La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2017 | FRANCE | N°15BX02979

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 15BX02979


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 par lequel le préfet de la Gironde lui a interdit d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles pour une durée de deux mois.

Par un jugement n°1402262 en date du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 2 septembre 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés les 27 juillet et 29 août ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 par lequel le préfet de la Gironde lui a interdit d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles pour une durée de deux mois.

Par un jugement n°1402262 en date du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés les 27 juillet et 29 août 2016, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 par lequel le préfet de la Gironde lui a interdit d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles pour une durée de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'inexactitude des faits et d'erreur manifeste d'appréciation ; elle est mitigée dès lors qu'une suspension de deux mois n'a pas beaucoup de sens si les faits allégués étaient établis ; il n'a été suspendu qu'au bénéfice du doute ;

- la décision attaquée est signée par une autorité dont il n'est pas justifié qu'elle détenait une délégation de signature ; l'ampliation de la décision a été signée par le directeur adjoint de la DDCSPP alors qu'il n'est pas établi que la directrice était absente ou empêchée ;

- deux témoignages ont été versés au dossier sans qu'il puisse en prendre connaissance avant la réunion du 9 avril 2014 et n'ont pas été intégrés dans le rapport d'enquête établi en février 2014, en méconnaissance du principe du contradictoire ; ces éléments révèlent qu'il a fait l'objet d'une enquête à charge ; il n'est pas établi que ces témoignages sont arrivés le 4 avril ;

- au moment où la direction départementale de la cohésion sociale a été saisie le 31 octobre 2013, les faits reprochés étaient prescrits sur le plan disciplinaire, en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- l'administration a été instrumentalisée par son employeur qui a profité de cette procédure administrative pour enclencher la procédure de son licenciement ;

- s'agissant du refus de l'accueil d'un enfant handicapé, il n'a fait qu'affirmer que la structure n'était pas adaptée et n'a donc commis aucune faute ;

- s'agissant du comportement violent, les témoignages recueillis permettent d'établir qu'il n'a pas non plus commis de faute ;

- la décision repose sur des éléments dont la matérialité n'est pas établie et sur une position ambigüe de l'administration.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 30 mars 2016, la fondation Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle, représentée par la

SCP d'avocats Fraikin-A... -Fleury, entend s'associer aux conclusions présentées par l'Etat, en sa qualité d'employeur de M.C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2016, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de M.C....

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir exercé les fonctions d'animateur socio-éducatif pendant plusieurs années dans les départements de Lot-et-Garonne puis de Gironde, M. B...C...a obtenu le brevet d'aptitude aux fonctions de direction en 2002 et a été recruté en 2008 par le centre social Bagatelle à Bordeaux, où il exerce les fonctions de directeur adjoint du centre de loisirs. Par un arrêté du 12 mai 2014, pris sur le fondement des dispositions des articles L. 227-4 et

L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles relatives à la protection des mineurs accueillis dans des centres de vacances ou de loisirs, le préfet de la Gironde a prononcé à son encontre une interdiction d'exercer, pour une durée de deux mois, quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans ce cadre. M. C...relève appel du jugement en date du 7 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention de la fondation Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle :

2. La fondation Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle a un intérêt à intervenir en sa qualité d'employeur de M.C.... Son intervention est donc admise.

Sur la légalité de la décision contestée :

3. Aux termes de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles : " La protection des mineurs, dès leur inscription dans un établissement scolaire en application de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, qui bénéficient hors du domicile parental, à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif entrant dans une des catégories fixées par décret en Conseil d'Etat, est confiée au représentant de l'Etat dans le département (...) ". L'article L. 227-9 du même code dispose : " La surveillance de l'accueil des mineurs mentionné à l'article L. 227-4 est exercée par des agents placés sous l'autorité du ministre chargé de la jeunesse et des sports et du représentant de l'Etat dans le département. Outre les officiers de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les fonctionnaires du ministère chargé de la jeunesse et des sports habilités à cet effet par le ministre chargé de la jeunesse et des sports et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat peuvent rechercher et constater par procès-verbal les infractions prévues à l'article L. 227-8. Pour l'exercice de leurs missions, les fonctionnaires mentionnés à l'alinéa précédent peuvent accéder aux locaux, lieux ou installations où se déroule cet accueil, à l'exclusion des domiciles et de la partie des locaux servant de domicile, demander la communication de tout document professionnel et en prendre copie, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications (...) ". L'article L. 227-10 prévoit que : " Après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et de sport, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer à l'encontre de toute personne dont la participation à un accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ou à l'organisation d'un tel accueil présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs mentionnés à

l'article L. 227-4, ainsi que de toute personne qui est sous le coup d'une mesure de suspension ou d'interdiction d'exercer prise en application de l'article L. 212-13 du code du sport, l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils (...) ".

4. Il ressort des termes de l'arrêté préfectoral attaqué que M. C...s'est vu reprocher des brutalités physiques et verbales envers des enfants de moins de six ans au cours des années 2011, 2012 et 2013 en tant que directeur adjoint du centre de loisirs du centre social Bagatelle. La décision en litige, après avoir rappelé que le rapport d'enquête administrative et les témoignages recueillis faisaient état " d'avis contradictoires, ou à tout le moins, sujets à controverse, sur la brutalité physique et verbale exercée par M. B...C...à l'égard des mineurs accueillis au sein du centre ", précise que " le rapport fait apparaître qu'en deux circonstances au moins le comportement inapproprié de M. B...C...est attesté : - refus d'admission d'un enfant handicapé en dépit de l'accord donné par sa hiérarchie ; - emploi disproportionné de la force physique pour maîtriser un enfant en proie à une crise de colère violente ". Il ressort des pièces du dossier que, s'agissant de la force physique exercée sur un enfant, les témoignages de deux salariées du centre de loisirs ont décrit une scène " d'une grande brutalité " au cours de laquelle, en octobre 2012, M. C...avait tenté de mettre fin à la crise de colère d'un enfant en le tirant par le bras et en le traînant par terre, au risque qu'il se cogne la tête contre les murs. A la suite de cet épisode, la direction du centre a convoqué M. C...pour une commission de discipline puis lui a adressé un avertissement, malgré un courrier à décharge de la mère de l'enfant concerné. Le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, réuni le 9 avril 2014 pour se prononcer sur le cas du requérant, s'est prononcé, à la majorité, en faveur d'une proposition de suspension d'exercer, pour une durée de six mois, quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des

articles L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et de la famille. Le préfet de la Gironde, qui a considéré que l'intéressé n'avait pas fait preuve de la maîtrise attendue d'un professionnel et que son comportement était susceptible de porter atteinte à l'intégrité physique, psychique ou morale des enfants dont il a la charge, a toutefois limité la mesure de suspension contestée à une durée de deux mois.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a été engagé en juin 2008 au sein de la Maison de Santé Protestante de Bordeaux " Bagatelle ". A la suite de difficultés rencontrées par le personnel éducatif, il a été amené à signaler à de nombreuses reprises des dysfonctionnements au sein de ce centre social sans toutefois que des solutions pérennes de nature à apaiser les relations professionnelles puissent être trouvées. Si M. C...a pu, par son comportement et son franc parler, susciter des incompréhensions et des désaccords au sein de l'établissement, et en particulier avec la direction de celui-ci au sujet de son organisation et de son fonctionnement, il n'en demeure pas moins que les faits de violence qui lui ont été reprochés sont isolés, aucun incident autre que celui survenu en octobre 2012 n'étant établi, qu'ils remontaient à plus d'un an et demi lorsque la décision de suspension est intervenue et qu'ils n'ont donné lieu à aucune mesure conservatoire de la part de l'établissement employeur qui a attendu plus d'un an pour saisir le représentant de l'Etat. Dans ces conditions, le comportement de M. C...ne peut être regardé comme caractérisant, à la date de l'arrêté contesté, un risque pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs accueillis au sens des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles.

6. S'agissant du refus manifesté publiquement par M. C...à l'accueil d'un enfant handicapé, un tel événement ne constitue pas par lui-même une menace pour la santé et la sécurité des enfants accueillis au sens des dispositions en litige, alors même qu'au demeurant, l'attitude de l'intéressé avait précisément pour but de sensibiliser sa hiérarchie au respect des règles de sécurité, dans le contexte décrit au point 5 ci-dessus.

7. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 6, le préfet de la Gironde a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de l'intéressé une mesure d'interdiction temporaire d'exercer toute fonction auprès de mineurs accueillis pour une durée de deux mois.

8. Il résulte de qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. C...que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement et la décision contestée du 12 mai 2014.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la fondation Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle est admise.

Article 2 : Le jugement du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté

du 12 mai 2014 par lequel le préfet de la Gironde a interdit à M. C...d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles pour une durée de deux mois sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...la somme de 1 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., au ministre de l'éducation nationale, au ministre des sports et à la fondation Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle.

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

Le rapporteur,

Philippe DelvolvéLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Delphine Céron

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, au ministre des sports et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Delphine Céron

2

No 15BX02979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02979
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-27;15bx02979 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award