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07/03/2017 | FRANCE | N°16BX03427

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 07 mars 2017, 16BX03427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 7 juin 2016 par lequel le préfet du Tarn a décidé son transfert aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1602881 du 5 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2016, M.A..., représentée par Me C..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 7 juin 2016 par lequel le préfet du Tarn a décidé son transfert aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1602881 du 5 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2016, M.A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 5 juillet 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer une nouvelle attestation de dépôt de demande d'asile dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 18 juillet 1951 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du conseil du 11 décembre 2000 ;

- le traité (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le traité (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gil Cornevaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée par le préfet du Tarn a été enregistrée le 6 février 2017.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité afghane, est entré en France le 4 février 2016 selon ses déclarations, pour y solliciter l'asile. Lors de la présentation de sa demande d'asile, le 29 février 2016, l'administration a constaté que ses empreintes décadactylaires avaient précédemment été relevées en Allemagne le 9 décembre 2015 et a estimé que l'examen de sa demande d'asile relevait de cet Etat. Par arrêté du 7 juin 2016, le préfet du Tarn a décidé de transférer M. A... aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement du 5 juillet 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen en dénaturant les faits ou en entachant son raisonnement d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel. Il appartient seulement à ce dernier, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen écarté à tort, puis, le cas échéant, sur les autres moyens invoqués en appel. Dès lors, M. A...ne peut utilement se prévaloir de telles erreurs pour soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

3. Si M. A...soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de comprendre les informations qui lui ont été délivrées pendant la procédure de première instance, faute d'avoir pu bénéficier d'un interprète, il ressort des mentions du jugement, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'il a été proposé à M. A...une traductrice assermentée auprès de la Cour d'appel de Toulouse pour le persan, qui comprenait le pachtoune et qui, par conséquent, était en mesure d'assurer son interprétariat, mais que cette personne n'a pas reçu l'agrément de M.A..., lui préférant une autre interprète mais qui n'était assermentée que pour l'ourdou. Par suite, il ne peut être reproché au tribunal de n'avoir pu faire bénéficier M. A...d'un interprète de langue pachtoune, afin de l'assister durant la procédure juridictionnelle.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 7 juin 2016 :

4. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ".

5. En application de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la décision de transférer un demandeur d'asile vers un Etat membre considéré comme responsable de la demande d'asile " contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable ". L'article 29 du même règlement relatif aux modalités et délai du transfert, prévoit que " si nécessaire, le demandeur est muni par l'État membre requérant d'un laissez-passer ".

6. L'arrêté contesté indique en son article 2 le délai dans lequel le transfert doit avoir lieu " en application de l'article 29.2 du règlement UE 604/2013 ". Cette indication, qui renvoie précisément au texte applicable, permettait à l'intéressé de savoir que les autorités françaises seraient compétentes pour examiner sa demande d'asile en cas d'inexécution de la décision dans le délai prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013. M. A...n'ayant pas manifesté l'intention de se rendre en Allemagne par ses propres moyens, la décision n'avait pas à mentionner cette possibilité. Elle n'avait pas davantage à mentionner les modalités pratiques du transfert.

7. Il résulte des dispositions des articles 4 et 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions susmentionnées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'ont été remises à M.A..., le 29 février 2016, les brochures figurant en annexe X du règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014 " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " (brochure A) et " Je suis procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), tel que le montrent les premières pages des brochures produites en première instance, rédigées en pachtou et revêtues de la signature de l'intéressé qui n'apporte aucune précision permettant d'estimer que le contenu des brochures qu'il a reçues ne correspondraient pas à celui des brochures prévues par le règlement (UE) n° 604/2013.

9. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) no 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1 (...) ".

10. M. A...ayant accepté le relevé de ses empreintes digitales, la circonstance selon laquelle les informations relatives à ce relevé, en particulier le caractère obligatoire de ce relevé, l'identité du responsable des données et celle du destinataire des données ainsi collectées, ne lui auraient pas été données lors de la prise de ses empreintes n'est, en tout état de cause, pas susceptible de l'avoir privé d'une garantie ou d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision attaquée.

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un document émanant de la direction de l'Asile du 24 février 2016 et de la fiche Eurodac concernant M.A..., produits en première instance, que les empreintes digitales relevées le 9 décembre 2015 en Allemagne et celles de M. A...relevées le 24 février 2016 en France sont identiques. Ces documents font état de données très précises et notamment du numéro sous lequel ont été enregistrées les empreintes en Allemagne dans le fichier Eurodac. En l'absence de tout élément sérieux de contestation, il y a lieu de tenir pour acquise la réalité du relevé d'empreintes réalisé en Allemagne dans le cadre d'une demande d'asile, dont fait état le ministre dans ce courrier. En se bornant à affirmer qu'il n'a en fait pas souhaité déposer de demande d'asile en Allemagne, M. A... ne contredit pas utilement les données objectives sur lesquelles s'est appuyé le préfet pour prendre la décision contestée. M.A..., n'établit pas non plus qu'il n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 18-1 b du règlement (UE) n° 604/2013 au titre desquelles la France a émis une requête aux fins de reprise en charge par l'Allemagne. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'administration n'aurait pas procédé sur ce point à un examen particulier de sa situation.

12. L'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

13. Un résumé de l'entretien individuel réalisé le 29 février 2016 avec M. A...a été produit par le préfet en première instance. Ce document est revêtu de la signature de l'intéressé et d'un interprète. Le résumé indique que l'entretien s'est déroulé en langue pachtou que l'intéressé a déclaré comprendre. Par ailleurs si M. A...reproche au résumé de l'entretien individuel de ne pas mentionner le nom de l'agent notifiant, une telle obligation n'est nullement prévue par l'article 5 du règlement n° 604/2013. Dans ces conditions, et sans autres précisions de la part du requérant sur les garanties dont il aurait été privé lors de cet entretien, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. Aucune disposition ne prévoit que le demandeur d'asile qui fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soit destinataire de la décision par laquelle l'Etat requis donne son accord à la prise ou la reprise en charge de sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A...n'a pas reçu la décision des autorités allemandes, qui d'ailleurs en l'espèce a été rendue implicitement, conformément au 7 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, doit être écarté.

15. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M.A..., qui doit être regardé comme ayant déposé une demande d'asile en Allemagne, n'est pas fondé à soutenir que cet Etat ne serait pas responsable de sa demande d'asile au sens du règlement (UE) n° 604/2013.

16. Enfin, en application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, " chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas " en vertu des critères fixés dans le règlement.

17. M.A..., arrivé très récemment en France, ne peut se prévaloir d'aucune vie privée ou familiale en France où il n'apparaît pas qu'il aurait créé de relations ou tissé de liens personnels significatifs. M. A...ne justifie pas non plus d'une situation particulière qui aurait dû conduire l'autorité administrative à faire application des clauses discrétionnaires prévues à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 26 juin 2013. Dans ces conditions, et alors même que M. A...soutient qu'il aurait pu s'intégrer en France, le préfet, en décidant de le transférer aux autorités allemandes, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

19. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, il ne peut être fait droit aux conclusions du requérant tendant au versement à son avocat d'une somme sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

2

N° 16BX03427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03427
Date de la décision : 07/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MARTIN-CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-07;16bx03427 ?
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