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19/06/2017 | FRANCE | N°17BX00858

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 19 juin 2017, 17BX00858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux d'annuler deux arrêtés du 9 janvier 2017 par lesquels le préfet de la Gironde a, d'une part, prononcé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et, d'autre part, prononcé son assignation à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1700080 du 12 janvier 2017, le magistrat désigné par le prés

ident du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux d'annuler deux arrêtés du 9 janvier 2017 par lesquels le préfet de la Gironde a, d'une part, prononcé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et, d'autre part, prononcé son assignation à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1700080 du 12 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2017, Mme D...A..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 12 janvier 2017 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du 9 janvier 2017 du préfet de la Gironde susmentionnés ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer sa situation dans le délai de soixante douze heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et ce, sous astreinte de 200 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté prononçant son transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivé en fait au regard des dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne contient aucune information sur son passage en Italie ou le fait qu'elle y aurait déposé une demande d'asile, ce qui est pourtant déterminant pour déterminer s'il existe ou non une cessation de la responsabilité de l'Etat membre conformément à l'article 19.2 du règlement du 26 juin 2013 ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'est pas établi qu'elle ait reçu la totalité des informations nécessaires à chaque étape de la procédure prévue par l'article 4 de ce même règlement, dès lors que le préfet s'est contenté de produire un document attestant qu'elle s'est vu remettre un livret de 58 pages sans verser toutefois ce livret au dossier, ce qui ne permet pas de vérifier si les informations requises y sont bien mentionnées ;

- il ne ressort pas des mentions figurant dans cet arrêté que l'entretien individuel prévu par l'article 5 de ce règlement aurait eu lieu et il n'est pas établi que Mme B...bénéficiait de la délégation requise pour conduire un tel entretien ;

- il n'est pas davantage établi qu'elle se serait vu remettre, à un quelconque moment de la procédure, les informations requises par l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et notamment l'identité du responsable du traitement de ses empreintes ainsi que l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et un droit de rectification ;

- le préfet de la Gironde aurait dû faire application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17.2 de ce même règlement dès lors que, d'une part, elle ne comptait pas demander l'asile dans ce pays mais bien en France et que, d'autre part, il est incontestable que l'Italie ne peut garantir des conditions d'asile conformes à la Charte des droits fondamentaux ;

- l'arrêté prononçant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours est insuffisamment motivé au regard de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 dès lors que le préfet s'est borné à viser l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il ne fait même pas référence à l'arrêté de transfert aux autorités italiennes qui le fonde et qu'il ne comporte aucun élément sur sa situation familiale ;

- ce même arrêté est dépourvu de base légale du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation et n'a notamment pas tenu compte du fait qu'elle parlait le français et qu'elle a une petite fille née en France et âgée de six mois. Il convient de relever à cet égard que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- le préfet a fixé, dans l'arrêté contesté, la durée maximale de l'assignation à résidence de quarante-cinq jours mentionnée par l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans examiner la possibilité de prononcer une durée inférieure et a donc commis une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à son mémoire de première instance.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 53-1 ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- le règlement CE n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, désormais codifiée dans le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Axel Basset a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante ivoirienne, née le 16 novembre 1990 à Bouake (Côte d'Ivoire), est entrée irrégulièrement sur le territoire français, le 1er juillet 2016, selon ses propres dires, accompagnée de son mari, M.E..., compatriote. Le 8 juillet 2016, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Estimant, au vu des résultats des relevés de ses empreintes décadactylaires, que l'Italie pouvait s'avérer l'Etat membre responsable de l'examen de son dossier, le préfet de la Gironde a, le 5 août 2016, formé auprès des autorités italiennes une demande de transfert, sur le fondement de l'article 18.1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. A la suite de l'accord implicite rendu par lesdites autorités le 20 août 2016, le préfet de la Gironde a, par deux arrêtés du 9 janvier 2017, prononcé, d'une part, son transfert vers l'Italie et, d'autre part, son assignation à résidence dans le département de la Gironde, dans l'attente de l'exécution de cette décision. Mme A...relève appel du jugement du 12 janvier 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient MmeA..., il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, et notamment de son point 20, que le premier juge a expressément répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté prononçant son assignation à résidence n'a pas été pris à l'issue d'un examen complet de sa situation personnelle. Par suite, ce jugement n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

En ce qui concerne l'arrêté prononçant le transfert de Mme A...aux autorités italiennes :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) L'étranger est tenu de coopérer avec l'autorité administrative compétente en vue d'établir son identité, sa ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d'origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d'asile antérieures. Il présente tous documents d'identité ou de voyage dont il dispose. (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) ". En vertu de l'article L. 742-3 dudit code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...). ".

4. L'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 et 8, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée, le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé dit " Dublin III " et le règlement (CE) 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié, relatif aux critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment ses articles L. 741-1 à L. 741-6. Il mentionne que Mme A...est entrée irrégulièrement en France et que les autorités italiennes, saisies le 5 août 2016 d'une demande de transfert en application de l'article 18-1-b) du règlement (UE) 604/2013, ont rendu un accord implicite le 20 août 2016, et que la situation dans laquelle se trouve l'intéressée ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) 604/2013. Cet arrêté fait également état de sa situation familiale, et notamment le fait que son conjoint fait lui-même l'objet d'un arrêté de transfert et qu'elle n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Italie avec leur enfant mineur, de sorte qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, et contrairement à ce que soutient l'appelante, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé au regard des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il ne mentionne pas que Mme A...a transité par l'Italie et que le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'elle y avait déjà formé une demande d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment :/ a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ;/ c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ;/ d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement / f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. (...) ".

6. D'une part, il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus à l'article 4.1 de ce règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées.

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu d'un entretien organisé le 8 juillet 2016 lors du dépôt de sa demande d'asile et de la prise de ses empreintes, dûment signé par l'intéressée, que Mme A...s'est vu remettre, dans sa langue maternelle, un exemplaire complet de la brochure d'" information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes " (guide A) puis, dès que le préfet de la Gironde a été informé de ce qu'elle était susceptible d'entrer dans le champ d'application de la procédure de transfert vers les autorités italiennes, un exemplaire complet de la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure Dublin (guide B). Ces documents constituent la " brochure commune " prévue par les dispositions précitées de 1'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et ont été établis par le ministère de l'intérieur conformément aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui est l'un des actes réglementaires d'application du règlement n° 604/2013. En se bornant à soutenir, tout particulièrement en appel, que le préfet de la Gironde s'est contenté de produire en première instance un document attestant qu'elle s'est vu remettre un livret de 58 pages, ce qui ne permet pas de vérifier si ce livret était complet, MmeA..., à qui il appartient au contraire de produire les brochures qu'elle a attesté elle-même avoir reçues, ne démontre avoir été destinataire de documents incomplets. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas été rendue destinataire de l'ensemble des informations requises par l'article 4.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) 3. Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) no 604/2013 est réalisée conformément à la procédure visée à l'article 44, paragraphe 2, dudit règlement. ".

9. L'article 29 relatif aux droits des personnes concernées édicte une obligation d'information des personnes relevant du règlement au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont prélevées. Le paragraphe 3 de cet article prévoit, au bénéfice des personnes concernées, la réalisation d'une brochure commune aux Etats membres dont le modèle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du même article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les paragraphes 4 et 5 reconnaissent à toute personne concernée un droit d'accès, de rectification et d'effacement des données la concernant qui sont enregistrées dans le système central. Toutefois, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Dans ces conditions, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée par Mme A...à l'encontre de l'arrêté contesté du 9 janvier 2017 prononçant transfert vers l'Italie, compétente pour examiner sa demande d'asile (CE, N° 406122, A, 10 mai 2017, PREFECTURE DE L'ESSONNE).

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. (...) ".

11. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 7, il ressort des pièces du dossier que, le 8 juillet 2016, Mme A...a été reçue dans les locaux de la préfecture de la Gironde afin de bénéficier de l'entretien individuel requis par les dispositions précitées, au cours duquel elle pouvait présenter tous éléments utiles à l'appui de sa demande d'asile. Le document d'entretien individuel mentionne que l'entretien a été fait en français, langue que l'intéressée a déclaré elle-même lire et comprendre. En se bornant à soutenir qu'il n'est pas établi que Mme Claudie Rieu, secrétaire administratif de classe exceptionnelle affectée au service de l'immigration et de l'intégration à la préfecture de la Gironde, bénéficiait de la délégation requise pour conduire un tel entretien, l'appelante n'apporte aucun élément au dossier de nature à établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013/UE du 26 juin 2013: " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 de ce même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (....) ". Si la mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, selon lequel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ", la faculté laissée à chaque Etat membre, par les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile concernés.

13. Mme A...soutient, d'une part, que les autorités italiennes, débordées par l'afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes leur permettant de bénéficier de l'ensemble des garanties prévues par cette procédure. Toutefois, l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption est réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, l'appelante, qui se borne à citer un jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 21 avril 2016, ne produit en appel aucune pièce à l'appui de ses allégations, imprécises et non étayées, permettant à la cour d'apprécier l'existence de telles défaillances en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. D'autre part, en se bornant à faire état de ce qu'elle ne comptait pas demander l'asile en Italie mais en France, dont elle maîtrise la langue, et de la présence de son enfant, âgé de six mois, Mme A...ne démontre pas qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre les clauses dérogatoires prévues par les dispositions précitées, au point 10, de l'article 17 du règlement " Dublin III ", le préfet de la Gironde se serait livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle, notamment du degré de gravité des conséquences de son éloignement vers l'Italie.

En ce qui concerne l'arrêté prononçant l'assignation à résidence de Mme A...:

14. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

15. En premier lieu, le second arrêté contesté, notifié à l'appelante concomitamment au premier arrêté prononçant son transfert aux autorités italiennes, le 9 janvier 2017 à 11 h 30, vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ainsi que les dispositions des articles L. 561-2, R. 561-2 et R. 561-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce même arrêté précise que l'intéressée fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités italiennes prise dans le cadre d'une procédure Dublin III prononcée par le préfet de la Gironde, qu'elle réside dans ce département et présente des garanties de représentation et que l'exécution de sa remise aux autorités italiennes dont elle fait l'objet demeure une perspective raisonnable dès qu'un moyen de transport sera disponible. Dès lors, ledit arrêté, qui comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, est suffisamment motivé.

16. En deuxième lieu, en l'absence d'illégalité de l'arrêté prononçant le transfert de Mme A...vers l'Italie, le moyen tiré du défaut de base légale du second arrêté contesté l'assignant à résidence doit être écarté.

17. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de cet arrêté, que le préfet de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen attentif et complet de la situation de Mme A...ou se serait senti lié par le délai de quarante-cinq jours mentionné par les dispositions précitées l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au contraire, il ressort des termes mêmes de l'article 1er de l'arrêté contesté qu'il n'a prononcé l'assignation à résidence l'appelante que pour une durée maximum de quarante-cinq jours, dans l'attente de l'exécution de son transfert aux autorités italiennes. Dès lors, cet arrêté n'est pas entaché d'erreur de droit.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2017.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 17BX00858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00858
Date de la décision : 19/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-19;17bx00858 ?
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