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14/03/2017 | FRANCE | N°16BX02969

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 14 mars 2017, 16BX02969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...H...D...E...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2015 du préfet de la Guyane portant refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié.

Par un jugement n°1500738 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 29 aout 2016 et le 17 octobre 2016, M. D...E..., représenté par MeF..., demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 7 avril 2016 ;

2°) d'annuler la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...H...D...E...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2015 du préfet de la Guyane portant refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié.

Par un jugement n°1500738 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 29 aout 2016 et le 17 octobre 2016, M. D...E..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 7 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de lui délivrer un titre de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte fixée à 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés pour l'instance et non compris dans les dépens, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...E..., de nationalité péruvienne, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement sur le territoire français en 2003 à l'âge de trente-deux ans. Par une décision du 30 juin 2006 confirmée le 21 décembre 2006 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. M. D...E...a obtenu un titre de séjour en tant qu'étranger malade pour la période du 5 novembre 2007 au 4 novembre 2008. Le 5 avril 2015, il a déposé une nouvelle demande de régularisation que le préfet de la Guyane a rejetée par arrêté du 21 septembre 2015. M. D...E...relève appel du jugement du 7 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2015.

Sur la régularité du jugement du 7 avril 2016 :

2. Dans la demande enregistrée le 18 novembre 2015 au greffe du tribunal administratif de la Guyane, M. D...E...soutient que l'arrêté n'est pas signé par le préfet alors qu'il n'est produit aucune délégation donnant compétence au signataire. Dans le jugement du 7 avril 2016, les premiers juges n'ont ni visé ni répondu à ce moyen. Par suite, ce jugement doit être annulé et il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D...E....

Sur la légalité de l'arrêté du 21 septembre 2015 :

3. En premier lieu, par arrêté du 18 septembre 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de la Guyane a donné à M. C... A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, délégation pour signer notamment les refus de titre de séjour et les mesures d'éloignement des étrangers. M. D...E...soutient qu'un tel document qui n'est ni daté, ni signé, méconnaît les termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 en vigueur au 21 septembre 2015, selon lesquels une décision doit comporter " outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Toutefois, l'arrêté du 18 septembre 2015 comporte la signature électronique de son auteur conforme aux dispositions de l'article 1316-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 selon lequel " L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité " et de celles de l'article 1316-3 du même code, issu de la même loi du 13 mars 2000 disposant que " L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier ". Dans ces conditions, le moyen invoqué par M. D...E...ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, M. D...E...soutient que l'arrêté du 21 septembre 2015 méconnaît les articles ler et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dès lors qu'il lui est impossible de comprendre sur quel fondement sa demande a été examinée alors qu'elle a été présentée sur le fondement de l'article L.313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. L'arrêté du 21 septembre 2015 mentionne que M. D...E...a présenté une promesse d'embauche datant de 2015, qu'aucun autre document salarial antérieur n'a été versé dans son dossier démontrant une activité professionnelle stable et ancienne sur le territoire, que de ce fait, il ne peut bénéficier d'une admission au séjour par délivrance d'un titre salarié en application des dispositions introduites par l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, ce qui suffit à justifier le refus d'une carte de séjour mention salarié que le requérant avait demandée. L'arrêté ajoute que M. D...E..." justifie depuis 2006, d'une présence territoriale peu probante ; que l'année 2014 n'est pas démontrée et que les documents de présence présentés pour les années antérieures sont très ténus et peu probants (pratiquement que des avis d'imposition) ; que l'intéressé a été titulaire d'un titre de séjour de 2007 à 2008 et qu'il n'a pas procédé à aucun renouvellement de séjour; qu'il déclare être hébergé par une soeur mais ce lien familial reste ténu (pas d'acte de naissance); qu'outre une présence territoriale peu probante, l'intéressé ne démontre d'aucune implication associative ou autre; que dans ces conditions, Monsieur D...E...G...ne remplit pas toutes les conditions exigées et ne peut prétendre à une admission exceptionnelle au séjour". En précisant ainsi que M. D...E...ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant une admission exceptionnelle au séjour et n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet à qui il était loisible d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celles invoquées dans la demande, notamment en vue de régulariser sa situation.

6. Ainsi l'arrêté, qui n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments tenant à la situation personnelle de M. D...E..., énonce suffisamment les considérations de fait sur lesquelles le préfet a fondé son appréciation pour refuser de lui délivrer un titre de séjour. Ce faisant, le préfet n'a entaché sa décision d'aucune omission de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 21 septembre 2015 qui est suffisamment motivé au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des arrêtés doit être écarté.

7. Enfin, il ressort de cette motivation et des autres pièces du dossier que, pour prendre l'arrêté du 21 septembre 2015, le préfet ne s'est pas seulement fondé sur la circonstance que M. D...E...n'aurait pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour mais a procédé à l'examen de l'ensemble de sa situation administrative au regard des dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision sans retenir à tort la circonstance que M. D...E...n'aurait pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour et le moyen tiré de ce que l'arrêté est sur ce point entaché d'une erreur de fait de nature à justifier son annulation doit être écarté.

8. En troisième lieu, M. D...E...soutient que l'arrêté du 21 septembre 2015 est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet se réfère implicitement à la circulaire INTK1229185C du 28 novembre 2012, qui n'a pas de valeur juridique et qu'il a rajouté des conditions aux textes en exigeant la preuve d'une activité salariée ancienne en France. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit, il ressort de la motivation de l'arrêté et des autres pièces du dossier que, pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet a procédé à l'examen de l'ensemble de la situation administrative de M. D...E...au regard des dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet, qui ne s'est pas davantage abstenu d'exercer son pouvoir discrétionnaire de régularisation, se serait à tort implicitement référé à la circulaire INTK1229185C du 28 novembre 2012 ou aurait de façon illégale fondé sa décision sur des critères d'appréciation ou des conditions non prévus par les textes législatifs et réglementaires. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

9. En quatrième lieu, M. D...E...soutient que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les articles L.313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle lui reproche de ne pas avoir fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et d'avoir effectué plusieurs séjours en Martinique et à l'étranger notamment pour renouveler son passeport en l'absence de consulat du Pérou en Guyane, ce qui n'est pas de nature à interrompre la continuité de la résidence habituelle en France.

10. Pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Dans ce but, M. D...E...fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis douze ans, qu'il y vit auprès de sa soeur et de ses enfants auprès desquels il joue un rôle éducatif important, qu'amputé de plusieurs doigts, il est suivi par un service orthopédique depuis plusieurs années et que malgré ce handicap, il a réussi à obtenir une promesse d'embauche de la part de la société MGC Solutions.

11. Toutefois, M. D...E...est entré en France irrégulièrement et ne fait état d'aucune date d'entrée précise et il ressort des pièces du dossier que ses passeports ont été renouvelés à l'étranger et ont été délivrés par les autorités de son pays les 8 août 2005 et 15 janvier 2010 ce qui établit qu'il se trouvait, entre 2005 et 2010, au Pérou. M. D...E...n'apporte aucun élément de nature à prouver qu'il n'y aurait effectué que de très courts séjours qui n'auraient pu interrompre la continuité de la résidence habituelle en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que M. D...E...qui ne fournit, à l'appui de sa requête, que des documents parcellaires et insuffisants pour attester d'une présence effective sur le territoire, résiderait de manière continue en France depuis environ douze années à la date de la décision.

12. De même, pour justifier avoir fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, M. D...E...soutient y vivre auprès de sa soeur et de ses enfants auprès desquels il jouerait un rôle éducatif important. Toutefois il ressort des pièces jointes à sa requête, qu'il a, jusqu'à une date très récente, résidé chez des tiers et M. D...E..., célibataire et sans enfant, ne fait état d'aucune circonstance établissant qu'il a effectivement construit sa vie privée et familiale en France ou permettant de considérer qu'il y a développé une vie sociale importante. Il ne démontre pas davantage la réalité de son intégration dans la société française alors qu'il est constant qu'il dispose encore d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses père et mère, de même que son frère Roberto et sa soeur Sandra. En outre, M. D... E...ne justifie pas avoir une connaissance suffisante de la langue française, n'a pas été en mesure de se prévaloir d'un contrat de travail dûment visé par les services du travail et de l'emploi et ne démontre pas davantage exercer une activité professionnelle à la date de l'arrêté de sorte que le préfet était fondé à lui refuser la délivrance de carte de séjour en tant que salarié.

13. Enfin, M. D...E...qui, dans la demande présentée à la préfecture de la Guyane, n'a pas sollicité de titre de séjour en raison de son état de santé, ne fait état devant la cour d'aucun problème de santé particulier alors qu'en première instance, il avait évoqué " souffrir d'une forme grave d'asthme " ainsi qu'un accident survenu selon toute vraisemblance au Pérou en 1995 et qui lui a valu d'être amputé de plusieurs doigt à la main droite.

14. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de M. D...E...au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs et en tout état de cause, elle ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Dans sa requête, M. D...E...ajoute qu'en lui refusant un titre de séjour sans assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle. Toutefois et en tout état de cause, ainsi qu'il vient d'être dit, il n'est pas contesté que M. D...E...dispose encore d'attaches familiales dans son pays d'origine et ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à son retour au Pérou. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait porté une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. D...E...doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies, de même que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane en date du 7 avril 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...E...devant le tribunal administratif de la Guyane et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

4

16BX02969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02969
Date de la décision : 14/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : MARCIGUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-14;16bx02969 ?
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