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16/03/2017 | FRANCE | N°15BX00027,15BX00028

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 16 mars 2017, 15BX00027,15BX00028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Hangar et Compagnie et la SCI Carpe Diem ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, de surseoir à statuer dans l'attente de l'instruction d'une plainte devant la juridiction pénale relative à l'élaboration du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 3 février 2012 par lequel le maire de Lège-Cap Ferret a refusé de délivrer un permis de construire à l'association Hangar et Compagnie pour la r

econstruction à l'identique de deux hangars sur un terrain situé allée de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Hangar et Compagnie et la SCI Carpe Diem ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, de surseoir à statuer dans l'attente de l'instruction d'une plainte devant la juridiction pénale relative à l'élaboration du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, et d'autre part, d'annuler l'arrêté du 3 février 2012 par lequel le maire de Lège-Cap Ferret a refusé de délivrer un permis de construire à l'association Hangar et Compagnie pour la reconstruction à l'identique de deux hangars sur un terrain situé allée de la Traïne, ensemble les décisions nées du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1202758-1202759 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 janvier 2015, le 2 novembre 2016, le 9 décembre 2016 et le 28 décembre 2016, l'association Hangar et Compagnie, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 novembre 2014 ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'instruction d'une plainte déposée devant le juge pénal relative à l'élaboration du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 février 2012 par lequel le maire de Lège-Cap Ferret a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la reconstruction à l'identique de deux hangars sur un terrain situé allée de la Traïne, ensemble la décision née du silence gardé par le maire sur son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance y compris la contribution pour l'aide juridique initialement acquittée ;

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement dont elle est victime compte tenu des nombreux permis de construire accordés dans la zone et de la présence de constructions irrégulières qui ne font l'objet d'aucune poursuite ;

- la cour prononcera un sursis à statuer dans le cadre de la présente procédure dans l'attente de l'issue de la plainte instruite par le doyen des juges d'instruction de Bordeaux relative aux conditions dans lesquelles le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte a été élaboré ; les faits examinés dans le cadre de cette enquête pénale sont susceptibles de constituer une infraction pénale et sont susceptibles d'avoir une influence sur la décision à rendre ;

- le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte est entaché d'illégalité dès lors que l'étude d'impact figurant au dossier d'enquête publique ne correspond pas à celle annexée à l'arrêté ; cette inversion des documents a vicié la procédure d'élaboration du plan et a affecté le zonage, et notamment la délimitation de la zone rouge du plan ; l'étude d'impact initialement établie constatait l'efficacité des travaux d'endigage de M. C... et en tenant compte de cette étude, la parcelle terrain d'assiette du projet n'aurait pas été classée en zone rouge ; les ouvrages de protection édifiés par M. C...revêtent un caractère pérenne et participent efficacement au maintien du trait de côte, ce qui exclut un classement en zone rouge des parcelles concernées par les demandes de permis de construire et aurait dû conduire à une modification du plan ; l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public délivrée par le préfet par arrêté du 23 avril 2012 démontre dans l'exposé des motifs que l'ouvrage construit a permis de contenir le trait de côte et contribué à la conservation du domaine public ; le classement en zone rouge de ces parcelles entache d'illégalité le refus de permis de construire attaqué ; les effondrements de sable ne remettent pas en cause la pérennité et l'efficacité de l'ouvrage édifié ; certaines zones identifiées dans le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte comme non soumises à un aléa fort l'ont été, alors même que d'autres, dont celles situées au droit de la digue édifiée par l'appelante, n 'ont pas connu d'évolution négative ;

- alors que la reconstruction à l'identique lui a été refusée, de multiples constructions fleurissent avec ou sans autorisation et au vu et au su des responsables locaux, précisément en zone rouge ;

- le refus d'autorisation de construire le petit hangar est entaché d'une erreur de fait ; ce hangar a toujours existé et ce depuis le début du siècle et il a été régulièrement édifié avant la généralisation des autorisations de construire ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'y a pas augmentation de la surface du bâtiment reconstruit par rapport à la construction initiale ;

- le grand hangar a été édifié avec une autorisation du maire en 1996 à l'occasion du tournage du film " Oui " ; cette construction a été réalisée en application du principe " sécurité contre constructibilité " comme le confirme le compte rendu d'une réunion qui s'est déroulée le 27 décembre 2013 ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 septembre 2015 et le 24 novembre 2016, la commune de Lège-Cap Ferret conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de l'association Hangar et Compagnie la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est régulier et répond dans le considérant n° 7 au moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ;

- contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'est pas certain que l'issue de la procédure pénale serait de nature à avoir une incidence sur le litige dont la cour est saisie ; le présent litige ne correspond pas à l'une des hypothèses dans lesquelles le juge est tenu de surseoir à statuer ; la procédure pénale invoquée par l'appelante demeure sans incidence sur le fait que la digue réalisée par M. C...à la pointe de la presqu'île a pour effet d'entraîner, sur la partie du littoral qui prolonge son musoir sud, de fortes accumulations de sables, qui, régulièrement, s'effondrent massivement et brutalement dans la mer, en raison des profondeurs très importantes existant à cet endroit, fortement travaillé par le courant et les houles, étant précisé qu'il est également parfaitement établi que les ouvrages de lutte active dure (empierrements) entraînent des dégâts irrémédiables, en particulier une augmentation de l'érosion, sur les littoraux adjacents naturels ; l'issue de la procédure pénale invoquée ne sera pas de nature à remettre en cause le risque très élevé d'érosion du trait de côte, au droit de la propriété de la SCI Carpe Diem, qui a justifié son classement en zone rouge du Plan de prévention des risques ;

- le moyen tiré de la prétendue fraude qui entacherait le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, approuvé par un arrêté du préfet de la Gironde en date du 31 décembre 2001, au motif, selon la requérante, que" l'étude d'impact qui figurait au dossier d'enquête publique [ne serait] pas celle qui a finalement été annexée à l'arrêté " est irrecevable, faute d'être assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- elle ne dénie pas toute utilité à la digue édifiée mais il est évident que celle-ci ne saurait être regardée comme "un ouvrage pérenne figeant le trait de côte " au sens des dispositions du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, de nature à établir l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation à l'occasion du classement de la propriété en cause en zone rouge ; la cour de céans a déjà jugé que les prescriptions du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte de la commune, en tant qu'elles classent le terrain d'assiette du projet en cause en zone rouge, ne sont pas entachées d'illégalité (CAA Bordeaux, 30 octobre 2008, SCI Carpe Diem, n° 06BX01939) et les ouvrages de défense édifiés ne suffisent pas à écarter tout risque d'atteinte à la sécurité publique, comme le prouvent les nombreux effondrements et éboulements qui se produisent, à la pointe de la presqu'île, régulièrement et inexorablement, depuis plus d'une vingtaine d'années ; compte tenu de cette situation, la révision du zonage ne peut être sérieusement envisagée ;

- les allégations de l'appelante, relatives à une " application à géométrie variable des règles du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte " dans la zone rouge, qui démontrerait, selon elle, une " rupture d'égalité de traitement ", sont dépourvues de tout fondement ;

- s'agissant du petit hangar, la requérante se borne à affirmer sans le démontrer que celui-ci aurait été construit en 1905, avant " l'institution des autorisations d'urbanisme " ; la photographie produite par la requérante figurant la façade nord du petit hangar, ne permet pas d'établir l'emprise réelle de celui-ci, alors que cette emprise ressort du constat effectué le 25 février 2004 par des agents de la direction départementale de l'équipement, aux termes duquel le petit hangar mesurait 7,10 mètres de long et 6,60 mètres de large ; la demande de permis de construire, portant sur la construction d'un petit hangar d'une emprise de 8,50 mètres de large sur 9 mètres de long, ne saurait donc être regardée comme tendant à une reconstruction à l'identique ;

- s'agissant du grand hangar, la requérante ne produit pas l'autorisation provisoire délivrée selon elle en 1996 ; plusieurs pièces produites au dossier montrent que le grand hangar a été édifié sans autorisation ; le tribunal administratif de Bordeaux a déjà jugé le 9 octobre 2008 n° 0505104 que l'engagement pris par un représentant de l'Etat lors d'une réunion le 27 décembre 1993 prenant la forme d'un accord de l'Etat pour la constructibilité des parcelles en échange de la sécurité assurée par la propriétaire des terrains ne pouvait constituer un engagement synallagmatique produisant des effets juridiques dès lors qu'il a été formulé oralement en des termes trop généraux ;

II) Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 janvier 2015, le 2 novembre 2016, le 9 décembre 2016 et le 28 décembre 2016, la SCI Carpe Diem, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 novembre 2014 ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'instruction d'une plainte déposée devant le juge pénal relative à l'élaboration du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 février 2012 par lequel le maire de Lège-Cap Ferret a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la reconstruction à l'identique de deux hangars sur un terrain situé allée de la Traïne, ensemble la décision née du silence gardé par le maire sur son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance, y compris la contribution pour l'aide juridique initialement acquittée ;

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement dont elle est victime compte tenu des nombreux permis de construire accordés dans la zone et de la présence de constructions irrégulières qui ne font l'objet d'aucune poursuite ;

- elle a bien intérêt pour agir en qualité de propriétaire du terrain sur lequel l'association Hangar et Compagnie a déposé une demande de permis de construire, et au regard des stipulations particulières de la convention la liant à son assureur sur les suites du sinistre affectant les hangars ;

- la cour prononcera un sursis à statuer dans le cadre de la présente procédure dans l'attente de l'issue de la plainte instruite par le doyen des juges d'instruction de Bordeaux relative aux conditions dans lesquelles le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte a été élaboré ; les faits examinés dans le cadre de cette enquête pénale sont susceptibles de constituer une infraction pénale et sont susceptibles d'avoir une influence sur la décision à rendre ;

- le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte est entaché d'illégalité dès lors que l'étude d'impact figurant au dossier d'enquête publique ne correspond pas à celle annexée à l'arrêté ; cette inversion des documents a vicié la procédure d'élaboration du plan et a affecté le zonage et notamment la délimitation de la zone rouge du plan ; l'étude d'impact initialement établie constatait l'efficacité des travaux d'endigage de M. C... et en tenant compte de cette étude, la parcelle d'assiette du projet n'aurait pas été classée en zone rouge ; les ouvrages de protection édifiés par M. C...revêtent un caractère pérenne et participent efficacement au maintien du trait de côte, ce qui exclut un classement en zone rouge des parcelles concernées par les demandes de permis de construire et aurait dû conduire à une modification du plan ; l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public délivrée par le préfet par arrêté du 23 avril 2012 démontre dans l'exposé des motifs que l'ouvrage construit a permis de contenir le trait de côte et contribué à la conservation du domaine public ; le classement en zone rouge de ces parcelles entache d'illégalité le refus de permis de construire attaqué ; les effondrements de sable ne remettent pas en cause la pérennité et l'efficacité de l'ouvrage édifié ; certaines zones identifiées dans le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte comme non soumises à un aléa fort l'ont été, alors même que d'autres, dont celles situées au droit de la digue édifiée par l'appelante, n 'ont pas connu d'évolution négative ;

- alors que la reconstruction à l'identique lui a été refusée, de multiples constructions sont réalisées avec ou sans autorisation en zone rouge ;

- le refus d'autorisation de construire le petit hangar est entaché d'une erreur de fait ; ce hangar a toujours existé et ce depuis le début du siècle et il a été régulièrement édifié avant la généralisation des autorisations de construire ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'y a pas augmentation de la surface du bâtiment reconstruit par rapport à la construction initiale ;

- le grand hangar a été édifié avec une autorisation provisoire du maire en 1996 à l'occasion du tournage du film " Oui " ; cette construction a été réalisée en application du principe " sécurité contre constructibilité " comme le confirme le compte rendu d'une réunion qui s'est déroulée le 27 décembre 2013 ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 septembre 2015 et le 24 novembre 2016, la commune de Lège-Cap Ferret conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de l'association Hangar et Compagnie la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est régulier et répond au point 7 au moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ;

- la SCI Carpe Diem ne justifie pas d'un intérêt pour agir contre le refus de permis opposé à l'association Hangar et Compagnie ;

- contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'est pas certain que l'issue de la procédure pénale serait de nature à avoir une incidence sur le litige dont la cour est saisie ; le présent litige ne correspond pas à l'une des hypothèses dans lesquelles le juge est tenu de surseoir à statuer ; la procédure pénale invoquée par l'appelante demeure sans incidence sur le fait que la digue réalisée par M. C...à la pointe de la presqu'île a pour effet d'entraîner, sur la partie du littoral qui prolonge son musoir sud, de fortes accumulation de sables, qui, régulièrement, s'effondrent massivement et brutalement dans la mer, en raison des profondeurs très importantes existant à cet endroit, fortement travaillé par le courant et les houles, étant précisé qu'il est également parfaitement établi que les ouvrages de lutte active dure (empierrements) entraînent des dégâts irrémédiables, en particulier une augmentation de l'érosion, sur les littoraux adjacents naturels ; l'issue de la procédure pénale invoquée ne sera pas de nature à remettre en cause le risque très élevé d'érosion du trait de côte, au droit de la propriété de la SCI Carpe Diem, qui a justifié son classement en zone rouge du Plan de prévention des risques ;

- le moyen tiré de la prétendue fraude qui entacherait le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, approuvé par un arrêté du Préfet de la Gironde en date du 31 décembre 2001, au motif, selon la requérante, que" l'étude d'impact qui figurait au dossier d'enquête publique [ne serait] pas celle qui a finalement été annexée à l'arrêté " est irrecevable, faute d'être assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- elle ne dénie pas toute utilité à la digue édifiée mais il est évident que celle-ci ne saurait être regardée comme "un ouvrage pérenne figeant le trait de côte " au sens des dispositions du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, de nature à établir l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation à l'occasion du classement de la propriété en cause en zone rouge ; la cour de céans a déjà jugé que les prescriptions du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte de la commune, en tant qu'elles classent le terrain d'assiette du projet en cause en zone rouge, ne sont pas entachées d'illégalité (CAA Bordeaux, 30 octobre 2008, SCI Carpe Diem, n° 06BX01939) et les ouvrages de défense édifiés ne suffisent pas à écarter tout risque d'atteinte à la sécurité publique, comme le prouvent les nombreux effondrements et éboulements qui se produisent, à la pointe de la presqu'île, régulièrement et inexorablement, depuis plus d'une vingtaine d'années ; compte tenu de cette situation, la révision du zonage ne peut être sérieusement envisagée ;

- les allégations de l'appelante, relatives à une " application à géométrie variable des règles du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte " dans la zone rouge, qui démontrerait, selon elle, une " rupture d'égalité de traitement ", sont dépourvues de tout fondement ;

- s'agissant du petit hangar, la requérante se borne à affirmer sans le démontrer que celui-ci aurait été construit en 1905, avant " l'institution des autorisations d'urbanisme " ; la photographie produite par la requérante figurant la façade nord du petit hangar, ne permet pas d'établir l'emprise réelle de celui-ci, alors que cette emprise ressort du constat effectué le 25 février 2004, par des agents de la direction départementale de l'équipement aux termes duquel le petit hangar mesurait 7,10 mètres de long et 6,60 mètres de large ; la demande de permis de construire, portant sur la construction d'un petit hangar d'une emprise de 8,50 mètres de large sur 9 mètres de long, ne saurait donc être regardée comme tendant à une reconstruction à l'identique ;

- s'agissant du grand hangar, la requérante ne produit pas l'autorisation provisoire délivrée selon elle en 1996 ; plusieurs pièces produites au dossier montrent que le grand hangar a été édifié sans autorisation ; le tribunal administratif de Bordeaux a déjà jugé le 9 octobre 2008 n° 0505104 que l'engagement pris par un représentant de l'Etat lors d'une réunion le 27 décembre 1993 prenant la forme d'un accord de l'Etat pour la constructibilité des parcelles en échange de la sécurité assurée par la propriétaire des terrains ne pouvait constituer un engagement synallagmatique produisant des effets juridiques dès lors qu'il a été formulé oralement en des termes trop généraux ;

Par ordonnances du 13 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée dans les deux affaires au 9 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant l'Association Hangar et Compagnie et la SCI Carpe Diem, et de Me A...représentant la commune de Lège-Cap Ferret ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Carpe Diem est propriétaire des parcelles cadastrées section HL n° 153, 154 et 155 et section HN n° 39 et 40 situées allée de la Traïne à Lège-Cap Ferret, sur lesquelles étaient édifiés deux hangars. Le plus grand de ces hangars était occupé par l'association Hangar et Compagnie, présidée par le fils du gérant de la SCI Carpe Diem, pour ses activités musicales, le plus petit étant à usage de garage. A la suite d'un incendie survenu le 1er septembre 2010, qui a entièrement calciné les deux constructions, l'association Hangar et Compagnie a déposé une demande de permis de construire portant sur la reconstruction des deux hangars le 9 novembre 2011. Par arrêté du 3 février 2012, le maire de Lège-Cap Ferret a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Il a également implicitement rejeté les recours gracieux formés par la SCI Carpe Diem et l'association Hangar et Compagnie. Le tribunal administratif de Bordeaux dans un jugement n° 1202758-1202759 du 6 novembre 2014 a rejeté les demandes présentées par la SCI Carpe Diem et par l'association Hangar et Compagnie tendant d'une part à ce que le tribunal sursoie à statuer dans l'attente de l'instruction d'une plainte devant la juridiction pénale relative aux conditions d'élaboration du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, et d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2012 par lequel le maire de Lège-Cap Ferret a refusé de délivrer un permis de construire à l'association Hangar et Compagnie pour la reconstruction à l'identique des deux hangars, ensemble les décisions nées du silence gardé par le maire sur leur recours gracieux. La SCI Carpe Diem et l'association Hangar et Compagnie relèvent appel de ce jugement. Les deux requêtes ayant le même objet et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. L'association Hangar et Compagnie et la SCI Carpe Diem soutiennent que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une irrégularité en ne se prononçant pas sur le moyen fondé sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques. Toutefois, un tel moyen étant inopérant pour établir l'illégalité d'un refus de permis de construire, le tribunal administratif n'était pas tenu d'y répondre. Au demeurant, le tribunal a indiqué au point 7 de ce jugement que " si d'autres constructions auraient été édifiées en zone rouge, une telle circonstance ne démontre pas en soi que le site ne resterait pas exposé aux risques persistants de recul du trait de côte et d'avancée dunaire que ce plan de prévention a pour finalité de prévenir. " Dès lors, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié (...) ". Aux termes de l'article 1er du titre I du règlement du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, approuvé par arrêté du préfet de la Gironde du 31 décembre 2001 : " (...) / L'inconstructibilité est systématiquement adoptée en zone d'aléa fort ou faible, hormis pour le cas particulier d'un secteur urbanisé à l'abri d'un ouvrage de protection figeant le trait de côte et de travaux de plantation régulièrement entretenus stabilisant durablement l'évolution de l'avancée dunaire, où une constructibilité sous conditions peut être envisagée. / Pour les besoins du présent règlement, le territoire de la commune a été divisé en trois zones : - la zone rouge : le principe en est l'inconstructibilité. Sont classées en zone rouge toutes les zones géographiques du fuseau d'aléa hormis celles classées en zone bleue et spécifiées ci-après ; - la zone bleue : il s'agit d'un centre urbain ou d'une partie actuellement urbanisée, en zone d'aléa faible du fait d'un ouvrage pérenne figeant le trait de côte ou de travaux de plantation régulièrement entretenus stabilisant durablement l'évolution de l'avancée dunaire (...) ". Aux termes de l'article 2 du titre I du même règlement : " (...) / Le PPR vaut servitude d'utilité publique. À ce titre, il doit être annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article R. 126-1 du code de l'urbanisme. ". L'article 2 du titre II du règlement du même plan ajoute : " (...) / La zone rouge inclut la zone la plus exposée aux risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte. (...) / La zone rouge est inconstructible. / Article 1.1 - Sont interdits : Tous travaux, constructions, installations, dépôts et activités de quelque nature qu'ils soient, à l'exclusion de ceux visés à l'article 1.2. / Article 1.2 - Sont toutefois admis : sur les constructions existantes : (...) La reconstruction, sur une emprise au sol équivalente ou inférieure, de tout édifice détruit par un sinistre autre que l'avancée dunaire ou le recul du trait de côte. (...) "

4. La SCI Carpe Diem et l'association Hangar et Compagnie font valoir en premier lieu que le refus de permis de construire litigieux est illégal en invoquant, par la voie de l'exception, l'illégalité du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte approuvé par un arrêté du préfet de la Gironde du 31 décembre 2001.

5. Selon les requérantes, le plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte aurait été élaboré de manière irrégulière dès lors que l'étude d'impact qui figurait au dossier d'enquête publique ne correspondrait pas à celle annexée à l'arrêté et que cette circonstance expliquerait le classement en zone rouge des terrains d'assiette des projets de construction. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de l'ordonnance de la chambre d'instruction du 18 mars 2010, que si la première étude réalisée en janvier 1997 faisait état de l'efficacité des aménagements réalisés par M.C..., consistant en l'édification d'une digue de 400 mètres de long au droit de sa propriété située à la pointe du Cap Ferret, elle relevait également l'absence de garantie sur le caractère pérenne de ces travaux. Ainsi, la circonstance que cette étude n'ait finalement pas été annexée au plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, laquelle ne méconnait aucune disposition réglementaire imposant une telle annexion, est sans incidence sur la régularité de la procédure.

6. Par ailleurs, s'il est constant que les ouvrages de défense contre l'érosion marine édifiés par M. C...en 1994, qui font l'objet d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public maritime délivrée par le préfet de la Gironde le 23 octobre 2012, ont permis de lutter utilement contre l'érosion marine à la pointe du Cap Ferret, les pièces produites au dossier montrent qu'avant l'approbation du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte comme après cette approbation, des effondrements et des éboulements se sont produits à proximité, et que le chenal du Ferret s'approfondit, ce qui aggrave le risque de déstabilisation des ouvrages. Ainsi, la digue construite ne peut être regardée comme un ouvrage pérenne figeant le trait de côte, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, et le moyen tiré de ce que le classement de la propriété de la SCI Carpe Diem en zone rouge du plan de prévention des risques littoraux approuvé en 2001 serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté. De même, compte tenu de la récurrence de ces évènements, l'autorité administrative a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer à la date des décisions attaquées qu'il n'y avait pas lieu de réviser le zonage pour classer le terrain d'assiette du projet en zone bleue.

7. Les appelantes font valoir en deuxième lieu que la décision litigieuse est constitutive d'une rupture manifeste d'égalité entre les administrés de la commune car d'autres habitants, également situés en zone rouge du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte, ont obtenu des autorisations de construire. Toutefois une telle circonstance est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse, qui repose sur la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme et du règlement du plan de prévention des risques d'avancée dunaire et de recul du trait de côte et la dangerosité de la zone dans laquelle est situé le terrain d'assiette du projet. Par suite le moyen tiré de la rupture d'égalité doit être écarté.

8. En troisième lieu, les requérantes soutiennent que les projets de construction ne pouvaient être légalement refusés dès lors que le " petit hangar ", régulièrement édifié en 1905 serait reconstruit à l'identique en toutes ses dimensions et que le " grand hangar " a été régulièrement édifié avant d'être détruit par un incendie.

9. Pour refuser la reconstruction du " grand hangar ", le maire de la commune a retenu qu'il avait été édifié en 1996 sans autorisation. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures des appelantes que ce hangar a été édifié sans que soit délivré un permis de construire. Si les requérantes se prévalent d'une autorisation provisoire accordée à l'occasion du tournage d'un film, elles n'en justifient pas. Enfin, si elles soutiennent également qu'un représentant de l'État avait pris l'engagement le 27 décembre 1993 de reconnaître le caractère constructible des terrains de la société civile immobilière en échange de la réalisation de travaux destinés à limiter l'érosion marine, ces propos ne pouvaient conférer aucun droit à construire dans une zone soumise à plan de prévention des risques. Le maire a donc pu retenir à bon droit que le " grand hangar " n'avait pas été régulièrement édifié pour refuser la reconstruction de ce bâtiment.

10. Le refus du maire de Lège-Cap Ferret d'autoriser la reconstruction du " petit hangar " est fondé sur l'irrégularité de la construction initiale, l'absence de reconstruction à l'identique et la circonstance qu'il n'est pas établi que la destruction de ce bâtiment serait due à un sinistre étranger à l'avancée dunaire ou au recul du trait de côte. Pour contester le motif tiré de l'absence d'autorisation régulière de construire ce bâtiment, les requérantes soutiennent qu'il a été construit en 1905, avant la généralisation des autorisations d'urbanisme. Toutefois, en produisant une photographie non datée et en invoquant l'état de vétusté de ce bâtiment, les requérantes ne démontrent pas que la construction aurait été édifiée avant l'entrée en vigueur de la loi d'urbanisme du 15 juin 1943 relative au permis de construire qui a posé le principe selon lequel toute personne qui entend édifier une construction doit obtenir une autorisation. De même, la production d'une photographie de ce hangar ne suffit pas à justifier de ses dimensions alors que la commune produit un relevé établi par des agents de la direction départementale de l'équipement au cours d'une visite de la propriété de M. C...réalisée avec son accord, aux termes duquel les dimensions du bâtiment sont de 7,1 mètres par 6,6 mètres alors que le dossier de demande de permis de construire prévoit une construction de 9 mètres par 8,50 mètres. Ainsi, le maire de Lège-Cap Ferret pouvait légalement retenir ces deux motifs pour refuser la délivrance du permis de construire concernant le " petit hangar. "

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, ni de surseoir à statuer, ni de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la demande de la SCI Carpe Diem, que la SCI Carpe Diem et l'association Hangar et Compagnie ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2012 par lequel le maire de Lège-Cap Ferret a refusé de délivrer à l'association Hangar et Compagnie un permis de construire.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la SCI Carpe Diem et l'association Hangar et Compagnie demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens et de la contribution pour l'aide juridique acquittée en première instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérantes une somme de 1 000 euros chacune à verser à la commune de Lège-Cap Ferret au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 15BX00027 de l'association Hangar et Compagnie et la requête n° 15BX00028 de la SCI Carpe Diem sont rejetées.

Article 2 : La SCI Carpe Diem et l'association Hangar et Compagnie verseront à la commune de Lège-Cap Ferret une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Carpe Diem, à l'association Hangar et Compagnie et à la commune de Lège-Cap Ferret. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 février 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2017.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 15BX00027, 15BX00028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00027,15BX00028
Date de la décision : 16/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP NOYER - CAZCARRA ; SCP NOYER - CAZCARRA ; SCP NOYER - CAZCARRA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-16;15bx00027.15bx00028 ?
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