Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...a demandé, dans l'instance 1300039, au tribunal administratif de Guadeloupe d'annuler l'arrêté en date du 11 décembre 2012 par lequel le président du conseil régional de Guadeloupe lui a infligé une sanction disciplinaire correspondant à une révocation à compter du 1er février 2013 et l'a radiée des effectifs de la collectivité à la même date.
La région Guadeloupe a demandé, dans l'instance 1301099, à ce même tribunal d'annuler l'avis en date du 30 avril 2013 par lequel le conseil de discipline de recours a rendu un avis en faveur d'une sanction du troisième groupe consistant en une exclusion temporaire de fonctions de deux ans à compter du 1er février 2013 à l'encontre de MmeA....
Par un jugement n°1300039-1301099 en date du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Guadeloupe a annulé l'avis du conseil de discipline de recours en date du 30 avril 2013 et rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2012.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, enregistrée le 22 mai 2015, et un mémoire ampliatif enregistré le 18 novembre 2015, MmeA..., représentée par la selarl Judexis, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Guadeloupe ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 11 décembre 2012 par lequel le président du conseil régional de Guadeloupe lui a infligé une sanction disciplinaire correspondant à une révocation à compter du 1er février 2013 et l'a radiée des effectifs de la collectivité à la même date ;
3°) d'enjoindre au président de la région Guadeloupe de la réintégrer dans son poste initial ;
4°) de rejeter toute demande de la région ;
5°) de mettre à la charge de la région Guadeloupe la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- certains éléments ont été omis par le tribunal dès lors qu'elle a été relaxée des faits d'escroquerie par jugement du tribunal correctionnel de Basse-Terre pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2008 ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle fait l'objet d'un acharnement judiciaire ;
- le conseil de discipline de recours était régulièrement composé, contrairement à ce qu'a soutenu la région devant le tribunal ;
- l'avis du conseil de discipline de recours n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il a relevé un certain nombre d'incertitudes qui ne permettent pas de lui imputer l'entière responsabilité des faits que la région lui a imputés ;
- la région n'a pas mis en place de contrôle interne suffisant pour faire cesser les dysfonctionnements dans la gestion des tickets restaurant ;
- la région a inventé de toute pièce une polémique relative aux diplômes qu'elle a obtenus ;
- elle a exercé ses fonctions pendant seize ans sans qu'aucun reproche ni avertissement ne lui soit adressé ;
- elle a fait l'objet d'une mise à disposition pendant quatre ans et deux mois alors que les textes ne permettaient pas une mise à disposition supérieure à trois ans ;
- la période des faits qui lui sont reprochés est imprécise ; la sanction est très éloignée des faits supposés commis ; il n'est fait état que de présomptions graves de détournement sans aucune certitude pour des faits censés justifier une décision de révocation ;
- la preuve de la matérialité des faits n'est pas rapportée alors que les services informatiques et de la paye interviennent également dans le processus d'émission des tickets restaurant ;
- certaines factures de tickets restaurant ont fait l'objet d'un règlement alors qu'elles ne comportaient pas de tampon permettant de valider qu'elles correspondaient à un service fait ;
- la sanction est disproportionnée au regard des faits commis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2017, la région Guadeloupe, représentée par MeB..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de Mme A...de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 23 janvier 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., représentant la région Guadeloupe.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., attachée territoriale, a été recrutée le 1er juin 1996 par la région Guadeloupe et a exercé ses fonctions au sein de la direction des ressources humaines jusqu'au
1er décembre 2008, date à laquelle elle a été mise à disposition du syndicat mixte des routes de Guadeloupe. A l'occasion d'un contrôle réalisé en 2011, des irrégularités importantes ont été mises en évidence dans les commandes et réceptions de tickets restaurant au sein de la direction des ressources humaines pour la période de 2003 à 2008. Par un avis en date du 23 octobre 2012 le conseil de discipline s'est prononcé en faveur de la révocation de Mme A.... Par décision du 11 décembre 2012, le président du conseil régional a prononcé la révocation de Mme A...et sa radiation des cadres à compter du 1er février 2013. Par un avis du 30 avril 2013, le conseil de discipline de recours s'est prononcé en faveur d'une sanction du 3ème groupe correspondant à une exclusion temporaire de fonctions de 2 ans à compter du 1er février 2013. Mme A...relève appel du jugement en date du 26 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Guadeloupe a annulé l'avis du conseil de discipline de recours en date du 30 avril 2013 et rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2012.
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".
Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : [...] Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ". Aux termes de l'article 91 de la même loi : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. / L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées.
4. Pour annuler l'avis de la commission de discipline de recours du 30 avril 2013 et rejeter les conclusions de Mme A...dirigées contre la décision du 11 décembre 2012, le tribunal administratif de Guadeloupe a retenu qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a participé de 2003 à 2008 à la mise en place d'une gestion frauduleuse des tickets restaurant de la collectivité en réalisant leur commande pour des personnes non bénéficiaires, notamment en congé longue maladie, et en les utilisant pour son propre compte, qu'il résulte des investigations menées par les services de gendarmerie que Mme A...reconnait la matérialité des faits d'escroquerie pour lesquels elle est poursuivie durant la période de 2003 à 2006, qu'elle a initié sa collègue à la gestion frauduleuse qu'elle avait mise en place, que, pour les années 2006 à 2008, elle a continué à assurer ponctuellement la gestion des tickets restaurants, qu'elle ne pouvait ignorer leurs détournements et que, en tout état de cause, elle en avait bénéficié, que les faits reprochés constituent une utilisation frauduleuse des moyens du service pour la recherche d'un enrichissement personnel, constitutifs d'une faute justifiant une sanction disciplinaire et qu'eu égard à la gravité des faits, contraires à la probité, au niveau de responsabilités de Mme A..., à son implication en tant qu'instigatrice du système de fraude, et compte tenu du montant des détournements, supérieur à 100 000 euros, de nature à porter gravement préjudice à la collectivité, la sanction d'exclusion temporaire de fonction durant deux années, proposée par le conseil de discipline de recours lors de sa séance du 30 avril 2013, était disproportionnée à la gravité des fautes commises.
5. Pour remettre en cause une telle appréciation, Mme A...se borne à reprendre en appel les mêmes moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits et du caractère disproportionnée de la radiation des cadres, reposant sur les mêmes faits que ceux avancés en première instance. Cependant, ainsi que le fait valoir la région en défense, la cour d'appel de Basse-Terre, dans un arrêt du 3 mai 2016, tout en confirmant la prescription des faits d'escroquerie commis du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2009 au titre de l'action pénale, a néanmoins retenu, pour l'ensemble de la période en litige, que Mme A...a reconnu les faits tenant en ce qu'elle et une autre de ses collègues étaient en charge, à la fois de la gestion totale des tickets restaurant et de la gestion des absences (congé de maladie, de longue maladie, maternité à l'exception des congés ordinaires), que le gestionnaire passait commande pour un nombre d'agents supérieur aux ayants droit en ne désactivant pas sur le logiciel les agents en congé de longue maladie, maladie ou maternité, non bénéficiaires, qu'à réception des tickets, avant toute distribution, il subtilisait les carnets en surplus, établissait en parallèle une nouvelle liste d'agents bénéficiaires en supprimant le nom des agents pour lesquels des tickets avaient été commandés à tort, cette liste étant ensuite transmise au service de paie pour règlement, accompagnée de la facture de la société Edenred, les bordereaux d'envoi et de distribution de tickets établis par cette société et sur lesquels figure le nom des bénéficiaires étant détruits. Si Mme A...soutient que ces faits sont insuffisamment précis pour permettre de connaître son exacte implication, année après année, dans la survenance des écarts de comptabilité entre les tickets restaurant commandés par les agents et ceux payés par la collectivité, une telle circonstance est sans incidence sur la matérialité des faits ayant conduit à l'édiction de la sanction en litige dès lors que Mme A...a, au cours de l'enquête pénale ayant conduit à la reconnaissance de sa culpabilité, reconnu leur véracité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu les faits pour établis.
6. Mme A...soutient que les faits qui lui sont reprochés ont été rendus possibles par un manque de contrôle interne à la région, tant au niveau du service informatique qu'au niveau du service des traitements et salaires. Cependant, une telle circonstance n'est pas de nature à exonérer l'intéressée de sa responsabilité eu égard à leur gravité.
7. La circonstance que Mme A...a été relaxée pour les faits prescrits d'escroquerie pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2008 et qu'elle aurait fait l'objet d'un " acharnement judiciaire " est par elle-même sans incidence sur la légalité de l'avis en litige, eu égard à l'indépendance des procédures pénale et disciplinaire.
8. Si Mme A...soutient que le conseil de discipline de recours était régulièrement composé, une telle circonstance demeure sans incidence dès lors que le tribunal ne s'est pas fondé sur le moyen invoqué par la région en première instance tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline de recours pour annuler l'avis contesté.
9. La circonstance que la région aurait inventé de toute pièce une polémique relative aux diplômes qu'elle soutenait détenir lors de son recrutement et qu'elle aurait fait l'objet d'une mise à disposition pendant quatre ans et deux mois alors que les textes ne permettaient pas une mise à disposition supérieure à trois ans demeure également sans incidence dès lors qu'elles ne constituent nullement les motifs des décisions en litige.
10. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, aucun texte ni aucun principe général du droit n'enferme dans un délai déterminé à la date de la décision attaquée, l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire. Dans ces conditions, c'est à bon droit qu'ils ont écarté le moyen tiré de ce que l'administration aurait engagé tardivement la procédure disciplinaire eu égard à l'ancienneté des faits reprochés, en méconnaissance du délai raisonnable qui s'imposerait à elle.
11. Dans ces circonstances, et quand bien même Mme A...aurait exercé ses fonctions pendant seize ans sans qu'aucun reproche ni avertissement ne lui soit adressé, la révocation prononcée en décembre 2012 n'était pas disproportionnée aux faits en litige.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guadeloupe a annulé l'avis du conseil de discipline de recours en date du 30 avril 2013 et rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2012.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Guadeloupe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la région Guadeloupe et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme A...est rejetée.
Article 2 : Mme A...versera à la région Guadeloupe une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et à la région Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2017.
Le rapporteur,
Philippe DelvolvéLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme,
Le greffier
Vanessa Beuzelin
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No 15BX01734