Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Par un recours enregistré le 23 juillet 2014, sous le n° 2350 D, les sociétés Bricorama France et " Maison du 13ème " ont demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision en date du 30 juin 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Vienne a refusé la création d'un ensemble commercial de 14 244,90 m² comportant la création d'un magasin de bricolage/jardinerie à l'enseigne Bricorama de 9 543,20 m², deux magasins spécialisés en équipement de la maison d'une surface respective de 1 735 m² et 945 m² et quatre magasins spécialisés en équipement de la personne respectivement de 765 m², 435 m², 457,60 m² et 363,90 m².
Par décision n° 2350 D en date du 12 novembre 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a admis ce recours et autorisé ce projet.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2015, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 20 juillet 2015 et 3 février 2016, la SAS Castorama France, représentée par Me A..., demande dans le dernier état de ses écritures à la cour :
1°) d'annuler la décision du 12 novembre 2014 de la Commission nationale d'aménagement commercial autorisant la création du projet en litige ;
2°) de mettre à la charge des sociétés Bricorama France et la Maison du 13ème une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en méconnaissance de l'article R. 752-49 du code de commerce, il n'apparaît pas que les membres aient été dûment convoqués et destinataires des documents dans le délai leur permettant raisonnablement de prendre connaissance du dossier ; les membres n'ont pas eu connaissance de la teneur des avis des ministres intéressés dans un délai raisonnable, alors qu'ils n'ont été émis que cinq jours avant la séance de la CNAC ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ; la CNAC se limite ainsi à prendre acte de la réhabilitation d'une friche commerciale, sans plus de précisions ; de même, compte tenu, d'une part, de l'importance de la surface de vente développée par le projet, et d'autre part, du fait que la CNAC est saisie par les pétitionnaires d'un refus opposé par la CDAC, la CNAC était tenue de préciser le motif tiré ce que le projet aurait vocation à développer une offre de proximité ;
- le projet méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce dans la mesure où la création d'un ensemble commercial situé en périphérie et développant une surface de vente totale de 14 244,90m2, composé de surfaces spécialisées, déstructurera le commerce du centre-ville ; les acteurs locaux, services instructeurs ou membres de la commission départementale d'aménagement commercial ont tous souligné l'impact négatif du projet sur les commerces de centre-ville, qu'il s'agisse des magasins de bricolage ou quincailleries ou même des commerces d'équipement de la personne ;
- l'intégration paysagère et architecturale est insuffisante ; au regard de l'envergure du projet, et de sa localisation, en entrée de ville, le pétitionnaire était tenu de réaliser des aménagements significatifs ;
- s'agissant d'une friche militaire, le pétitionnaire se devait d'indiquer précisément l'état du sol, c'est-à-dire la présence d'éventuelles de matières dangereuses, d'explosifs, et les opérations de remise en état nécessaires à la création d'un établissement recevant du public ; la pétitionnaire ne produit aucune pièce de nature à justifier de l'état de dépollution du site ;
- les infrastructures routières sont insuffisantes ; l'organisation des flux de véhicules n'est pas de nature à garantir la sécurité des accès ainsi que des cheminements au sein du site d'implantation de ce projet d'envergure ; les voitures particulières croiseront les véhicules de livraisons au sein du site d'implantation du projet et y accèderont par les mêmes accès ; les croisements entre les véhicules des employés se garant sur le parking n°4 et ceux des usagers du " drive " poseront des difficultés ; l'angle de giration, à l'arrière du commerce A, est très serré ; aucun des aménagements de " tourne-à-gauche ", indispensables à la desserte, n'est garanti ; le gestionnaire de la voirie n'apparaît pas avoir été consulté, seul un accord de principe étant fourni, et aucun chiffrage n'a été réalisé ni aucun outil juridique permettant de mettre le coût à la charge du pétitionnaire défini ;
- le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de Limoges, comme l'avait relevé la commission départementale d'aménagement commercial ; au regard, notamment, des indications figurant pages 19 à 36 du document d'orientations générales, il n'apparaît pas que le site d'implantation du projet ait vocation à recevoir un commerce de cette envergure ; seule la zone d'aménagement concerté du Ponteix, au sein du pôle sud dans lequel se trouve le site Magre Romanet, a vocation à recevoir des activités commerciales ; en tout état de cause, le projet n'a pas vocation à être réalisé sur une zone qui n'était pas équipée afin de recevoir du commerce, ainsi que l'a relevé le ministre de l'urbanisme et du développement durable ;
- la pétitionnaire ne justifie pas de la maîtrise foncière du terrain d'emprise du projet en litige ; si elle produit une délibération du conseil municipal en date du 20 mars 2012 autorisant le maire à signer le compromis de vente et l'acte authentique à intervenir avec la société La maison du 13ème, cette décision est imprécise ; par ailleurs, le projet qu'elle décrit est différent de celui en litige ; alors qu'elle indique que l'autorisation devant la commission départementale doit être déposée dans un délai de six mois, la demande n'a été présentée que le 21 mai 2014 ; ainsi, le maire n'était pas autorisé par le conseil municipal à signer l'avenant de vente le 29 mars 2013 ; en tout état de cause, il ne pouvait autoriser seul le dépôt d'un dossier de commission départementale d'aménagement commercial ; au demeurant, les courriers des 12 décembre 2012 et 30 janvier 2014 par lesquels il autorise le dépôt d'une demande devant la commission départementale d'aménagement commercial ne mentionnent pas la surface de vente exacte du projet, ni même la nature des activités qui ont vocation à y être réalisées ;
- le déménagement risque d'entraîner une friche commerciale en entrée de ville, comme l'avait relevé la commission départementale d'aménagement commercial ; n'étant que locataire, la société Bricorama ne peut prendre aucun engagement ferme sur le devenir du magasin existant. Le courrier d'intention de la société GIFI ne peut suppléer un engagement du bailleur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2015, la société Bricorama France SAS et la société la Maison du 13ème SAS, représentées par MeB..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- si la société requérante, située dans la zone de chalandise, justifie d'un intérêt pour agir, elles entendent mentionner que le magasin à l'enseigne Castorama fait actuellement l'objet de travaux de rénovation et de réorganisation de leur surface de vente et d'un permis de construire, que la société Bricorama France SAS n'a pas attaqué ; en outre, il ne faut pas oublier que l'installation de l'enseigne Bricorama à Limoges est antérieure à l'installation de l'enseigne Castorama dans cette ville et ses alentours ;
- le délai de cinq jours pour prendre connaissance des avis des ministres intéressés, lesquels tiennent en moins d'une page, était suffisant ; par ailleurs, il ressort des mentions du procès-verbal de la séance du 12 novembre 2014 de la Commission nationale d'aménagement commercial qu' il a été donné lecture des avis ; en tout état de cause, ni l'article R. 752-49 ni l'article R. 752-51 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la date à laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial se prononçait ne prévoyaient la communication préalable à la séance des avis ministériels ;
- la décision attaquée est suffisamment motivée ; le premier considérant qui contient une description du projet dans son environnement n'appelait aucune conclusion ; au demeurant, la requérante n'expose pas en quoi cette description serait lacunaire ou aurait omis de répondre à un argument discuté par les parties ; la critique du deuxième considérant ne constitue pas une critique de la motivation mais du bien-fondé du motif retenu par la Commission nationale d'aménagement commercial ; en tout état de cause, l'envergure du projet est étrangère au constat de la proximité de l'offre commerciale créée, laquelle est bien, étant située à 4 kilomètres du centre-ville de Limoges, une offre commerciale " de proximité " ; par ailleurs, la Commission nationale d'aménagement commercial a pris soin d'observer que le projet est situé à 4 kilomètres du centre-ville de Limoges et qu'il constitue à ce titre " une offre [commerciale] de proximité " afin de justifier sa décision contraire à celle de la CDAC qui avait qualifié le projet comme situé en périphérie de la ville ;
- il est constant que l'accès en voiture au site est dimensionné pour supporter l'augmentation du trafic généré par l'ensemble commercial ; les aménagements d'accès ont bien été étudiés avec l'accord de la communauté d'agglomération de Limoges ;
- le projet consiste dans le déplacement du magasin" BRICORAMA " actuel, installé depuis 1989 disposant de locaux vieillissants et mal adaptés, ne permettant aucune possibilité d'extension ; ce magasin n'a jamais empêché la poursuite du commerce de quincaillerie de centre-ville ; la création permettra non seulement de rééquilibrer l'offre commerciale au profit du sud de l'agglomération limougeaude mais également de requalifier d'anciennes installations militaires ;
- le moyen tiré de l'insuffisante insertion paysagère et architecturale doit être regardé comme abandonné ou non assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; en tout état de cause, le projet améliorera la qualité architecturale du site par la démolition des bâtiments militaires s'y trouvant et délaissés après le départ de l'armée, par la restructuration du site au moyen de nouveaux aménagements d'accès routiers et par la construction de nouveaux bâtiments qui vont embellir la zone et proposer une entrée de ville plus accueillante ; l'intégration purement paysagère n'est pas davantage critiquable dans la mesure où, notamment, le site conserve 35% d'espaces verts ;
- le moyen relatif à la friche militaire n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; en tout état de cause, deux cuves enterrées ont été neutralisées et enlevées par l'armée ; lors du diagnostic amiante-démolition réalisé par la société Amit'Air le 13 mars 2012 la présence d'amiante a été détectée dans la colle de dalles plastiques et dans le calorifugeage de conduits de cheminées ou de chauffage ; ainsi, avant toute démolition des bâtiments, un plan de retrait de matières dangereuses sera déposé en préfecture conformément à la réglementation pour le retraitement des déchets ; les gravats (hors amiante) issus de la démolition des bâtiments militaires seront, en revanche, traités sur place par un concasseur et les matériaux concassés seront réutilisés pour le remblai et la réalisation des plates-formes des bâtiments ;
- le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale de Limoges, ainsi que l'ont relevé la direction départementale des territoires et le ministre chargé du commerce ; si la prescription no 34 identifie quatre espaces à privilégier pour l'accueil des activités commerciales " leaders ", " quatre grands secteurs clairement identifiés et consacrés au développement exclusif des activités commerciales ", elle n'en exclut pas la zone de Magre-Romanet ;
- si les parcelles concernées par le projet sont propriété de la commune de Limoges, la société la Maison du 13ème est titulaire d'un compromis de vente qui engage la commune à les vendre ; le caractère plus ou moins précis de la description du projet visé par les courriers du maire des 12 décembre 2012 et 30 janvier 2014 est sans effet sur l'engagement de vendre de la commune de Limoges ; les conditions suspensives (obtention des autorisations d'exploitation des constructions projetées et obtention d'un permis de construire) assortissant le compromis de vente bénéficient à l'acquéreur. Les délais indiqués dans le compromis de vente et dans l'avenant du 29 mars 2013 témoignent des retards dus à la nécessité apparue de modifier le plan local d'urbanisme avant tout dépôt de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale et de permis de construire ;
- les bâtiments qu'elle souhaite quitter n'ont pas vocation à demeurer une friche ; ils demeurent... ; un repreneur au moins est intéressé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 30 juin 2014, la commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Vienne a refusé aux sociétés Bricorama France et Maison du 13ème l'autorisation préalable d'exploitation commerciale requise en vue de procéder, sur le territoire de la commune de Limoges, à la création d'un ensemble commercial de 14 244,90 m² comportant la création, par transfert et agrandissement, d'un magasin de bricolage/jardinerie à l'enseigne Bricorama de 9 543,20 m², accompagnée de deux magasins spécialisés en équipement de la maison d'une surface respective de 1 735 m² et 945 m² et de quatre magasins spécialisés en équipement de la personne respectivement de 765 m², 435 m², 457,60 m² et 363,90 m². Les sociétés Bricorama France et Maison du 13ème ont saisi la Commission nationale d'aménagement commercial qui, par décision du 12 novembre 2014, a admis le recours et autorisé le projet. La société Castorama France, qui exploite un magasin de 12 500 m² à cette enseigne sur le territoire de Feytiat, à 2 mn en voiture dans la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
S'agissant de la forme de la décision attaquée :
2. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En l'espèce, en précisant notamment que " la création de cet ensemble commercial, composé d'un magasin Bricorama et de six moyennes surfaces, permettra de développer une offre de proximité complémentaire et diversifiée, que cette opération contribuera à rééquilibrer l'offre commerciale au sein de l'agglomération limougeaude au profit du sud où l'offre commerciale est moins diversifiée qu'au nord ", que la voie d'accès au centre commercial est dimensionnée pour supporter le trafic généré par le projet et qu'elle sera sécurisée par trois tourne-à-gauche à créer financés par le pétitionnaire, que l'aménagement, dont les espaces verts représentent 35 % de la surface de la parcelle, améliorera l'environnement urbain situé à proximité de l'entrée ouest de la commune et que le projet est compatible avec le SCOT de l'agglomération limougeaude, la commission nationale a suffisamment motivé l'autorisation litigieuse, qui ne comporte pas de motifs généraux ou stéréotypés.
S'agissant de la procédure suivie de la commission :
3. Aux termes de l'article R. 752-49 du code du commerce, alors en vigueur : " La Commission nationale d'aménagement commercial se réunit sur convocation de son président. Les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement commercial, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs départementaux. La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. Le secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial rapporte les dossiers. ". Aux termes de l'article R. 752-51 du code de commerce, alors en vigueur : " (...) Le commissaire du Gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission. Il donne son avis sur les demandes examinées par la Commission d'aménagement commercial au regard des auditions effectuées. "
4. Pour soutenir que les membres de la commission n'auraient pas été en mesure de prendre connaissance en temps utile des documents prévus au deuxième alinéa de l'article R. 752-49, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir du délai entre les dates d'émission des avis des ministres intéressés et la séance de la Commission nationale d'aménagement commercial, alors que ces avis sont présentés en commission. Par suite, et en l'absence de toute autre précision de nature à démontrer l'irrégularité des modalités de la convocation, le moyen doit être écarté.
S'agissant de la composition du dossier :
5. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande d'autorisation prévue à l'article L. 752-1 (...) est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble ".
6. La demande d'autorisation présentée par les sociétés pétitionnaires était accompagnée, pour justifier de la maîtrise foncière, d'un extrait de plan cadastral relatif aux terrains d'emprise du projet et d'une attestation notariale du 5 novembre 2013 faisant état de la promesse de vente consentie par la commune de Limoges à la société Maison du 13ème sur les parcelles section TW n° 10 et 11 qu'elle avait acquises de l'Etat à la suite du départ de l'Etablissement ravitailleur du commissariat de l'armée de terre, en vue de la réalisation, après démolition des bâtiments existants, d'un ensemble commercial. La conclusion de cette promesse de vente avait été préalablement autorisée par le conseil municipal de Limoges par délibération du 20 mars 2012, laquelle était jointe au dossier. Si la société Castorama France soutient que l'autorisation du conseil municipal était conditionnée au dépôt d'une demande d'exploitation commerciale dans un délai de six mois à compter de son édiction, un avenant au compromis de vente définissant de nouveaux délais a été conclu le 29 mars 2013. Le maire de la commune de Limoges était autorisé à signer cet acte. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Castorama France, la commission nationale pouvait se fonder sur ces éléments, dont il ne lui appartenait pas de contrôler la validité, pour retenir que le pétitionnaire justifiait bien d'un titre au sens de l'article R. 752-6 du code de commerce, sans que la société requérante puisse utilement invoquer l'illégalité dont seraient entachés les courriers des 12 décembre 2012 et 30 janvier 2014 établis par le maire de Limoges ou encore le fait que la délibération du 20 mars 2012 autorisait un projet centré sur l'équipement de la maison, alors que le compromis de vente autorisait tous commerces. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce doit être écarté.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
7. Selon l'article L. 752-6 du code du commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés aux 2° et 5° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".
8. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
9. La requérante fait grief au projet de s'installer dans une zone largement pourvue en commerces dédiés au bricolage, en périphérie du centre-ville, ce qui selon elle risque de nuire aux commerces, et notamment de quincaillerie, qui y sont implantés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet en litige emporte le transfert de l'enseigne Bricorama qui est installée à Limoges depuis 1989. Si ce déplacement de la périphérie sud-est à sud de la ville s'accompagne d'un doublement de la surface de vente de cette enseigne passant de 4 603 m² à 9 543 m², il est destiné à améliorer le confort d'achat des consommateurs, alors que le bâtiment existant était vieillissant et mal adapté, et s'accompagne de la création d'une jardinerie et d'un bâti-drive. Il n'est pas établi que cette extension serait susceptible de nuire à l'animation du centre-ville de Limoges, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les prestations et produits offerts par ces commerces entrent directement en concurrence avec ceux de l'extension envisagée. Si le déplacement du magasin Bricorama comporte également la création de six magasins spécialisés, les deux surfaces dédiées à l'équipement de la maison complèteront l'offre existante du centre-ville. Par ailleurs, les surfaces dédiées à l'équipement de la personne, inférieures à 2 500 m², sont mesurées. Au demeurant, il n'est pas contredit que le projet, outre qu'il aura pour effet de redynamiser une ancienne zone militaire jusque là partiellement abandonnée et située à proximité immédiate du centre-ville, contribuera à rééquilibrer l'offre commerciale au sein de l'agglomération limougeaude, au profit du sud, où l'offre commerciale est moins importante et moins diversifiée qu'au nord. Par suite, il n'apparaît pas que la création du projet, du fait de sa localisation, nuirait à l'animation de la vie urbaine.
10. Il ressort des pièces du dossier que la société GIFI a confirmé par courrier du 17 septembre 2014 son intérêt pour la reprise du bâtiment laissé vacant par l'enseigne Bricorama dans la zone de Ponteix. Ainsi, quand bien même le bailleur n'aurait pas donné son accord à ce courrier d'intention, rien ne laisse à penser que le site libéré serait laissé à l'abandon. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le projet ne respecterait pas l'objectif d'aménagement du territoire prévu par les dispositions précitées du code de commerce doit être écarté.
11. Il ressort des pièces du dossier que l'augmentation des flux de véhicules que l'opération projetée est susceptible d'engendrer sera absorbée par l'avenue Général Martial Valin desservant le site d'implantation du projet. L'aménagement des voies d'accès au site sera amélioré par la création de trois tourne-à-gauche. Si la société Castorama France fait valoir que l'autorisation en litige ne pouvait être accordée par la Commission nationale d'aménagement commercial dès lors qu'elle ne disposait pas des garanties quant à la création des bretelles de tourne-à-gauche devant desservir le site du projet, il résulte du rapport d'instruction et d'une lettre du 5 décembre 2013 du maire de Limoges à la société Bricorama que les services techniques de la ville de Limoges, gestionnaire de la voie, ont donné leur accord à leur réalisation et qu'ils seront intégralement financés par les demandeurs. Par ailleurs, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'organisation des flux de circulation des véhicules de livraison et des véhicules de particuliers présenterait des risques pour la sécurité des personnes. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le projet ne respecterait pas sur ce point l'objectif d'aménagement du territoire doit être écarté.
12. Si la société Castorama France soutient que le projet méconnaît également l'objectif fixé par le législateur en matière de développement durable en raison de sa mauvaise intégration paysagère et de la pollution des sols sur lesquels le site sera bâti, il ressort des pièces du dossier que le projet a vocation à réhabiliter le site d'anciennes installations militaires dont la fonction était limitée à l'entreposage de matériels de l'armée de terre. Il se caractérise par un effort architectural grâce notamment à l'aménagement d'espaces verts, qui représentent 35% de la surface de la parcelle, et par le respect de la topographie du site marqué par une forte déclivité. Il doit être réalisé conformément aux exigences de la réglementation thermique 2012 et prendra en compte, dès sa conception, l'objectif de développement durable en intégrant des systèmes économes en consommation d'énergie. Si des cuves étaient présentes sur le site, la pétitionnaire fait valoir qu'elles ont été dépolluées et neutralisées par l'armée avant la vente du terrain à la commune de Limoges. L'analyse hydraulique effectuée en 2012 ne révèle d'ailleurs pas de pollution du terrain d'emprise. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un risque avéré pour la sécurité des consommateurs résulterait de la présence d'amiante dans la colle de dalles plastiques et dans le calorifugeage de conduits de cheminées ou de chauffage des bâtiments à démolir, alors que le chantier est marqué par le label " chantier propre " et qu'aucun risque technologique ou minier n'a été identifié au dossier. Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément apporté en sens contraire par la requérante, la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial n'apparaît pas entachée d'une erreur d'appréciation des effets du projet en matière de développement durable.
13. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.
14. Si le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération de Limoges approuvé le 31 janvier 2011 préconise quatre espaces " à privilégier pour l'accueil d'activités commerciales leaders " et s'il n'est pas contesté que la parcelle d'assiette du projet litigieux ne se situe pas dans une telle zone, le schéma de cohérence territoriale n'interdit pas la construction de centres commerciaux en dehors de ces zones. Il y a lieu de relever par ailleurs que le schéma de cohérence territoriale délimite des zones d'activités structurantes, comprenant pour le pôle d'activités Sud le terrain d'emprise du projet en litige. Ainsi, le projet de la société Bricorama, qui répond avant tout à un besoin communal, doit être regardé comme répondant à l'objectif que se donne le document d'orientations générales intégré au schéma de cohérence territoriale, consistant à rendre plus dynamiques et attractives ces zones d'activités. Par ailleurs, il répond à la prescription n°26 tendant à permettre aux zones d'intérêt local de se développer, notamment à la recommandation de réutilisation des friches dans un souci de gestion économe de l'espace, et à la prescription n° 37 recommandant de développer des projets structurants de reconversions et de réaménagements urbains, en priorité sur les casernes. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet contesté avec le schéma de cohérence territoriale doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que la société Castorama France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial n° 2350 D en date du 12 novembre 2014.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Bricorama France et la Maison du 13ème, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Castorama France une somme globale de 1 500 euros que réclament les sociétés Bricorama France et Maison du 13ème sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Castorama France est rejetée.
Article 2 : La SAS Castorama France versera aux sociétés Bricorama France et Maison du 13ème la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Castorama France, aux sociétés Bricorama France et la Maison du 13ème et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2017.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX00029