de fixer en Guadeloupe les règles permettant la création d'un établissement public régional à caractère administratif chargé d'exercer les missions de service public de formation professionnelle qui lui seront déléguées par la Région, si elle répond à l'exigence de l'exposé des spécificités locales justifiant la création de cet EPA régional, ne comporte en revanche aucune présentation ni justification d'une dérogation à l'application du statut général des fonctionnaires, en permettant d'y recruter des agents de direction soumis à un statut de droit privé ;

- la délibération du 26 février 2010 du conseil régional de la Guadeloupe créant l'établissement public régional s'est vu, sans aucun motif ni quelconque exposé ou débat public et hors de tout contexte local, insérer subrepticement un article 11 destiné à créer en Guadeloupe une fonction publique privée ;

- pourtant, une telle dérogation, qui porte atteinte aux garanties statutaires des fonctionnaires et au principe d'égalité d'accès à l'emploi public, ne peut être motivée en l'espèce par aucune considération d'intérêt général ;

- c'est à tort que le tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître de la nomination litigieuse dès lors qu'il ressort d'une jurisprudence constante du Tribunal des conflits que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public administratif, géré par une personne publique, sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ;

- cette nomination a été prononcée au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'en méconnaissance de l'article 41 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, aucune publicité de vacance ou de création de poste n'a été effectuée ;

- le contrat de M. C...revêtant la nature d'un contrat administratif, son recrutement devait obéir aux règles de recrutement correspondantes ;

- compte tenu des enjeux posés par cette affaire, il est proposé à la Cour de saisir le tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, d'une question préjudicielle quant à la possibilité, pour une délibération relevant du domaine de la loi, de créer un établissement public comportant de telles dérogations au statut de la fonction publique et soumis aux règles de gestion financière et comptable des entreprises industrielles et commerciales.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2015, l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et M.C..., représentés par la SELARL JFM, concluent, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire, à son rejet comme non fondée, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du syndicat CFTC des agents territoriaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- la requête du syndicat est irrecevable dès lors qu'il n'a énoncé des moyens de droit que par un mémoire du 30 juin 2015, soit après l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois suivant la notification du jugement ;

- sur le fond, le législateur peut prévoir que les EPA peuvent recruter des agents de droit privé, par dérogation à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- en l'espèce, après avoir formée une demande en ce sens, par délibération du 27 mars 2009, la Région a obtenu, par l'article 68 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009, l'habilitation, prévue au 3ème alinéa de l'article 73 de la Constitution, de légiférer et réglementer dans le domaine de la formation professionnelle pour une durée de deux ans ;

- c'est dans le cadre de cette habilitation que l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe a été créé par délibération du conseil régional de la Guadeloupe du 26 février 2010, dont l'article 11 dispose que, par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 et de l'article L. 1224-3 du code du travail, les agents de cet établissement public sont régis par le code du travail ;

- le contrat de M. C...étant un contrat de droit privé, son recrutement n'était pas subordonné à la procédure de recrutement de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- en recrutant cet agent à la suite de l'examen de 25 autres candidatures, le conseil d'administration de l'EPA n'a pas agi dans un but étranger à l'intérêt général ;

- la composition de la formation de jugement du tribunal, qui comprend le président, le premier conseiller et un conseiller ne souffre aucune critique.

Par ordonnance du 28 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 14 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 73 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du travail ;

- la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009, notamment son article 68 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) des agents territoriaux lequel, aux termes de ses statuts adoptés en dernier lieu le 17 novembre 2006, a notamment pour objet " l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes employées par les collectivités territoriales dans le département et par leurs établissements publics ", a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision nommant M. B...C...en qualité de directeur général de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe, nouvellement créé par une délibération du conseil régional de la Guadeloupe en date du 26 février 2010. Le syndicat CFTC relève appel du jugement du 2 avril 2015 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Selon l'article 811-2 de ce même code : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. / (...). ".

3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la notification du jugement attaqué, le 8 avril 2015, le syndicat CFTC des agents territoriaux a transmis par télécopie, dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions précitées, une requête d'appel sommaire enregistrée au greffe de la cour le 3 juin 2015, comportant des moyens de droit de légalité externe et interne, développés par un mémoire complémentaire enregistré le 1er juillet suivant. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et M.C..., et tirée de ce que ladite requête d'appel ne satisfaisait pas aux exigences de motivation requises avant l'expiration du délai de recours contentieux ne peut qu'être écartée.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

4. D'une part, aux termes de l'article 73 de la Constitution : " Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. / Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement. / Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. (...) ". En vertu de l'article LO 4435-2 du code général des collectivités territoriales : " I. - La demande d'habilitation tendant à adapter une disposition législative ou réglementaire est adoptée par délibération motivée du conseil régional. / Cette délibération mentionne les dispositions législatives ou réglementaires en cause ou, lorsque la demande porte sur l'adaptation d'une disposition réglementaire non encore publiée et nécessaire à l'application d'une disposition législative, la disposition législative en cause. / Elle expose les caractéristiques et contraintes particulières justifiant la demande d'habilitation et précise la finalité des mesures que le conseil régional envisage de prendre. (...) ". Aux termes de l'article 68 de la loi du 27 mai 2009 susvisée pour le développement économique des outre-mer : " Pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le conseil régional de Guadeloupe est habilité, en application de l'article 73, alinéa 3, de la Constitution et des articles LO 4435-2 à LO 4435-12 du code général des collectivités territoriales, à fixer les règles permettant la création d'un établissement public régional à caractère administratif chargé d'exercer les missions de service public de formation professionnelle qui lui seront déléguées par la région. ". Dans le cadre de cette habilitation législative l'autorisant à déroger aux lois et règlements, le conseil régional de la Guadeloupe a décidé, par une première délibération du 26 février 2010, la création de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe. En vertu de l'article 2 de cette délibération, celui-ci a pour objet " d'exercer des missions de service public de formation professionnelle qui lui sont déléguées par le conseil régional de la Guadeloupe. A ce titre : - il met en oeuvre des missions relevant de la politique régionale d'apprentissage et de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle ; / - il organise et gère le réseau des centres et points d'information et de conseil sur la validation des acquis de l'expérience et contribue à assurer l'assistance aux candidats à la validation des acquis de l'expérience ; / - il organise des actions destinées à répondre aux besoins de formation en élaborant une offre de formations en particulier certifiantes ; / (...) - il mène, notamment, des activités de recherche, d'étude, d'évaluation, de prospective, d'ingéniérie et de formation des formateurs au bénéfice de tous les opérateurs de la formation professionnelle ; / il met en oeuvre toutes autres actions qui lui sont confiées par le conseil régional de la Guadeloupe ; (...) / Sont toutefois exclues les missions qui, par leur nature ou par la loi, ne peuvent être assurées que par la région elle-même ". L'article 4 de ladite délibération dispose que cet établissement est administré par un conseil d'administration présidé de droit par le président du conseil régional de la Guadeloupe et dirigé par un directeur général. En vertu de l'article 7 de cette même délibération : " Le directeur général de l'établissement est nommé par le président du conseil d'administration sur proposition du conseil d'administration ". Selon l'article 11 de cette délibération : " Par dérogation à l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de l'article L. 1224-3 du code du travail, les agents de cet établissement sont régis par le code du travail ". Aux termes des articles 16 et 17 d'une seconde délibération du 26 février 2010 du conseil régional de Guadeloupe définissant notamment l'organisation administrative de ce nouvel établissement public : " Les services de l'établissement administratif régional sont placés sous l'autorité d'un directeur général [qui] dirige l'établissement dans le cadre des orientations définies par le conseil d'administration (...). ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 35 du décret du 27 février 2015 susvisé : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. / La juridiction saisie transmet sa décision et les mémoires ou conclusions des parties au Tribunal des conflits. / L'instance est suspendue jusqu'à la décision du Tribunal des conflits. ".

6. Pour solliciter l'habilitation qui lui a été délivrée par les dispositions précitées de l'article 68 de la loi du 27 mai 2009, le conseil régional de la Guadeloupe a indiqué, dans une délibération n° 2009-270 du 27 mars 2009, que dans le cadre de la mise en oeuvre de la compétence en matière de formation professionnelle des demandeurs d'emploi, une association de formation professionnelle des adultes, dénommée " AFPA région Guadeloupe ", formait entre 1 000 et 1 200 stagiaires annuellement, jusqu'à sa liquidation en octobre 2007. Cette même délibération relève qu'alors que " le taux de chômage exceptionnellement élevé de la Guadeloupe (22 %) fragilise sa stabilité sociale ", " de nombreuses structures intervenant à ce jour dans le domaine de la formation en Guadeloupe ne sont pas en mesure de répondre aux défis qui se posent à la Région Guadeloupe ", que " dans un contexte aussi difficile, il apparaît de façon manifeste que l'initiative privée n'est pas et ne sera pas en mesure de mobiliser toute l'ingénierie nécessaire pour assurer un véritable service public de la formation professionnelle " et qu'en conséquence, " la création d'un établissement public régional de formation professionnelle est souhaitable ". Contrairement à ce que font valoir l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et M.C..., si le législateur a habilité, pour une durée de deux ans, le conseil régional de Guadeloupe à fixer les règles permettant la création d'un établissement public régional à caractère administratif chargé d'exercer les missions de service public de formation professionnelle qui lui seraient déléguées par la région, en revanche, celui-ci n'a jamais expressément qualifié les contrats des agents appelés à exercer leurs missions dans ce nouvel établissement public administratif, en ce compris son directeur général, de contrats de travail de droit privé dont les litiges, qu'ils portent sur leur conclusion, leur exécution ou leur cessation, relèveraient de la seule compétence du juge judiciaire. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le législateur aurait validé le principe d'une soumission des agents de l'établissement public à un régime de droit privé, dont il n'a jamais été question dans les motifs de la délibération de l'assemblée délibérante de la Région Guadeloupe du 27 mars 2009 susmentionnée. En l'absence de détermination du statut des agents concernés par le législateur, il incombe au juge administratif de qualifier la nature du contrat contesté dans le cadre du litige qui lui est soumis. Contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, la circonstance que, par l'article 11 de la délibération du 26 février 2010, qui constitue un acte administratif à caractère réglementaire soumis en tant que tel au principe de légalité, le conseil régional de la Guadeloupe ait entendu, dans le cadre de l'habilitation législative susmentionnée, déroger à l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ainsi qu'à l'article L. 1224-3 du code du travail, en soumettant l'ensemble de ses agents au code du travail, ne saurait conditionner ce pouvoir de qualification par le juge administratif, qu'il est d'ailleurs tenu d'exercer d'office alors même qu'il n'aurait pas été saisi par les parties d'une contestation sur ce point.

7. D'une part, il ressort tant de l'examen de son objet et de ses différentes missions, telles qu'elles ont été récapitulées à l'article 2 de la première délibération du 26 février 2010, que de son mode de financement, qui fait majoritairement appel aux subventions publiques et produits divers tels que cessions et participations ainsi que dons et legs, que l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe constitue un service public administratif. En principe, les personnels non statutaires des personnes morales de droit public travaillant pour le compte d'un tel service public administratif sont des agents de droit public, quel que soit leur emploi (TC, N° 03000, A, 25 mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône et autres c/ Conseil de prud'hommes de Lyon). Dès lors, le contrat de recrutement de M. C...destiné à lui confier les fonctions de directeur général d'un établissement public à caractère administratif gérant un tel service public revêt le caractère d'un contrat administratif. D'autre part, eu égard à la nature particulière des liens qui s'établissent entre une collectivité publique et ses agents non titulaires, un tiers peut demander au juge administratif l'annulation du contrat par lequel il est procédé au recrutement d'un agent (CE, N° 149662, A, 30 octobre 1998, Ville de Lisieux). En l'absence de décision formalisée de manière distincte par l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe procédant au recrutement de M.C..., le syndicat CFTC des agents territoriaux doit être regardé comme demandant l'annulation du contrat de recrutement de l'intéressé signé le 25 février 2014. Contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, une telle contestation, qui porte sur la conclusion d'un contrat de droit public, ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir le tribunal des conflits sur le fondement des dispositions, précitées au point 5, de l'article 35 du décret du 27 février 2015, que le syndicat CFTC des agents territoriaux est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent.

9. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité, portant sur la composition de la formation de jugement, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par le syndicat CFTC des agents territoriaux devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.

Sur la légalité du contrat de recrutement de M. C...en qualité de directeur général de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe :

10. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte.

11. Le syndicat CFTC des agents territoriaux soutient que l'article 11 de la délibération du 26 février 2010 du conseil régional de la Guadeloupe créant l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe a, " sans aucun motif ni quelconque exposé ou débat public et hors de tout contexte local ", soumis l'ensemble des agents de l'établissement public à un régime de droit privé, alors qu'une telle dérogation, qui porte atteinte aux garanties statutaires des fonctionnaires et au principe d'égalité d'accès à l'emploi public, ne peut être motivée en l'espèce par aucune considération d'intérêt général. Ce faisant, l'appelant doit être regardé comme excipant de l'illégalité de l'article 11 de cette délibération du 26 février 2010 - laquelle, ainsi qu'il a déjà été dit au point 6, revêt un caractère réglementaire - au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation du contrat de recrutement de M. C...en qualité de directeur général de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe.

12. L'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et M. C...font valoir que le législateur peut permettre un recrutement, par les établissements publics administratifs, d'agents de droit privé soumis au code du travail, par dérogation à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983. Toutefois, en se bornant à invoquer un droit général à dérogation résultant d'une habilitation législative, qui, ainsi qu'il a été déjà dit, ne porte pas en l'espèce sur ce point particulier, les intimés ne fournissent à la cour aucun motif d'intérêt général, lié notamment à des considérations relatives à l'organisation du service public dont l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe a la charge ou à des caractéristiques ou contraintes inhérentes au territoire de la Guadeloupe, de nature à justifier une soumission au droit privé de l'ensemble des agents de l'établissement nouvellement créé, par dérogation au principe, exposé au point 7, selon lequel les personnels non statutaires des personnes morales de droit public travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents contractuels de droit public, régis non seulement par les stipulations de leur contrat mais, également, par un corps de règles relevant du droit administratif. Partant, les dispositions litigieuses de l'article 11 de la délibération du 26 février 2010, qui sont divisibles des autres articles de cette délibération, sont entachées d'illégalité. Une telle déclaration d'illégalité a nécessairement pour effet de priver de base légale le contrat de recrutement litigieux de M. C... pris dans le cadre juridique fixé par les dispositions de l'article 11 de cette délibération institutive.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le syndicat CFTC des agents territoriaux est fondé à demander l'annulation du contrat de recrutement de M.C....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat CFTC des agents territoriaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et M. C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et de M. C...une somme de 1 500 euros à verser au syndicat CFTC des agents territoriaux sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400551 du 2 avril 2015 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : Le contrat de recrutement de M. C...en qualité de directeur général de l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe, signé le 25 février 2014, est annulé.

Article 3 : L'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et M. C...verseront solidairement au syndicat CFTC des agents territoriaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFTC des agents territoriaux, à l'établissement public administratif de formation professionnelle de la Guadeloupe et à M. C.... Copie en sera transmise au ministre des outre-mer et au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX01855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01855
Date de la décision : 03/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CORALIE GERALD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-03;15bx01855 ?
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