Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 juin 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un certificat de résidence au titre de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1603431 du 17 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016, MmeD..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2016 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard et à défaut de procéder au réexamen de la situation de Mme D... dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux, le préfet de la Gironde a violé l'article 6-7 de l'accord franco-algérien en prenant la décision contestée, les premiers juges ont notamment pris en compte les dispositions de l'article L. 511-4 et L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'aucune de ces dispositions n'étaient visées par la requérante et par l'arrêté préfectoral ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du médecin inspecteur de la santé publique du 19 avril 2016 et que, contrairement à ce qu'a retenu le médecin inspecteur, elle ne pourrait pas bénéficier du suivi et du traitement médical dont elle bénéficie à ce jour en Algérie ;
- le préfet de la Gironde a entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation et a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux, la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise en violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant pays de renvoi est prise en violation de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 1er février 2017, le préfet de la Gironde a conclu au rejet de la requête en faisant valoir qu'en l'absence de nouvel élément produit par Mme D..., il ne pouvait que confirmer les termes du mémoire transmis en première instance dans cette affaire et qu'il n'avait pas d'observations nouvelles à ajouter.
Par ordonnance du 20 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 8 février 2017 à 12 heures.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Didier Péano ;
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...épouseD..., de nationalité algérienne, est entrée en France le 21 avril 2015 afin d'y rejoindre son mari. Elle a eu des problèmes de santé qui ont nécessité une hospitalisation en service de cardiologie et a déposé, le 16 novembre 2015, une demande de délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Le 20 juin 2016, le préfet de la Gironde a pris à son encontre un arrêté portant refus de certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions que comporte cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 20 juin 2016 que le préfet de la Gironde, qui a détaillé les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour, ne s'est pas seulement basé sur l'avis rendu le 19 avril 2016 par le médecin inspecteur de la santé publique mais a procédé à l'examen de l'ensemble de la situation de Mme D...au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de celles de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et des dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En deuxième lieu, dans l'avis rendu le 19 avril 2016, le médecin de l'agence régionale de santé retient que l'état de santé de Mme D...nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de cette prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais précise qu'il existe un traitement approprié à cette prise en charge en Algérie. Mme D...soutient que contrairement à ce qu'a retenu le médecin de l'agence régionale de santé, elle ne peut pas disposer en Algérie du suivi et du traitement médical lourd " composé de plusieurs molécules " dont elle bénéficie en France. Toutefois, la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques montre que si les médicaments pris par Mme D...ne sont pas forcément disponibles en tant que tels en Algérie, des médicaments contenant les mêmes substances actives (l'acide acétylsalicylique pour le Kardégic, le spironolactone pour l'Aldactone, le ramiprit pour le Triatec) y sont bien remboursés et qu'ainsi le traitement qu'elle prend en France est disponible dans son pays d'origine qui par ailleurs possède de nombreux établissements susceptibles d'assurer le suivi médical requis par son état de santé. De plus, d'une part, les certificats médicaux que Mme D...produit, notamment ceux des 15 décembre 2015, 17 février 2016 et 21 avril 2016, s'ils confirment la gravité de la pathologie dont elle est atteinte, consistant en une insuffisance cardiaque consécutive à une hypertension artérielle et à une myocardiopathie dilatée hypokinétique à coronaires saines, et le fait que cette pathologie nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne sont pas de nature à établir l'indisponibilité en Algérie des médicaments contenant les substances actives dont elle a besoin et du traitement approprié à sa prise en charge. D'autre part, Mme D...n'invoque aucune circonstance qui l'empêcherait de bénéficier effectivement du suivi médical requis par son état de santé en Algérie et d'accéder aux soins qui lui sont nécessaires. Faute d'éléments de nature à remettre en cause sur ces points l'avis rendu le 19 avril 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé, les moyens tirés de ce que le préfet a inexactement appliqué les stipulations du 7° de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et celles de l'article R. 313.22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, doivent être également écartés les moyens tirés de ce que l'arrêté portant refus de certificat de résidence serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'état de santé de MmeD....
4. En troisième lieu, Mme D...soutient que le refus de séjour pris à son encontre porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale. Dans ce but, elle fait valoir notamment que son mari, titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans, est atteint d'une invalidité de plus de 80 % et perçoit l'allocation adulte handicapé et que sa présence auprès de lui est devenue indispensable tant dans les actes de la vie courante et les soins médicaux que pour un soutien psychologique depuis qu'il est également frappé par un cancer qui se développe. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé et le handicap de son époux qui réside dans un établissement pour personnes âgées et bénéficie ainsi des services qui lui sont nécessaires, soient tels qu'ils rendraient indispensable la présence de Mme D... à ses côtés pour les actes de 1a vie courante. De plus, Mme D...ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle peut s'occuper de son époux en lui apportant une aide matérielle et psychologique quotidienne et qu'elle serait la seule personne proche capable de l'assister. Par ailleurs, il n'est pas contesté que, n'étant pas démunie d'attaches familiales fortes dans son pays d'origine puisque ses cinq enfants, ses parents et ses quatre frères et soeurs y résident, Mme D...a elle-même vécu en Algérie jusqu'à l'âge de cinquante-huit ans et n'est entrée en France que le 21 avril 2015 alors qu'elle est mariée avec son époux depuis 1977. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts qu'elle poursuit et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme D...et de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme D...ne peut exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation à quitter le territoire français.
6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés aux points précédents, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme D... et ne méconnaît pas les termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquels : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
Sur le pays de renvoi :
7. Pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés aux points précédents, Mme D... ne peut pas sérieusement prétendre que son retour en Algérie lui ferait encourir des risques graves pour sa sécurité physique, qu'elle ne pourrait pas bénéficier de traitements appropriés à sa pathologie et que de ce fait, la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2017.
Le président-assesseur,
Christine MègeLe président-rapporteur,
Didier Péano
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissieres La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
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N° 16BX04028