Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Eysillan, M. AT...O...K..., M. AG...AH..., M. AR... P..., M. X...AI..., M. Z...AO..., M. AD...Q..., M. L... AA..., M. C...E..., M. A...S..., Mme AB...AK..., M. N...AC..., Mme AJ...AL..., M. D...AM..., M. Y...U..., M. AQ...V..., Mme G...AE..., Mme F...H..., M. R...AN..., M. Y...I..., M. W...J...et M. AP... M...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 22 juin 2012 adoptée par le conseil de la communauté urbaine de Bordeaux en tant qu'elle modifie le périmètre de prise en considération et en tant qu'elle lance une nouvelle procédure de concertation pour l'urbanisation du site de Carès à Eysines.
Par un jugement n°s 1300239 et 1300287 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistré le 5 mai 2015 et le 7 février 2017, l'association Eysillan, M. AT...O...K..., M. AG...AH..., M. A...-R...P..., M. X...AI..., M. Z...AO..., M. AD...Q..., M. L...AA..., M. C... E..., M. A...S..., Mme AB...AK..., M. N...AC..., Mme AJ...AL..., M. Y...U..., M. AQ...V..., Mme F...H..., M. R...AN..., M. Y... I..., M. W...J...et M. AP...M..., représentés par Me AS...puis par MeAF..., ayant désigné la société Eysillan en tant que représentant unique, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 mars 2015 ;
2°) d'annuler la délibération de conseil de la communauté urbaine de Bordeaux du 22 juin 2012 portant modification du périmètre de prise en considération et lancement d'une nouvelle concertation concernant le projet d'aménagement du secteur Carès à Eysines ;
3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Bordeaux la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à faire appel du jugement qui a rejeté leur demande de première instance ; ils ont régularisé leur requête d'appel en précisant dans leurs écritures en réplique leurs domiciles respectifs ; la requête d'appel comporte des moyens critiquant la motivation du jugement et ne se contente pas de reproduire l'argumentation soulevée en première instance ;
- le jugement du tribunal est irrégulier car il n'est pas revêtu des signatures obligatoires ;
- la demande de première instance n'est pas tardive dès lors que la délibération contestée n'a pas fait l'objet des mesures de publicité nécessaires au déclenchement du délai de recours et qu'en tout état de cause, le délai a été prorogé par le recours administratif exercé à son encontre ; l'association a intérêt pour agir car la délibération en litige porte atteinte aux intérêts qu'elle défend en application de ses statuts et le président de l'association a qualité pour agir en justice ; les requérants personnes physiques ont également intérêt à agir car ils sont tous propriétaires de terrains impactés par le projet décrit dans la délibération contestée ;
- la délibération en litige méconnait l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dès lors que la concertation prévue par cet article n'a pas été organisée tout au long de la procédure d'élaboration du projet et notamment avant que le projet de ZAC soit arrêté ; en particulier, la concertation est intervenu alors même que le principe d'aménagement avait été arrêté ;
- les modalités de la concertation définies sont très insuffisantes compte tenu de l'ampleur du projet ;
- la délibération en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car le périmètre de prise en considération qu'elle définit inclut des territoires distincts et morcelés ne pouvant servir de périmètre cohérent pour le projet d'aménagement ;
- la délibération est entachée d'un détournement de pouvoir et d'un détournement de procédure car la communauté urbaine de Bordeaux cherche en réalité à geler l'emprise foncière du projet alors qu'elle aurait dû utiliser l'outil de l'emplacement réservé.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 13 avril 2016 et le 24 février 2017, Bordeaux Métropole, représentée par MeT..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence de signature de la copie du jugement adressée aux parties est sans incidence sur sa régularité ;
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle n'indique pas le domicile des parties et ne comporte aucun moyen d'appel critiquant la solution du tribunal administratif, en méconnaissance des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- l'intérêt pour agir des requérants n'est pas justifié ;
- l'association n'a pas produit ses statuts et ainsi, la qualité pour agir en son nom de son président n'est pas établie ;
- la demande de première instance est également irrecevable dès lors qu'elle a été présentée au-delà du délai de deux mois suivant les mesures de publicité de la délibération du 22 juin 2012 ; et le recours gracieux que les requérants ont exercé à l'encontre de cette délibération n'a pas prorogé le délai de recours contentieux dans la mesure où il a été présenté au-delà de ce délai de deux mois ;
- la procédure de concertation suivie est conforme aux exigences de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dès lors que les modalités définies dans la délibération sont suffisantes ;
- le fait qu'un cabinet d'architectes ait proposé un projet d'aménagement n'implique pas que l'opération projetée était déjà définie avant le début de la concertation ;
- à la date de la décision attaquée, Bordeaux Métropole n'avait pas encore décidé de recourir à la procédure de ZAC, si bien que le moyen tiré de ce que les terrains ne pouvait être inclus dans ladite ZAC est inopérant ;
- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de réaliser un aménagement sur plusieurs territoires distincts ou de recourir à l'outil de l'emplacement réservé pour la mise en oeuvre du projet en litige ;
- le projet présente un intérêt général de sorte que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
Par ordonnance du 7 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant de Bordeaux Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. En 2006, la communauté urbaine de Bordeaux a lancé une réflexion sur l'urbanisation du plateau de Carès, situé sur le territoire de la commune d'Eysines. Le 10 juillet 2009, le conseil de la communauté urbaine de Bordeaux a pris une délibération approuvant le périmètre de prise en considération de ce projet, d'une superficie de 52 hectares, et le lancement d'une procédure de concertation. La mise en oeuvre du projet, sous la forme d'une zone d'aménagement concerté, a fait l'objet d'une nouvelle délibération adoptée le 26 novembre 2010. Toutefois, la communauté urbaine de Bordeaux a entendu renouveler les principaux axes d'aménagement du secteur de Carès, ce qui l'a conduite à abroger ses précédentes décisions des 10 juillet 2009 et 26 novembre 2010 par une nouvelle délibération adoptée le 22 juin 2012. De plus, cette dernière décision a, d'une part, approuvé un nouveau périmètre de prise en considération d'une superficie de 67,5 hectares et, d'autre part, relancé une procédure de concertation. L'association Eysillan, M. O...K..., M.AH..., M.P..., M.AI..., M.AO..., M.Q..., M.AA..., M.E..., M.S..., MmeAK..., M. AC..., MmeAL..., M.AM..., M.U..., M.V..., MmeAE..., MmeH..., M. AN..., M.I..., M. J...et M. M...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 22 juin 2012 adoptée par le conseil de la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole. L'association Eysillan, M. O...K..., M. AH..., M.P..., M.AI..., M.AO..., M.Q..., M.AA..., M.E..., M. S..., MmeAK..., M. AC..., MmeAL..., M.U..., M.V..., MmeH..., M. AN..., M.I..., M. J...et M. M...relèvent appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-10 du même code : " La minute des décisions est conservée au greffe de la juridiction pour chaque affaire, avec la correspondance et les pièces relatives à l'instruction. (...) " La minute du jugement, produite devant la cour, comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience conformément aux dispositions précitées. Par suite, alors même que l'ampliation adressée aux requérants ne comporterait pas ces signatures, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.
Sur la légalité de la délibération du 22 juin 2012 :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la délibération attaquée : " I - (...) l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : (...) c) Toute opération d'aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune et qu'elle n'est pas située dans un secteur qui a déjà fait l'objet de cette délibération au titre du a) ou du b) ci-dessus. Un décret en Conseil d'Etat détermine les caractéristiques des opérations d'aménagement soumises aux obligations du présent alinéa. Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. (...) A l'issue de cette concertation, le maire en présente le bilan devant le conseil municipal qui en délibère. Le dossier définitif du projet est alors arrêté par le conseil municipal et tenu à la disposition du public. (...) "
4. D'une part, il résulte de ces dispositions que la concertation qu'elles prévoient doit se dérouler avant que le projet ne soit arrêté dans sa nature et ses options essentielles et que ne soient pris les actes conduisant à la réalisation effective de l'opération.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'année 2010, la communauté urbaine de Bordeaux a lancé un appel à projets sur le thème " 50 logements nouveaux autour des axes des transports publics ". Dans ce cadre, une équipe d'urbanistes et d'architectes a élaboré une étude sur le traitement des franges et lisières urbaines proposant l'aménagement d'un écoquartier de troisième génération à Eysines. Toutefois, cette étude comportait seulement des propositions d'aménagement ayant nourri la réflexion de la communauté urbaine de Bordeaux et non un programme qui aurait été arrêté dans ses options essentielles avant même l'engagement de la concertation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la délibération en litige serait intervenue en méconnaissance des exigences procédurales prévues par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme et rappelées ci-dessus.
6. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 300-2 que la légalité d'une délibération approuvant une opération d'aménagement ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l'a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par ladite délibération.
7. Eu égard au principe rappelé ci-dessus, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que les modalités de la concertation définies par la délibération du 22 juin 2012, à savoir le dépôt en mairie d'Eysines et au siège de la communauté urbaine de Bordeaux d'un dossier et d'un registre pouvant être consultés par le public ainsi que l'organisation d'au moins une réunion publique, ne permettaient pas d'associer le public de manière suffisante à la définition du projet d'aménagement en cause.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la délibération contestée : " Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut être opposé, dans les conditions définies à l'article L. 111-8, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités. ".
9. En se bornant à alléguer que le projet d'aménagement du plateau de Carès inclut des territoires distincts, à vocation naturelle ou agricole, abritant des sources d'eau faisant l'objet d'une protection au titre du code de la santé publique, les requérants n'établissent pas, par ces seules considérations, que le périmètre de prise en considération de ce projet, tel que l'a délimité la délibération contestée, serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
10. En second lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la communauté urbaine de Bordeaux de créer un emplacement réservé pour la réalisation de son projet, de sorte qu'il lui était loisible de définir un périmètre de prise en considération comme elle l'a fait en application de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, les allégations des requérants selon lesquelles la communauté urbaine de Bordeaux chercherait uniquement, en adoptant la délibération contestée, à " geler la maîtrise du foncier " sur le plateau de Carès ne sont nullement établies au dossier alors qu'au demeurant l'institution d'un périmètre de prise en considération n'a pas, en elle-même, pour effet d'interdire toute urbanisation dans la zone considérée mais de permettre à l'autorité compétence de surseoir à statuer sur des projets d'occupation des sols susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation du futur projet. Dans ces conditions, la délibération contestée ne saurait être regardée comme ayant été motivée par la poursuite d'un but étranger à l'intérêt général. Par suite, ni le détournement de procédure ni le détournement de pouvoir allégués ne sont établis.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense ni de statuer sur la recevabilité de la requête dirigée contre la délibération du 22 juin 2012 en tant qu'elle définit les modalités de la concertation, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de l'ensemble des requérants la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par Bordeaux Métropole et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête présentée par l'association Eysillan, M. O...K..., M.AH..., M. P..., M.AI..., M.AO..., M.Q..., M.AA..., M.E..., M.S..., Mme AK..., M.AC..., MmeAL..., M.U..., M.V..., MmeH..., M.AN..., M. I..., M. J...et M. M...est rejetée.
Article 2 : L'association Eysillan, M. O...K..., M.AH..., M.P..., M.AI..., M. AO..., M.Q..., M.AA..., M.E..., M.S..., MmeAK..., M.AC..., Mme AL..., M.U..., M.V..., MmeH..., M.AN..., M.I..., M. J...et M. M..., pris ensemble, verseront à Bordeaux Métropole une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Eysillan, représentant unique des requérants, et à Bordeaux Métropole.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 avril 2017.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Didier Péano Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
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N° 15BX01520