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20/06/2017 | FRANCE | N°15BX01759

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 juin 2017, 15BX01759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F..., représenté par son mandataire judicaire, Me A...B..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision en date du 19 mars 2014 par laquelle la Garde des Sceaux, ministre de la justice, a fixé l'indemnité de suppression de son office d'huissier à Puymirol à la somme de 50 000 euros et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de fixer à 425 000 euros la valeur réelle de l'étude d'huissier et de répartir la charge de cette indemnité à hauteur de 127 5

00 euros pour la Scp Caron-Ponticq-Dommerc, 85 000 euros pour la Selarl Vigui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F..., représenté par son mandataire judicaire, Me A...B..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision en date du 19 mars 2014 par laquelle la Garde des Sceaux, ministre de la justice, a fixé l'indemnité de suppression de son office d'huissier à Puymirol à la somme de 50 000 euros et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de fixer à 425 000 euros la valeur réelle de l'étude d'huissier et de répartir la charge de cette indemnité à hauteur de 127 500 euros pour la Scp Caron-Ponticq-Dommerc, 85 000 euros pour la Selarl Viguier-Tacconi, 106 250 euros pour MeC... et 106 250 euros pour la Scp Andrieu-Bruneau.

Par un jugement n° 1401690 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2015, Me B..., ès-qualité de liquidateur judiciaire de M.F..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 avril 2015 ;

2°) d'annuler la décision en date du 19 mars 2014 par laquelle la Garde des Sceaux, ministre de la justice, a fixé l'indemnité de suppression de son office d'huissier à Puymirol à la somme de 50 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du montant de l'indemnité de suppression qu'elle fixe.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2015, la Garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Par ordonnance du 18 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 juillet 2016 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le décret n° 75-770 du 14 août 1975 relatif aux conditions d'accès à la profession d'huissier de justice ainsi qu'aux modalités des créations, transferts et suppressions d'offices d'huissier de justice et concernant certains officiers ministériels et auxiliaires de justice ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. G... de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M.F....

Considérant ce qui suit :

Sur la compétence de la juridiction administrative :

1. M. F...était titulaire d'un office d'huissier depuis 1994 à Puymirol. Une information judiciaire ayant été ouverte à son encontre le 30 août 2006, il a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer. Le 6 septembre 2006, le tribunal de grande instance d'Agen a désigné un suppléant pour son office et le 7 septembre 2006, le juge des référés de ce tribunal a prononcé sa suspension provisoire et désigné un administrateur pour son office. Par jugement du 12 octobre 2007, le tribunal de grande instance d'Agen, statuant en matière disciplinaire, a prononcé à l'encontre de M. F... une interdiction temporaire d'exercer d'une durée de cinq ans et, par jugement du 11 février 2009, l'a déclaré coupable des faits d'abus de confiance aggravé commis dans le cadre de ses fonctions d'officier public et ministériel, faux et usage de faux et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis, outre une peine complémentaire d'interdiction d'exercer les fonctions d'officier public et ministériel pendant cinq ans. Une procédure de redressement judiciaire a par ailleurs été initiée le 20 février 2007, à l'issue de laquelle le tribunal de grande instance d'Agen, par un jugement en date du 11 mai 2007, a prononcé la liquidation judiciaire de l'office du requérant et a désigné Me B... en qualité de mandataire liquidateur. Par un arrêté en date du 27 novembre 2012, la Garde des Sceaux a accepté la démission de M. F...et son office a été supprimé. En l'absence d'accord sur le montant de l'indemnité de suppression, la Garde des Sceaux, ministre de la justice, saisie par MeB..., en a fixé le montant, par décision en date du 19 mars 2014, à la somme de 50 000 euros et en a réparti la charge entre les offices d'huissier de justice situés à la résidence d'Agen. MeB..., ès-qualité de mandataire judiciaire de M.F..., relève appel du jugement du 23 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 19 mars 2014 :

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article 42 du décret du 14 août 1975 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " Les indemnités qui peuvent être dues à l'ancien titulaire d'un office supprimé, par les huissiers de justice bénéficiaires de la suppression, sont évaluées et réparties en fonction du bénéfice résultant, pour chacun d'eux, de cette suppression. ". Aux termes de l'article 43 du même décret : " Le montant et la répartition des indemnités prévues à l'article 42 sont fixés par accord entre les parties qui en avisent le procureur général et la chambre des huissiers de justice dans le ressort de laquelle est établi l'office créé, supprimé ou bénéficiaire d'une extension de compétence. / A défaut d'accord amiable, le montant et la répartition des indemnités sont fixés par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis de la commission de localisation des offices d'huissier de justice. / (...). L'avis de la commission est notifié à chacun des créanciers et débiteurs d'indemnités par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Ceux-ci ou l'un ou plusieurs d'entre eux peuvent, dans un délai de trente jours à compter de la notification, adresser dans la même forme à la commission leurs observations. Le président de la commission adresse copie de son avis au garde des sceaux, ministre de la justice, et, le cas échéant, les observations des créanciers ou débiteurs d'indemnités". Enfin, l'article 45 dudit décret disposait alors que : " Pour l'évaluation des indemnités, la commission tient compte, notamment : / De l'évolution de l'activité de l'office créé, transféré, supprimé ou bénéficiaire d'une modification ou d'une extension de compétence et de celle des offices dont les titulaires apparaissent créanciers ou débiteurs d'une indemnité ; / De la situation géographique, démographique et économique de la région où est situé l'office et de ses perspectives d'avenir ; / Du nombre et de l'implantation des offices dans la région considérée. Les propositions de la commission sont motivées. (...) ".

3. En premier lieu, et conformément à ces dispositions, la commission de localisation des offices d'huissier de justice a, lors de sa séance du 9 juillet 2013, émis l'avis de fixer le montant de l'indemnité de suppression de l'office de Puymirol à la somme de 50 000 euros et d'en répartir la charge à égalité entre les cinq offices agenais. Cet avis a été communiqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2013 à MeB..., lequel a formulé des observations par courrier du 10 décembre 2013, visé par la décision litigieuse du 19 mars 2014.

4. Me B...fait toutefois valoir que l'avis de la commission de localisation des offices d'huissier de justice du 9 juillet 2013 se réfère à une délibération de la chambre régionale des huissiers de justice d'Agen en date du 9 avril 2013, qui ne lui a pas été communiquée. Néanmoins, et outre que les dispositions précitées imposent simplement à la commission de localisation des offices d'huissier de justice de notifier son avis motivé aux créanciers et débiteurs d'indemnités et non les pièces ou documents sur lesquels elle s'est fondée pour rendre celui-ci, la commission ne s'est nullement contentée, en l'espèce, contrairement à ce que soutient le requérant, d'entériner ladite délibération, mais a formulé son propre avis, à partir des éléments dont elle disposait. Si Me B...fait également valoir que la Garde des Sceaux, ministre de la justice, aurait méconnu les droits de la défense en ne lui transmettant pas, préalablement à l'adoption de la décision en litige, la délibération susmentionnée, un tel moyen est inopérant dès lors que ladite décision ne revêt pas le caractère d'une sanction. En tout état de cause, l'argument qu'il invoque à l'appui du moyen tiré de ce que la chambre régionale des huissiers de justice d'Agen n'aurait pas statué de manière impartiale, à savoir l'identité du président de la chambre départementale des huissiers du Lot-et-Garonne, est sans rapport avec cette instance. A cet égard, et contrairement à ce que soutient MeB..., il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la chambre départementale des huissiers du Lot-et-Garonne se serait, à un quelconque moment de la procédure, prononcée sur le montant de l'indemnité de suppression de l'office de M. F.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise à la suite d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, et si l'administration peut, pour la détermination du montant de l'indemnité de suppression d'un office public ou ministériel, se référer à la moyenne du chiffre d'affaires constaté de l'office au cours des dernières années de gestion effective normale, elle n'a cependant pas, contrairement à ce que soutient Me B..., l'obligation de procéder de la sorte, la règle généralement applicable consistant à fixer ce montant en fonction de la valeur de l'office concerné à la date de sa suppression.

6. Me B...soutient que l'indemnité de suppression de l'office de M. F... doit être fixée en tenant compte de son environnement démographique et économique tel qu'il existait en 2006 et en se fondant sur les années de plein exercice en condition normale de l'étude, c'est-à-dire de 2001 à 2006. Néanmoins, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que M. F...a été déclaré coupable, par un jugement du tribunal correctionnel d'Agen en date du 11 février 2009 dont il n'a pas fait appel, d'abus de confiance aggravé commis dans le cadre de ses fonctions d'officier public ou ministériel, et de faux et usage de faux, notamment par la falsification des données de comptabilité de l'office, faits commis entre le 30 juin 2004 et le 30 juin 2006. Me B...ne saurait dès lors utilement se prévaloir des données comptables afférentes à ces années. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que l'administration aurait dû prendre en compte les données de la comptabilité de l'étude pour la période ayant précédé l'ouverture de la procédure collective pour le calcul de l'indemnité de suppression de son office.

7. Pour déterminer le montant de l'indemnité litigieuse, la Garde des sceaux, ministre de la justice, s'est notamment fondée sur la perte, antérieure à la suppression de l'office, d'un client qui représentait environ 30 % du chiffre d'affaires, l'absence d'activité de l'office depuis plus de six ans à la suite de son placement en liquidation judiciaire, un passif déclaré qui s'élevait à la somme de 1 163 583 euros au 25 avril 2007, la situation géographique de l'office, à 20 km d'Agen, ainsi que sur l'avis de la commission de localisation des offices d'huissiers de justice proposant de fixer le montant de ladite indemnité à la somme de 50 000 euros et la proposition d'indemnité faite par les titulaires des offices d'huissiers situés à la résidence d'Agen, bénéficiaires de la suppression. La circonstance, invoquée par le requérant, que les cinq huissiers de justice concernés auraient proposé, le 11 décembre 2006, de racheter l'office de Puymirol pour un montant de 125 000 euros n'est pas de nature à établir l'existence de l'erreur manifeste d'appréciation alléguée dès lors qu'il résulte des termes mêmes de cette proposition qu'elle a été établie au vu de la perte du client susmentionné mais sans tenir compte de la mise en examen de M. F... et des conséquences qui s'y attachent, à savoir les faits de falsification des données comptables mis en lumière par la procédure pénale ouverte à l'encontre de l'intéressé. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que le montant de l'indemnité de suppression fixé par la décision en litige serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ne peut être accueilli.

8. Il résulte de tout de ce qui précède que Me B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que Me B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de MeB..., ès-qualité de mandataire judiciaire de M.F..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MeB..., ès-qualité de mandataire judiciaire de M. D... F..., et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 juin 2017.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 15BX01759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01759
Date de la décision : 20/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05-05 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Professions s'exerçant dans le cadre d'une charge ou d'un office. Huissiers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DELVOLVE LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-20;15bx01759 ?
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