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13/06/2017 | FRANCE | N°16BX02311

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 16BX02311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer à lui verser une indemnité de 1 235 921,85 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de son activité de chirurgien urologue au sein de l'établissement, ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302778 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospital

ier de Rochefort-sur-Mer à verser à M. A...une somme de 310 223,33 euros en ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer à lui verser une indemnité de 1 235 921,85 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de son activité de chirurgien urologue au sein de l'établissement, ainsi qu'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302778 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer à verser à M. A...une somme de 310 223,33 euros en réparation de ses préjudices, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 12 juillet 2016 sous le n° 16BX02311, et par deux mémoires enregistrés les 31 octobre 2016 et 20 février 2017, le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer, représenté par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M.A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en regardant comme une pratique établie, des éléments simplement relatés par M. A...lui-même consistant, pour l'établissement, à diriger les patients vers d'autres praticiens en annonçant la cessation de son activité ;

- le tribunal a également dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'une correspondance du 11 janvier établissait une interdiction faite à M. A...d'accéder au bloc opératoire alors que cette correspondance faisait l'objet d'une contestation et traduisait la volonté concertée des praticiens de ne plus intervenir aux côtés du docteurA... ;

- le jugement est entaché d'omission de statuer dès lors qu'il ne statue pas sur l'existence d'une faute à la charge du docteurA... ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'une absence d'inscription au tableau des interventions ne peut se confondre avec une interdiction d'accès au bloc opératoire ;

- le jugement est également entaché d'erreur de fait dès lors que le directeur de l'établissement n'est pas resté inactif à la suite des demandes d'explications du docteurA... ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit dès lors qu'une inscription au tableau des interventions relève exclusivement de la sphère médicale et qu'une non inscription ne peut donc pas être imputée au directeur de l'établissement ;

- le jugement est également entaché d'erreur de droit en ce qu'il fait application du principe de loyauté des relations contractuelles, dont la teneur est indéfinie, alors qu'il devait en priorité statuer sur la base des stipulations contractuelles résultant du contrat tripartite du 23 juin 2010 ; M. A...n'a pas demandé l'annulation de la décision par laquelle il a été mis fin à son contrat ; il ne pouvait donc être indemnisé par reconstitution des revenus perdus ; le tribunal devait se livrer à une appréciation globale de la situation permettant de dégager une indemnité pour solde de tout compte ;

- la décision du 8 juin 2012 mettant fin aux relations contractuelles avec le docteurA..., prise en application de l'article 12 du contrat, est justifiée par des refus de l'intéressé de donner suite à des rendez-vous et par l'arrêt depuis presque un an de son activité chirurgicale ; cette décision, prise par une autorité compétente, reposant sur des faits établis et conforme aux obligations réciproques des parties au contrat, est légale ;

- M. A...ne peut prétendre qu'au droit au préavis de six mois prévu par le contrat ; n'ayant pas demandé l'exécution de ce préavis et la monétisation du préavis non exécuté n'étant pas prévue, aucune indemnité n'est due ;

- il est établi que les confrères du docteur A...étaient fondés à exercer leur droit de retrait pour ne pas intervenir à ses côtés ; le docteur A...n'a engagé aucune démarche en vue de résoudre les difficultés qui l'opposaient à ses confrères et a refusé de répondre aux sollicitations de l'administration en vue de dénouer cette situation ; l'absence d'accident ne suffit pas à justifier cette attitude ; le refus d'inscription au tableau des interventions est justifié ;

- le docteur A...n'a exercé aucune activité à compter du mois de janvier 2011 sans chercher à résoudre la situation qui l'opposait à ses confrères ; il a donc commis une faute grave absorbant tout droit à indemnisation en sa faveur ;

- M. A...ne démontre pas la réalité du préjudice financier qu'il invoque ;

- subsidiairement, le docteurA..., qui n'a pas demandé l'annulation de la décision de rupture du contrat, ne pourrait prétendre qu'à une indemnité pour solde de tout compte par appréciation des fautes commises par chaque partie ; en l'espèce, cette indemnisation ne peut qu'être nulle eu égard à la gravité de la faute commise.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2017, M.A..., représenté par Me F... et MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

- l'argumentation du centre hospitalier devant le tribunal quant à l'existence d'une faute de sa part ne constituait pas des conclusions ; le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'intégralité des arguments et énonciations des parties ; il n'a pas entaché son jugement d'omission de statuer ;

- le jugement n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur de droit ;

- l'attestation produite par le centre hospitalier quant à ses pratiques professionnelles est tardive et mensongère ; elle émane d'un praticien qui ne justifie d'aucune autorité pour porter une appréciation sur son activité ; le directeur de l'établissement, confronté à un conflit d'égos qui lui imposait des choix, a décidé de se séparer de lui ;

- ce mensonge tardif en vue de couvrir une éviction arbitraire justifie l'indemnité de 10 000 euros pour préjudice moral qui lui a été allouée en première instance.

Par ordonnance du 3 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 février 2017.

II°) Par une requête enregistrée le 12 juillet 2016 sous le n° 16BX02312, et par des mémoires enregistrés les 21 septembre 2016, 12 octobre 2016, 31 octobre 2016 et 20 février 2017, le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer, représenté par MeG..., demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1302778 du tribunal administratif de Poitiers du 15 juin 2016 dans sa totalité ou, subsidiairement, en tant que la condamnation excède un semestre de l'activité professionnelle de M. A...;

2°) de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient les mêmes moyens que ceux invoqués dans le cadre de l'instance n° 16BX02311 susvisée et soutient en outre que la somme à laquelle il a été condamné est particulièrement importante et il n'existe pas de certitude quant à la solvabilité de la partie au profit de laquelle la condamnation a été prononcée, que la somme à laquelle il a été condamné représente près de huit fois le résultat annuel moyen de l'activité de M. A...avant impôt et qu'ainsi, les conditions prévues à l'article R 811-16 du code de justice administrative sont réunies.

Par des mémoires en défense enregistrés les 19 août 2016, les 5 et 9 septembre 2016 et 29 septembre 2016, M. A..., représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à ce que l'exécution du jugement soit effectuée contre la constitution de garanties, et à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient les mêmes moyens que ceux invoqués dans le cadre de l'instance n° 16BX02311 susvisée et soutient, en outre, qu'il continue de travailler en tant que chirurgien, que ses difficultés financières ont été causées par les agissements du centre hospitalier et que les condamnations prononcées en première instance n'excèdent pas la valeur du patrimoine qu'il peut proposer en garantie.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me MeE..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une réorganisation de l'offre de soins dans l'agglomération de Rochefort-sur-Mer, le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer et les médecins libéraux qui exerçaient dans une clinique privée de l'agglomération qui a cessé son activité, ont constitué en 2008 le groupement de coopération sanitaire du Pays Rochefortais, personne morale de droit public régie par les articles L. 6133-1 et suivants et R. 6133-1 et suivants du code de la santé publique. M.A..., médecin libéral, chirurgien urologue membre de ce groupement de coopération sanitaire, a conclu le 23 juin 2010, un contrat avec le groupement et le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer fixant ses conditions d'exercice au sein de ce groupement et conclu pour la durée d'application de la convention de groupement, soit jusqu'en 2058. Par courrier du 28 novembre 2012, le directeur du centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer a informé M. A...de son intention de mettre fin au contrat du 23 juin 2010 à l'issue d'un délai de préavis de six mois. Le 8 juin 2012, après l'expiration du délai de préavis, le directeur de l'établissement a confirmé sa décision de mettre fin au contrat. Le 12 août 2013, M. A...a saisi le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer d'une demande préalable d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat puis, en l'absence de réponse, a demandé au tribunal administratif de Poitiers la condamnation de l'établissement à lui verser une indemnité de 1 235 921,85 euros en réparation de son préjudice. Par jugement du 15 juin 2016, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à verser à M. A...une indemnité de 310 223,33 euros.

2. Par deux requêtes, enregistrées sous les numéros 16BX02311 et 16BX02312, le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer demande, d'une part, l'annulation du jugement du 15 juin 2016 et le rejet des conclusions indemnitaires de M. A...et, d'autre part, le sursis à exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, dirigées contre le même jugement, pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. En estimant que M. A...s'était trouvé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions par suite des agissements du centre hospitalier, que les " motifs médico-techniques " de la rupture du contrat par le centre hospitalier étaient dépourvus de toute précision et que l'activité de M. A...n'avait donné lieu à aucune plainte de patients, le tribunal a expressément répondu au moyen de défense invoqué par l'établissement tiré de fautes commises par M.A.... Le jugement n'est donc entaché ni d'omission à statuer ni d'insuffisance de motivation.

4. La dénaturation de pièces du dossier et les erreurs de fait et de droit qu'aurait commises le tribunal administratif sont susceptibles, à les supposer établies, d'affecter la validité des motifs du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, mais sont sans incidence sur la régularité dudit jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article L. 6133-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Un groupement de coopération sanitaire a pour objet de faciliter, d'améliorer ou de développer l'activité de ses membres. A cet effet, il peut : 1° Permettre les interventions communes de professionnels médicaux et non médicaux exerçant dans les établissements membres, des professionnels salariés du groupement, ainsi que des professionnels médicaux libéraux membres ou associés du groupement (...) ". Les conditions d'intervention du docteur A...au sein du groupement ont été précisées par le contrat tripartite du 23 juin 2010 dont l'article 2 stipule : " Le Centre hospitalier de Rochefort met à la disposition du Docteur François A...les moyens nécessaires pour lui permettre d'exercer son art, au sein du GCS du Pays Rochefortais, dans les meilleures conditions, eu égard à la spécialité exercée ". L'article 12 de ce contrat stipule : " Le présent contrat est conclu pour la durée résiduelle d'effectivité de la convention constitutive du GCS du Pays Rochefortais, soit 50 ans à compter de la date d'approbation par la COMEX de l'ARH n° 527bis/08 en date du 17 novembre 2008. / Si l'une des parties veut interrompre le présent contrat, elle devra aviser l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un délai de préavis qui sera fonction du temps réel pendant lequel le Docteur François A...aura exercé au sein du groupement de Coopération Sanitaire du Pays Rochefortais : six mois avant cinq ans (...) Sauf cas de rupture abusive par l'une des parties, les autres parties ne pourront prétendre à aucune indemnité ".

6. Pour décider la rupture des relations contractuelles qui liaient l'établissement à M. A..., le directeur du centre hospitalier, ainsi que l'indique la décision du 28 novembre 2011, a, d'une part, reproché à M. A...de ne pas avoir répondu à des demandes de rendez-vous qui lui avaient été adressées par la direction aux mois de janvier et septembre 2011 et, d'autre part, constaté le " retrait de fait " de M. A...du groupement de coopération sanitaire, dès lors que l'intéressé avait cessé son activité au bloc opératoire depuis près d'un an. Dans ses écritures en défense, le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer invoque, au surplus, les difficultés médico-techniques qui auraient été relevées dans l'exercice de l'activité de M.A....

7. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction et notamment des témoignages produits par M.A..., qu'au mois d'avril 2010, M. A...a été dans l'impossibilité d'opérer un patient du fait du refus du médecin anesthésiste d'intervenir dans l'opération et qu'à compter du mois de septembre 2010, le secrétariat de l'établissement avait adopté une pratique consistant à indiquer aux patients de l'intéressé que le docteur A...avait cessé son activité dans l'établissement et que d'autres praticiens étaient susceptibles de les prendre en charge. Cette pratique est corroborée par un courrier du président du conseil du bloc opératoire du 11 janvier 2011, adressée au docteurA..., lui signifiant qu'il ne pouvait pas intervenir au bloc le 26 janvier 2011 et indiquant : " Je te rappelle les propos que nous avons tenus, Monsieur B...et moi-même, en t'informant fin octobre 2010 de la décision du Directeur de l'établissement sur avis du conseil du Bloc opératoire, de suspendre progressivement ton activité chirurgicale au sein du bloc opératoire du CH de Rochefort, notamment pour les actes réalisés sous anesthésie générale. Nous t'avions demandé de stopper toute activité chirurgicale à partir du déménagement vers l'hôpital neuf. Nous t'avions demandé aussi, de ne plus programmer de nouvelles interventions et de maintenir uniquement les actes déjà programmés, en prenant l'attache du Docteur B...pour les réaliser avec toi. Ainsi, le planning des vacations retenu pour Béligon ne prévoit aucune plage opératoire pour toi. Néanmoins, nous t'avions bien précisé que le Docteur B...était tout à fait disposé à prendre en charge les patients que tu souhaites lui confier. Il est bien entendu tout à fait possible que tu puisses continuer à en assurer le suivi médical. Cette mesure a été largement réclamée par le conseil de bloc opératoire tant sur le plan anesthésique que chirurgical afin d'assurer une prise en·charge cohérente et homogène des patients d'urologie au sein de l'établissement. Nous aurions souhaité nous en tenir à la simple information orale, mais il semble que tu n'as pas jugé celle-ci officielle, ce que tu as dit au Docteur B...ce jour, c'est donc chose faite maintenant avec ce courrier que je t'adresse en joignant une copie à notre directeur et au président de la CME ". Ainsi que l'a également relevé le tribunal administratif, M. A...a adressé à la direction de l'établissement plusieurs demandes d'explications sur cette exclusion, notamment par fax des 11 et 13 janvier 2011 et lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 février 2011 sans obtenir de réponse ni d'explications sur les raisons qui pouvaient motiver cette exclusion. A la sommation interpellative du 22 juillet 2011, faite à l'initiative de M.A..., et portant sur les conditions dans lesquelles l'article 2 du contrat du 23 juin 2010 pourrait à nouveau recevoir application, le directeur du centre hospitalier n'a apporté aucune réponse.

8. Aucun élément de l'instruction, et notamment pas le courrier du 18 octobre 2016 du docteurB..., médecin urologue au centre hospitalier, établi pour les besoins de la cause d'appel, ne permet d'estimer que l'exercice par M. A...de son activité de chirurgien n'aurait pas été conforme aux règles de l'art. Si le docteur B...indique dans ce courrier que " le Docteur A...s'est trouvé à opérer des patients sans (sa) présence avec des déroulements opératoires laborieux et inquiétant les confrères anesthésistes et l'encadrement du bloc opératoire " et fait état de " durées d'interventions anormalement longues, de saignements excessifs, du matériel mal maitrisé et d'une stratégie opératoire imprécise ", aucune précision n'est apportée sur l'autorité qu'aurait l'auteur de ce courrier pour juger des pratiques professionnelles de son confrère dont il ne ressort d'aucun élément de l'instruction qu'elle aurait fait l'objet de mise en cause notamment par des patients ou par le conseil de l'Ordre des médecins.

9. Dans les circonstances exposées aux points 7 et 8 ci-dessus, le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer, qui a fait en sorte d'exclure le docteur A...du bloc opératoire à compter du mois de septembre 2010, sans motifs avérés autres qu'un conflit entre praticiens et sans répondre à ses multiples demandes d'explications, ne pouvait ensuite reprocher à M. A...d'avoir cessé son activité pendant près d'un an. Dans ces circonstances, l'absence de réponse de M. A...aux demandes de rendez-vous qui lui ont été adressées au mois de septembre 2011 ne peut pas être considérée comme un motif justifiant la rupture des relations contractuelles. Ainsi, le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer, qui n'a respecté ni la convention de groupement de coopération sanitaire, ni l'article 2 du contrat qui le liait à M. A...et qui a fondé sa décision de rupture sur la cessation de l'activité de l'intéressé à laquelle il avait lui-même fait obstacle, doit être regardé, en l'absence de tout motif d'intérêt général établi, comme ayant abusivement prononcé la rupture du contrat au sens de l'article 12 de ce contrat, comme l'a relevé le tribunal.

10. Il résulte de ce qui précède qu'en application de l'article 12 du contrat du 23 juin 2010, M. A...peut prétendre à une indemnité en réparation des préjudices qu'il a subis. L'absence de conclusions de M. A...en annulation de la décision de rupture du contrat ne fait pas obstacle à ce qu'il reçoive réparation de ses préjudices. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucune faute n'est en l'espèce imputable à M.A.... Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de M.A..., qui atteindra l'âge de 65 ans en 2023, est passé de 150 000 euros en 2010 à 40 000 euros en 2013, mais que l'intéressé a trouvé une solution alternative pour poursuivre son activité professionnelle de sorte que la clientèle qu'il a nécessairement perdue est susceptible de se reconstituer. Dans ces conditions, en estimant à 250 000 euros la perte de bénéfice net subie par M. A...et à 40 000 euros la perte de revenus qu'il est susceptible de subir sur sa pension de retraite compte tenu de son espérance de vie, le tribunal, qui a retenu des montants très inférieurs au montant des prétentions de M. A...sur ces points, n'a pas fait une évaluation excessive des pertes de revenus subies par M. A...du fait de la rupture abusive du contrat qui le liait au centre hospitalier, dont le montant n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté en appel. Le tribunal a également, à bon droit, retenu un préjudice de 10 223,33 euros correspondant aux frais de licenciement de la secrétaire de M. A...ainsi qu'un préjudice moral de 10 000 euros correspondant à l'atteinte à la réputation de l'intéressé malgré sa longue pratique professionnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à verser une indemnité de 310 223,33 euros à M.A....

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué :

12. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions d'appel du centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué deviennent sans objet. Il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer de la somme que celui-ci demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement requérant le versement à M. A...d'une somme totale de 2 500 euros sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16BX02312 du centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1302778 du tribunal administratif de Poitiers.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes du centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer est rejeté.

Article 3 : Le centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer versera à M. A...la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2017.

Le président assesseur,

Gil Cornevaux

Le président-rapporteur,

Elisabeth JayatLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02311,16BX02312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02311
Date de la décision : 13/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Droit à indemnité.

Santé publique - Établissements publics de santé - Régime des cliniques ouvertes et des groupements de coopération sanitaire (GCS).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : BCV AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-13;16bx02311 ?
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