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27/06/2017 | FRANCE | N°17BX00556

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 17BX00556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er août 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604423 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2017, MmeC...,

représentée par Me Astié, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er août 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604423 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2017, MmeC..., représentée par Me Astié, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 313-11, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est mère d'une enfant française née d'un père de nationalité française, M. B..., qui a reconnu cette enfant et contribué à son entretien ; la circonstance que M. B... ait reconnu, entre 2003 et 2014, seize enfants de seize mères différentes n'est pas suffisante pour établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité ; sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français a été déposée près de deux ans après la reconnaissance de sa fille, ce qui laisse à penser que cette reconnaissance de paternité n'est pas frauduleuse ;

- le refus de séjour méconnaît les articles L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; son ancienneté ininterrompue sur le territoire français depuis huit ans est établie et elle vit avec ses deux enfants nés en 2013 et 2015 ; le père de son plus jeune enfant, ressortissant nigérian titulaire d'une carte de séjour, contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils et la seule possibilité pour que cet enfant puisse être en contact avec ses deux parents est que ceux-ci résident sur le territoire français ; sa fille ainée de nationalité française est scolarisée à l'école maternelle ; elle n'a plus de contact avec sa famille restée dans son pays d'origine ; elle justifie de sa volonté d'intégration au sein de la société française en suivant une formation du 12 septembre 2016 au 17 février 2017 ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; le tribunal n'a examiné que la situation de son deuxième enfant ; elle doit rester en France pour que cet enfant puisse entretenir des liens avec son père ; la décision contestée priverait sa fille ainée de nationalité française de la possibilité de grandir en France, d'y être scolarisée et suivie par une équipe éducative ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car elle est mère d'un enfant français et contribue à son entretien et son éducation ;

- à titre subsidiaire, elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il confirme les termes de son mémoire produit en première instance.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Philippe Delvolvé a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., née le 29 mars 1981, de nationalité nigériane, est entrée en France, selon ses déclarations, en 2008. Elle a obtenu la délivrance d'un titre de séjour pour motif de santé du 14 décembre 2009 au 13 décembre 2010. Le préfet de l'Essonne a refusé de lui renouveler ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, par arrêté du 7 décembre 2011, dont la légalité a été confirmée par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 24 juillet 2012. Elle est mère d'une fille Alicia née le 29 mai 2013, reconnue par M. D...B...de nationalité française le 10 mai 2013. Le 4 mars 2015, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que parent d'enfant français. Par arrêté du 1er août 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la légalité de la décision contestée :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les

articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à MmeC..., le préfet s'est fondé sur les circonstances qu'elle ne produit aucune pièce de nature à établir qu'elle a entretenu, avant la naissance de sa fille, une relation intime avec M. B...ni qu'elle a mené une vie commune avec lui, que ce ressortissant français a reconnu entre 2003 et 2014 seize enfants de seize mères différentes et qu'une enquête auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux est en cours depuis le 25 février 2016 pour tentative d'obtention indue d'un titre de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français.

5. Toutefois, d'une part, alors que Mme C...indique qu'elle a eu une relation avec M. B...et qu'elle est tombée enceinte au bout de deux mois, le préfet de la Gironde, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas l'inexactitude ou l'impossibilité matérielle de cette relation et de la conception de l'enfant, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'enfant de Mme C...a été reconnu avant sa naissance, le 10 mai 2013, par son père. D'autre part, le préfet ne peut utilement se fonder, au regard des dispositions précitées du 6 ° de

l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur la circonstance que Mme C... n'a jamais vécu avec le père de son enfant. Enfin, le préfet a motivé la décision contestée en précisant qu'une enquête auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux est en cours depuis le 25 février 2016, mais n'a pas indiqué les suites qui avaient été réservées à cette enquête et les éventuelles décisions prises par l'autorité judiciaire. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances dont se prévaut le préfet sont suffisamment précises et concordantes pour caractériser l'existence d'une fraude entachant la reconnaissance parentale de l'enfant par

M.B....

6. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme C...réside avec sa fille Alicia née le 29 mai 2013. Par suite, la requérante doit être regardée comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par conséquent comme pouvant prétendre à un titre de séjour sur ce fondement. Mme C...est donc fondée à demander l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour. L'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement de la décision portant refus de titre de séjour, et la décision fixant le pays de renvoi, doivent également être annulées. Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement, eu égard au motif qui en constitue le soutien, la délivrance à Mme C...d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

8. Mme C...étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'Etat versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 500 euros à

Me E...sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 décembre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 1er août 2016 du préfet de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me E...sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de l'intérieur, au

préfet de la Gironde et à MeE....

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

Le rapporteur,

Philippe Delvolvé

Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Vanessa Beuzelin

2

N° 17BX00556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00556
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-27;17bx00556 ?
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