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13/06/2017 | FRANCE | N°15BX02949

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 15BX02949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier de Bergerac à lui verser la somme de 32 000 euros en réparation de ses préjudices subis à la suite d'une hémorroïdectomie pédiculaire suivie d'une anoplastie réalisées en 2010.

Par un jugement n°1202120 en date du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 31 août 2015, M. B...A...agissant en qualité de tuteur

de son épouse Mme D...A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier de Bergerac à lui verser la somme de 32 000 euros en réparation de ses préjudices subis à la suite d'une hémorroïdectomie pédiculaire suivie d'une anoplastie réalisées en 2010.

Par un jugement n°1202120 en date du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 31 août 2015, M. B...A...agissant en qualité de tuteur de son épouse Mme D...A..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Bergerac à lui verser la somme de 32 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts moratoires à compter de la présentation du recours contentieux, si besoin en ordonnant préalablement une expertise judiciaire, l'état de santé de Mme A...n'étant pas consolidé ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bergerac une somme de 1 500 euros à verser à MeE..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le tribunal a inversé la charge de la preuve s'agissant du défaut d'information ; le centre hospitalier ne rapporte pas la preuve que Mme A...a reçu une information permettant son consentement éclairée avant la première opération qu'elle aurait refusé de subir si elle avait eu connaissance des risques encourus ;

- la faute du centre hospitalier est évidente dès lors que Mme A...n'a pas été prise au sérieux lorsqu'elle a fait état de douleurs aigües et chroniques ;

- le diagnostic de fissure anale postérieure a été immédiatement posé une fois qu'elle a été admise dans une clinique ;

- Mme A...a subi d'importants préjudices qu'il convient de réparer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2016, le centre hospitalier de Bergerac, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

Par une ordonnance du 5 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., alors âgée de 44 ans, qui souffrait d'hémorroïdes symptomatiques entrainant des douleurs et des rectorragies, a été admise au centre hospitalier de Bergerac le 15 septembre 2010 pour y subir une hémorroïdectomie pédiculaire. Elle a de nouveau été hospitalisée du 30 septembre au 2 octobre et du 25 au 28 octobre 2010 en raison de douleurs anales. Le 21 décembre 2010, la présence d'une fissure anale postérieure a été constatée et Mme A... a subi une anoplastie le 23 décembre suivant. Se plaignant toujours de douleurs de la région anale, elle a été réopérée au sein de la clinique Bagatelle le 4 mai 2011. Estimant avoir été victime d'un défaut de prise en charge par le centre hospitalier de Bergerac, Mme A...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Aquitaine (CRCI) en mars 2011. Après avoir ordonné une expertise, la commission s'est déclarée incompétente par décision du 28 février 2012, dès lors que le seuil de gravité nécessaire n'était pas atteint. M. A..., agissant en sa qualité de tuteur de Mme D...A..., relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme A...tendant à la condamnation du centre hospitalier de Bergerac à lui verser la somme de 32 000 euros en réparation des préjudices subis.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut de produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport des experts désignés par la CRCI, que l'intervention subie par Mme A...le 15 septembre 2010 s'est compliquée d'une fissure anale, qui a rendu nécessaire deux interventions supplémentaires et quatre séjours hospitaliers. Selon les experts, cette fissure secondaire est une complication connue de l'hémorroïdectomie qui se produit chez 12 % des patients, due à un retard de cicatrisation, sans pour autant que cette complication soit la conséquence d'un non respect des règles de l'art. Ils ont estimé que l'ensemble des soins, investigations et actes annexes effectués au sein du centre hospitalier de Bergerac avaient été conduits conformément aux règles de l'art et aux connaissances de la science médicale au moment des faits. Cependant, la requérante se plaint également d'avoir été victime d'un défaut de prise en charge et de diagnostic des douleurs persistantes ressenties postérieurement à l'intervention du 15 septembre 2010 qui pourrait mettre en évidence un retard fautif de diagnostic. L'état de l'instruction ne permettant pas de trancher définitivement une telle question, il y a lieu d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après.

4. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispense. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " Aux termes de l'article R. 4127-35 du même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. (...) " En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence ;

5. M. A...soutient qu'aucune information n'a été délivrée à Mme A...quant aux conséquences et risques de l'intervention chirurgicale subie le 15 septembre 2010. Si le centre hospitalier de Bergerac soutient qu'un formulaire du " consentement éclairé à la réalisation d'un acte de soins " a été remis à l'intéressée le 7 septembre 2010, il ne l'établit pas. Si l'intéressée a pu produire, devant le tribunal administratif de Bordeaux, un tel formulaire non signé, le centre hospitalier reconnaît que ce dernier était classé dans son dossier médical dont Mme A...a demandé copie au début de l'année 2011. Si l'expert relève que Mme A...a reçu une information adaptée avant la réalisation de la première opération, aucun élément ne permet d'établir cette affirmation. Dans ces conditions, M.A..., agissant pour le compte de son épouse, est fondé à soutenir que le centre hospitalier de Bergerac a méconnu son droit à l'information en violation des dispositions prévues à l'article L. 1111-2 précité du code de la santé publique. Le défaut d'information imputable au centre hospitalier universitaire de Bergerac a causé à Mme A...une perte de chance de se soustraire au risque lié à l'hémorroïdectomie pédiculaire dont l'indication était pertinente du fait des douleurs dont souffrait la patiente mais qui n'était pas impérieusement requise. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à la fréquence du risque qui s'est réalisé, il y a lieu de fixer à 20 % cette perte de chance.

Sur les préjudices :

6. L'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer avec précision l'étendue des préjudices subis par MmeA..., il y a lieu de procéder à une expertise également sur ce point, aux fins précisées ci-après.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Bergerac est déclaré responsable des conséquences dommageables de l'opération du 15 septembre 2010 à hauteur de 20 %, à raison d'un défaut d'information.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de M.A..., agissant en qualité de tuteur de son épouse Mme D...A..., il sera procédé en présence de MmeA..., du centre hospitalier de Bergerac et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne, à une expertise avec mission pour l'expert :

- d'examiner Mme A...et de prendre connaissance de son dossier médical ;

- de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur le point de savoir si l'intervention du 15 septembre 2010 et la prise en charge médicale postérieurement à cette intervention ont été réalisées conformément aux données acquises de la science médicale et, en particulier, de donner son avis sur la question de savoir si Mme A...a été ou non victime d'un retard de diagnostic de la fissure anale ;

- de donner, en fonction de la date de consolidation à retenir pour chaque évènement, tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices de Mme A...s'y rapportant, en particulier la durée de l'incapacité temporaire totale et le taux de l'incapacité permanente partielle, ainsi que tous les éléments permettant d'évaluer les autres postes de préjudice tels que les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice subi du fait des souffrances endurées, en prenant soin de détailler les préjudices qui seraient uniquement imputables à un éventuel retard de diagnostic ;

- de donner, plus généralement, toute indication utile à la détermination des différents éléments du préjudice subi par MmeA....

Article 3 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du même code, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressée.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Après avoir prêté serment, il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M.A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne et au centre hospitalier de Bergerac.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2017.

Le rapporteur,

Philippe DelvolvéLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Vanessa Beuzelin

2

No 15BX02949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02949
Date de la décision : 13/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-01 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Recours à l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MERLET-BONNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-13;15bx02949 ?
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