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27/04/2017 | FRANCE | N°16BX00707

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 27 avril 2017, 16BX00707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association agréée Vive la Forêt a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 août 2013 par lequel le préfet de la Gironde a délivré à la société Eoles-Res une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement pour l'aménagement d'une centrale photovoltaïque à Hourtin.

Par un jugement n° 1400662 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des m

émoires enregistré le 18 février 2016, le 10 mai 2016 et le 8 novembre 2016, l'association Vive la Fo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association agréée Vive la Forêt a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 août 2013 par lequel le préfet de la Gironde a délivré à la société Eoles-Res une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement pour l'aménagement d'une centrale photovoltaïque à Hourtin.

Par un jugement n° 1400662 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistré le 18 février 2016, le 10 mai 2016 et le 8 novembre 2016, l'association Vive la Forêt, représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 décembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 août 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'étude d'incidences jointe à la demande d'autorisation n'examinait pas la compatibilité du projet avec le SDAGE en méconnaissance du c) de l'article R. 214-6 du code de l'environnement ; ainsi, les rubriques du SDAGE concernées par le projet n'y sont pas visées, en particulier les mesures B 38 et C 46 qui prévoient que, pour les aménagements ayant une incidence significative sur les zones humides, l'autorité administrative veille à apprécier l'impossibilité de solution alternative plus favorable à l'environnement à un coût raisonnable et intégrant des paramètres marchands et non marchands et prévoit aussi des mesures compensatoires ;

- or le dossier de demande ne démontre pas que des solutions alternatives auraient été recherchées et les mesures compensatoires n'y sont pas encore définies ;

- la réalisation du projet provoquera l'assèchement de 65 ha de zones humides sans que le dossier de demande définisse précisément les mesures compensatoires de ces effets ; ainsi, le parcellaire concerné par ces mesures de compensation, le coût et la faisabilité de ces dernières ainsi que le contenu du protocole de gestion des espaces ne sont nullement définis dans le dossier de demande ; la mise en oeuvre des mesures de compensation postérieurement à la délivrance de l'autorisation n'a pas été justifiée ;

- l'étude du milieu naturel est insuffisante dans la mesure où le dossier de demande ne fait pas état du Vison d'Europe et de la Loutre, espèces protégées ;

- le projet autorisé méconnait l'article L. 211-1 du code de l'environnement et n'est pas compatible avec le nouveau SDAGE Adour/Garonne établi pour la période 2016/2021 ; ainsi, le principe de gestion équilibrée de la ressource en eau, repris dans l'orientation D du schéma, et qui implique notamment la préservation des zones humides, n'a pas été respecté ;

- de même, les mesures D 27 et D 40 du SDAGE, relatives à la préservation des zones humides et à la définition de mesures compensant les atteintes qui leur sont portées ne sont pas respectées ; en effet, le SDAGE impose qu'aucun financement public ne soit accordé pour des projets entraînant une destruction des zones humides ;

- les mesures de gestion conservatoire ne sont pas des mesures compensatoires car elles n'apportent aucun gain écologique au milieu dans lequel elles sont mises en oeuvre ;

- les mesures de restauration et de suivi des milieux ne sont pas définies contrairement aux exigences du SDAGE ;

- la mesure D 44 du SDAGE n'est pas non plus respectée dans la mesure où elle vise à assurer la préservation des habitats fréquentés par des espèces remarquables menacées ;

- il n'existe pas de mesure compensant la perte de 65 ha de zones humides du fait de la réalisation du projet alors que la mesure D 40 du SDAGE prévoit que la compensation doit s'effectuer à hauteur de 150 % de la surface perdue, localisée en priorité dans le bassin versant de la masse d'eau impactée ; or le pétitionnaire et le préfet ont renvoyé à des études ultérieures la définition de ces mesures.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 avril 2016 et le 1er septembre 2016, la société Eole-Res, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association requérante le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au document d'incidence de faire mention des rubriques contenues dans le SDAGE ; le document fourni rappelle les objectifs fondamentaux de ce document susceptible de concerner le projet ; ensuite, ce document établit la compatibilité du projet avec le SDAGE et notamment son orientation B 38 ; les raisons pour lesquelles la zone d'implantation du projet a été choisie dont indiquées dans l'étude d'impact et le pétitionnaire n'était pas tenu d'indiquer avec précision chaque parcelle destinée à la mise en oeuvre des mesures compensatoires ;

- le document d'incidences mentionne expressément la présence des zones humides, étudie le contexte climatique, topographique, hydrographique du site et des indications sur les impacts éventuels du projet et la justification de celui-ci avec les objectifs du SDAGE ;

- l'étude d'impact indique la présence des deux espèces protégées et menacées, contrairement à ce que soutient l'association requérante ; elle contient aussi l'exposé d'une méthodologie mesurant les effets du projet sur l'environnement ;

- contrairement à ce que soutient la requérante, les mesures compensatoires aux effets du projet sur les zones humides ont été définies dans le dossier de demande ; la nature et la compensation et la superficie concernée par sa mise en oeuvre y sont indiqués ;

- ces mesures ont été discutées et mises en oeuvre ainsi que l'établit l'arrêté préfectoral du 6 juin 2016 ;

- le projet assure bien la préservation des zones humides dès lors que l'infiltration des eaux pluviales demeure assurée par le réseau hydrographique existant, qu'une bande-tampon de cinq mètres de large est réservée de part et d'autre des crastes afin de les préserver et que les effets du projet sur la nappe d'eau sont faibles en raison de l'absence de terrassements majeurs et de fondations dans le sol ; l'association requérante ne démontre pas que ces mesures sont insuffisantes ;

- compte tenu de la nature des mesures compensatoires prévues, qui prévoient notamment la reconstitution d'une zone humide sur une surface représentant 200 % de la zone détruite, l'orientation D 40 du SDAGE, vis-à-vis de laquelle le projet est tenu à un simple rapport de compatibilité, a été respectée ;

- le projet ne comporte aucun risque de destruction du Vison d'Europe et ne méconnait donc pas l'orientation D 44 du SDAGE.

Par un mémoire enregistré le 31 août 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le tribunal a suffisamment motivé son jugement de rejet ;

- dans son dossier, le pétitionnaire a justifié de l'impossibilité de solutions alternatives, plus favorables à l'environnement et à un coût raisonnable, au projet retenu ;

- le document d'incidences justifie aussi de la compatibilité du projet avec les orientations du SDAGE dès lors qu'il rappelle les objectifs principaux de ce document et qu'il les confronte avec les impacts prévisibles du projet ;

- l'association ne peut utilement invoquer la mesure C 46 du SDAGE dès lors que le projet contesté n'a pas été déclaré d'utilité publique ;

- la mesure D 40 du SDAGE, relative au contenu du dossier de demande d'autorisation, ne peut être utilement invoqué car elle n'a pas vocation à fixer des règles de procédure ; et le projet n'a aucune incidence sur le site Natura 2000 " Dunes du littoral girondin " ;

- la nature des mesures compensatoires prévues, à savoir la restauration de zones humides, a été définie avec précision par le pétitionnaire de même que les surfaces sur lesquelles elles seront mises en oeuvre ;

- l'étude d'impact indique la présence des deux espèces protégées et menacées, contrairement à ce que soutient l'association requérante ; elle contient aussi l'exposé d'une méthodologie mesurant les effets du projet sur l'environnement ;

- l'article 3 de l'arrêté d'autorisation impose au pétitionnaire de restaurer au minimum 100 ha de zones humides en bordure du lac de Carcans-Hourtin et cette prescription est compatible avec la mesure D 40 du SDAGE ;

- la pétitionnaire a identifié les espèces protégées et a démontré que la mise en oeuvre du projet n'aura aucune incidences négatives sur ces dernières, conformément aux mesures D 44 et D 45 du SDAGE.

Par ordonnance du 14 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant de la société Eoles-Res et de M. Point, président de l'association agrée Vive la Forêt.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du projet d'installation d'une centrale photovoltaïque sur le territoire de la commune de Hourtin, porté par la société Eoles-Res, le préfet de la Gironde a pris, le 7 août 2013, un arrêté autorisant cette dernière, sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, à rejeter les eaux pluviales, captées sur une superficie de 73 hectares, dans la craste Matouse et la craste de Peybourdieu et à assécher 65 hectares de zones humides. L'association Vive la Forêt a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande d'annulation de l'arrêté du 7 août 2013. Elle relève appel du jugement rendu le 17 décembre 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 7 août 2013 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article R. 214-6 du code de l'environnement : " I. - Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. II. - Cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : (...) 4° Un document : a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; (...) c) Justifiant, le cas échéant, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (...); d) Précisant s'il y a lieu les mesures correctives ou compensatoires envisagées. Lorsqu'une étude d'impact est exigée en application des articles R. 122-2 et R. 122-3, elle est jointe à ce document, qu'elle remplace si elle contient les informations demandées, et est accompagnée de l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " (...) II. - L'étude d'impact présente : (...) 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire (...) pour : (...) ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes (...) ".

S'agissant de la justification de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Adour/Garonne :

3. Il appartient au juge du plein contentieux de la police de l'eau d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation, parmi lesquelles figurent celles relatives au contenu du dossier de demande d'autorisation, au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation.

4. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'incidences ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

5. En premier lieu, le document d'incidences établi par le pétitionnaire, en application des dispositions précitées de l'article R. 214-6 du code de l'environnement, comporte (p. 65) un tableau rappelant les orientations fondamentales du SDAGE Adour/Garonne, en particulier celle tenant à la préservation et à la restauration des milieux humides. Un tel rappel est suffisant alors même que le document ne renvoie pas expressément aux articles du schéma énonçant les orientations en cause. Celles-ci ont ensuite été mises en rapport avec les effets du projet sur son environnement et avec les mesures destinées à compenser les atteintes portées à celui-ci, notamment aux zones humides existantes. A cet égard, le document d'incidence précise (p. 64 et 73) que la mise en oeuvre du projet aura un impact sur 65 hectares de zones humides, lequel doit être compensé par la restauration d'une nouvelle zone humide d'une superficie supérieure à 100 hectares. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le contenu du document d'incidences ne répond pas aux exigences du c) du 4° du I, précité, de l'article R. 214-6 du code de l'environnement doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la mesure B 38 du SDAGE 2010/2015, en vigueur à la date de l'arrêté contesté, et en vertu de laquelle l'autorité administrative apprécie l'impossibilité de solutions alternatives plus favorables à l'environnement à un coût raisonnable s'impose à l'administration, dans le cadre de l'instruction de la demande, et non au pétitionnaire qui n'était donc pas tenu de justifier, dans son dossier, de la compatibilité du projet avec cette exigence. Par ailleurs, il est constant que l'opération projetée par la société Eoles-Res répond à un appel à projet lancé par la commune de Hourtin et la communauté de communes des Lacs Médocains qui ont sélectionné à cette fin une zone à vocation sylvicole non urbanisable. Il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que l'administration aurait omis, à l'occasion de ce choix, d'apprécier une solution alternative plus favorable à l'environnement à un coût raisonnable alors que, comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, l'opération projetée contribue par elle-même à la protection de l'environnement dès lors qu'elle prévoit l'installation d'une unité de production d'énergie renouvelable.

7. En troisième lieu, le pétitionnaire n'était pas tenu de justifier de la compatibilité de son projet au regard de la mesure C 46 du SDAGE 2010/2015, laquelle permet de déclarer d'utilité publique les projets privilégiant les solutions les plus respectueuses pour l'environnement, dès lors que l'opération en litige n'est pas soumise à l'obligation de solliciter une telle déclaration.

8. En quatrième et dernier lieu, il résulte du principe rappelé au point 3 du présent arrêt, qu'il appartient à la cour d'apprécier la régularité de la composition du dossier de demande au regard des règles de procédure fixées par le SDAGE 2010/2015, adopté le 1er décembre 2009 et en vigueur le 7 août 2013, date de l'arrêté préfectoral contesté.

9. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de la mesure D 40, en tant qu'elle impose au pétitionnaire de préciser l'existence de solutions alternatives à un coût raisonnable, ne peut utilement être invoqué dès lors qu'elle résulte du SDAGE 2016/2021 qui n'était pas en vigueur au 7 août 2013, date de l'arrêté.

S'agissant de la définition de mesures compensatoires et des dépenses correspondantes :

10. Comme dit précédemment, le document d'incidences indique (p. 64) qu'en vue de compenser les impacts négatifs entraînés par la réalisation du projet sur 65 hectares de zones humides, le maître de l'ouvrage prévoit la reconstitution et la gestion d'une nouvelle zone humide d'une superficie supérieure à 100 hectares. Ce document précise également (p. 73) que la compensation de l'emprise sur les zones humides " sera localisée au même endroit que pour la compensation écologique puisqu'il s'agit de restaurer des landes humides ". Ces informations sont reprises et confirmées dans l'étude d'impact où il est indiqué (p.180) que le pétitionnaire s'engage à restaurer des biotopes patrimoniaux pour compenser l'atteinte aux zones humides existantes. Dès lors que le dossier de demande indique ainsi la nature et la superficie de la zone devant être créée à titre de mesure compensatoire, il ne saurait être regardé comme entaché d'insuffisance du seul fait que l'emplacement exact de ladite zone n'y est pas précisé.

11. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au pétitionnaire d'indiquer en détail, au stade de la demande, la faisabilité des mesures compensatoires sur les plans fonciers, techniques et financiers et les modalités de leur mise en oeuvre. Par suite, le dossier de demande n'est pas entaché d'insuffisances sur ce point. Au demeurant, l'article 3 de l'arrêté du 7 août 2013 contesté organise la mise en oeuvre des mesures compensatoires en imposant au pétitionnaire d'adresser à l'administration, avant le 31 décembre 2013, les conventions de restauration et les protocoles de gestion des espaces à soumettre pour avis à un comité technique. Quant à la circonstance que la société Eoles Res n'aurait pas respecté ce délai, elle est sans incidence sur la régularité de l'arrêté du 7 août 2013 en litige.

12. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au pétitionnaire d'organiser avec les collectivités territoriales concernées par son projet, dès le stade de l'élaboration de son dossier, une concertation portant sur la définition et la mise en oeuvre des mesures compensatoires.

13. Enfin, l'étude d'impact renvoie (p. 188), en ce qui concerne le coût de la restauration des zones humides, aux informations contenues dans le dossier CNPN (Conseil National d'Espèces Protégées). Par suite, le dossier de demande n'est pas insuffisant sur ce point.

S'agissant de l'étude du milieu naturel :

14. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.-L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments (...) ".

15. L'étude d'impact mentionne (p. 73) que la présence de la Loutre et du Vison d'Europe, espèces protégées, a été identifiée au niveau du bassin versant de la Berle de Lupian à environ 5 kilomètres au sud de l'aire d'étude. Elle indique que ces espèces affectionnent plutôt les zones de deltas à la confluence entre les berles ou crastes et l'étang d'Hourtin et en conclut que leur présence sur le site du projet est " peu probable ". S'il est cependant vrai que les crastes Matouse et Pey Bourdieu, qui constituent les axes principaux du réseau hydrographique local servant de corridor écologique à ces espèces, traversent le site de l'opération projetée, il n'en demeure pas moins que l'étude d'impact prévoit de conserver en l'état lesdites crastes et de protéger leur lit mineur par l'institution d'une bande tampon de 5 mètres, conformément aux préconisations émises par l'ONEMA dans son avis du 13 février 2013. Ainsi, à supposer que les deux espèces protégées en cause soient présentes sur le site de l'opération projetée, il n'est pas établi, au regard des mesures prises, qu'elles seraient impactées défavorablement par le projet. Par suite, l'étude d'impact n'est pas entachée d'insuffisance dans l'analyse des effets éventuels du projet sur le Vison d'Europe et la Loutre.

En ce qui concerne la légalité interne :

16. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° (...) la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1-1 du même code : " La préservation et la gestion durable des zones humides définies à l'article L. 211-1 sont d'intérêt général. Les politiques nationales, régionales et locales d'aménagement des territoires ruraux et l'attribution des aides publiques tiennent compte des difficultés particulières de conservation, d'exploitation et de gestion durable des zones humides et de leur contribution aux politiques de préservation de la diversité biologique, du paysage, de gestion des ressources en eau (...)". Aux termes de l'article L. 214-3 dudit code : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles (...) de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, (...) de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident sont fixés par l'arrêté (...) ".

17. Aux termes de l'article L. 212-1 IV du code de l'environnement : " IV.-Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : (...) 4° A la prévention de la détérioration de la qualité des eaux (...) (...) XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux.". Aux termes de l'article R. 122-14 du même code : " I. -La décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution du projet mentionne : 1° Les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage, destinées à éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine, réduire les effets n'ayant pu être évités et, lorsque cela est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits ; (...) II. -Les mesures compensatoires ont pour objet d'apporter une contrepartie aux effets négatifs notables, directs ou indirects, du projet qui n'ont pu être évités ou suffisamment réduits. Elles sont mises en oeuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité de celui-ci afin de garantir sa fonctionnalité de manière pérenne. Elles doivent permettre de conserver globalement et, si possible, d'améliorer la qualité environnementale des milieux. ".

18. En vertu des dispositions combinées des articles L. 214-10 et L. 514-6 du même code, les décisions prises dans le domaine de l'eau en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 relèvent du contentieux de pleine juridiction. Ainsi, il appartient à la cour d'apprécier la compatibilité de l'arrêté en litige du 7 août 2013 avec les orientations et mesures de fond posées par le SDAGE Adour/Garonne 2016/2021 adopté le 1er décembre 2015.

S'agissant de la compatibilité de l'arrêté du 7 août 2013 avec les mesures D 27 et D 40 du SDAGE Adour/Garonne 2016/2021 :

19. La préservation et la restauration des zones humides et de la biodiversité liée à l'eau figure au nombre des orientations du SDAGE Adour /Garonne. En particulier, la mesure D 27 de ce document prévoit que : " (...) L'opération ne peut être autorisée (...) que (...) si les mesures compensatoires (ou autres), adaptées à l'enjeu identifié, visent à réduire de manière satisfaisante son impact sur l'état écologique de ces milieux. Dans ce cas, l'autorité administrative prescrit au maître de l'ouvrage des dispositifs de suivi des travaux et d'évaluation de l'efficacité des prescriptions et des mesures compensatoires (article L. 214-1-I du code de l'environnement) en tenant compte de l'importance des projets et de la sensibilité des milieux. ". Par ailleurs, aux termes de la mesure D 40 du SDAGE : " (...) aucun financement public n'est accordé pour des opérations qui entraîneraient, directement ou indirectement, une atteinte ou une destruction des zones humides, notamment le drainage. Seuls peuvent être aidés financièrement des projets déclarés d'utilité publique dans la mesure où il a été démontré qu'une solution alternative plus favorable au maintien des zones humides est impossible. Tout porteur de projet doit, en priorité, rechercher à éviter la destruction, même partielle, ou l'altération des fonctionnalités et de la biodiversité des zones humides en recherchant des solutions alternatives à un coût raisonnable. Lorsque le projet conduit malgré tout aux impacts ci-dessus, le porteur de projet, au travers du dossier d'incidence : (...) justifie qu'il n'a pu, pour des raisons techniques et économiques, s'implanter en dehors des zones humides ou réduire l'impact de son projet (...) prévoit des mesures compensatoires aux impacts résiduels. Ces mesures sont proportionnées aux atteintes portées aux milieux et font l'objet d'un suivi défini par les autorisations. Les mesures compensatoires doivent correspondre à une contribution équivalente, en termes de biodiversité et de fonctionnalités, à la zone humide détruite (...) ".

20. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le projet de création d'une centrale photovoltaïque porté par la société Eoles Res, s'il répond à un appel à projets lancé par la commune d'Hourtin et la communauté de communes des Lacs Médocains, ne bénéficie d'aucun financement public direct et que sa mise en oeuvre ne nécessite pas une déclaration d'utilité publique préalable. Par suite, l'association requérante ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de la mesure D 40 du SDAGE à l'appui de sa contestation de l'arrêté du 7 août 2013.

21. En deuxième lieu, l'association requérante soutient que, dans la mesure où les mesures compensatoires n'étaient pas encore définies dans le dossier de demande, l'arrêté d'autorisation du 7 août 2013 ne pouvait être délivré au regard de la mesure D 40 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Adour/Garonne 2016/2021 qui prévoit la réalisation de mesures compensatoires à la destruction d'une zone humide. Toutefois, comme dit au point 5 du présent arrêt, l'engagement du pétitionnaire, formulé dans sa demande, de compenser la destruction de 65 hectares de zones humides par la reconstitution d'une nouvelle zone de 140 hectares était énoncé de manière suffisamment précise quand bien même les modalités de réalisation de cette mesure compensatoire n'était pas encore formulées en détail au stade de l'instruction de la demande. Ces modalités ont, en revanche, été définies à l'article 3 de l'arrêté en litige qui impose à la société Eoles Res de restaurer au minimum 100 hectares de zones humides en bordure du lac de Carcans-Hourtin et en particulier dans les marais de Lupian et de Garroueyre. Ce site a été identifié comme nécessitant une action prioritaire après une visite sur place effectuée conjointement par les services de l'Etat et du syndicat intercommunal d'aménagement des Eaux du Bassin Versant des Etangs du Littoral Girondin (SIAEBVELG). De plus, l'arrêté d'autorisation précise que la localisation définitive des terrains retenus pour la reconstitution des zones humides devra être définie avant le 31 décembre 2013 et qu'à cette même date, les conventions de mise en oeuvre des mesures compensatoires devront être adressées à l'administration puis soumises pour avis à un comité technique composé des services de l'Etat et d'établissements publics. Parallèlement à ces mesures compensatoires, la société pétitionnaire s'est également engagée, dans sa demande, à préserver 40 hectares de landes situées dans l'aire d'études en les soumettant à une gestion conservatoire destinée à préserver les habitats existants et leurs espèces inféodés.

22. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le réseau hydrographique de la zone impactée par le projet, constitué essentiellement des crastes de Pey Bourdieu et de Matouse, est conservé en l'état et qu'en outre, une " bande tampon " de 5 mètres de large est prévue de part et d'autre des crastes afin d'en préserver le lit mineur. L'association requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'en dépit de ces mesures, la mise en oeuvre de l'arrêté d'autorisation aurait un impact défavorable sur l'état ou la conservation des crastes et donc de la ressource en eau. Par ailleurs, et ainsi qu'il a déjà été dit, l'article 3 de l'arrêté du 7 août 2013 impose à la société Eoles-Res de compenser l'atteinte que porte l'opération projetée aux zones humides existantes par la création d'une nouvelle zone humide d'une superficie sensiblement supérieure. De plus, l'article 3 de l'arrêté du 7 août 2013 impose au pétitionnaire de fournir à l'administration tous les trois ans un rapport de suivi écologique des zones humides pendant la durée de validité des conventions de restauration des espaces, fixée à 25 ans. Enfin, il résulte de l'instruction qu'une convention de mise en oeuvre de mesures compensatoires a été conclue le 29 juin 2016 entre la société Eoles-Res, la commune de Hourtin et le SIAEBVELG aux termes de laquelle 108 hectares de zones humides seront créées et que les travaux correspondants ont commencé.

23. Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces considérations, le projet autorisé par l'arrêté du 7 août 2013 est compatible avec les mesures D 27 et D 40 du SDAGE Adour/Garonne.

S'agissant de la compatibilité de l'arrêté du 7 août 2013 avec les mesures D 44 et D 45 du SDAGE Adour/Garonne :

24. Les mesures D 44 et D 45 du SDAGE prévoient d'assurer la préservation des espèces des milieux aquatiques et humides remarquables menacées et quasi-menacées de disparition du bassin ainsi que la protection de leurs habitats, notamment leurs sites de reproduction. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 15 du présent arrêt, qu'il n'est pas établi que la mise en oeuvre de l'autorisation en litige présenterait un risque de destruction pour le Vison d'Europe et la Loutre. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Vive la Forêt n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'association requérante la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Eoles-Res et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de l'association agréée Vive la Forêt est rejetée.

Article 2 : L'association agréée Vive la Forêt versera à la société Eoles-Res la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association agréée Vive la Forêt, à la société Eole Res. et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 avril 2017.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Didier Péano Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

2

N° 16BX00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00707
Date de la décision : 27/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Eaux - Régime juridique des eaux.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Lutte contre la pollution des eaux (voir : Eaux).


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-04-27;16bx00707 ?
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