Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier de Blaye à lui verser une indemnité de 334 572,19 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée dans cet établissement le 18 novembre 2008 ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1204342 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le centre hospitalier de Blaye à verser à Mme C...la somme de 5 800 euros en réparation de son préjudice ainsi que 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à supporter les frais d'expertise d'un montant de 720 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 4 février 2015, 18 mars 2015 et 21 juillet 2015, le centre hospitalier de Blaye, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 décembre 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de MmeC....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,
- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., alors âgée de 55 ans, qui souffrait de méno-métrorragies et de douleurs pelviennes chroniques persistantes malgré une endométrectomie réalisée au mois d'octobre 2007, a subi, le 18 novembre 2008 au centre hospitalier de Blaye, une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale par laparotomie. Revue en consultation le 25 novembre suivant pour l'ablation des agrafes, elle a fait état de douleurs au côté gauche, dans la fosse iliaque et la région lombaire. Devant la persistance de ces douleurs, son médecin traitant l'a adressée à un médecin orthopédiste qui a prescrit un examen d'imagerie par résonance magnétique réalisé le 29 janvier 2009, lequel a révélé une volumineuse collection ilio-psoatique avec dilatation urétéro-rénale gauche. Mme C...a été hospitalisée du 4 au 6 février 2009 et une cystoscopie réalisée au cours de cette hospitalisation a mis en évidence un urinome dû à une sténose de l'uretère gauche. La patiente, qui a dû subir une intervention de néphrostomie afin de décompresser le rein gauche et soutient conserver des séquelles de cette complication, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Blaye à lui verser une indemnité de 334 572,19 euros en réparation de ses préjudices. Par jugement du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'établissement à verser à Mme C...une somme de 5 800 euros en réparation de ses préjudices. Le centre hospitalier de Blaye relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme C...conclut à titre principal à l'organisation d'une contre-expertise et subsidiairement à la réformation du jugement en tant qu'il ne lui a alloué qu'une indemnisation limitée à 5 800 euros.
Sur la régularité des opérations d'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative relatif aux opérations d'expertise : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise (...) / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport (...) ". Aux termes de l'article R. 621-7-1 du même code : " Les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. (...) ". En application de l'article R. 621-9 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le rapport est déposé au greffe en deux exemplaires. Des copies sont notifiées par l'expert aux parties intéressées (...) / Les parties sont invitées par le greffe de la juridiction à fournir leurs observations dans le délai d'un mois ; une prorogation de délai peut être accordée ". Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'expert communique des notes aux parties, pas plus qu'un pré-rapport, ni qu'il mette en débat ses conclusions.
3. Les premiers juges ont relevé qu'il résultait de l'instruction qu'après avoir réuni les parties le 14 septembre 2011, l'expert désigné en référé avait établi son rapport le 20 septembre suivant, que s'il l'avait communiqué aux parties présentes à l'expertise avant de le transmettre au greffe du tribunal par lettre du 7 novembre 2011, il ne pouvait cependant être regardé comme établi, au vu des pièces du dossier, que l'expert aurait demandé aux parties de faire part de leurs observations à ce pré-rapport dans un délai de quinze jours et que, dès lors, les dires établis les 3 et 7 octobre 2011 par le conseil de Mme C...ne sauraient être regardés comme ayant été formulés dans le cours des opérations d'expertise. Le tribunal en a déduit que l'expert n'était tenu ni de les annexer à son rapport, ni de répondre aux observations que lui avaient adressées les parties sur le rapport qu'il leur avait communiqué. Il a également relevé qu'il appartenait à la requérante de remettre l'ensemble des pièces médicales en sa possession dans les meilleurs délais suivant l'ordonnance du 27 mai 2011 prescrivant l'expertise et que si l'expert, qui n'y était pas tenu, avait omis d'adresser son pré-rapport au conseil du centre hospitalier de Blaye, il l'avait toutefois transmis au médecin conseil du centre hospitalier qui était également présent lors de l'expertise. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire durant les opérations d'expertise, Mme C...ne fait état en appel d'aucun élément nouveau de droit ou de fait. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal.
4. Si l'expert n'a pu disposer de l'ensemble des documents médicaux concernant Mme C..., cette circonstance, ainsi que l'a estimé le tribunal, ne fait cependant pas obstacle à ce que l'expertise rendue le 20 septembre 2011 soit retenue à titre d'élément d'information, dès lors que les parties ont été mises à même de présenter leurs observations dans le cadre de l'instance, au vu des pièces complémentaires communiquées.
Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier de Blaye :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - (...) les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lequel sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
6. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif que la sténose de l'uretère gauche survenue au cours de l'intervention chirurgicale du 18 novembre 2008 a pour origine le blocage de l'uretère par la pince de préhension des vaisseaux utilisée lors de l'intervention. Si l'expert explique ce geste par une insuffisance de repérage de l'uretère dans sa partie inférieure, il précise que la littérature médicale ne conseille pas l'installation systématique de sondes urétérales pré-opératoires dans ce type d'interventions et que le repérage était en l'espèce rendu difficile par des adhérences, compte tenu des antécédents chirurgicaux de la patiente qui avait subi une douglassectomie en 1987. Aucune autre pièce du dossier, et notamment pas la note du médecin qui a assisté Mme C... lors de l'expertise, qui n'indique pas en quoi un repérage précis aurait été possible malgré les adhérences, ne permet d'identifier une faute dans le geste de blocage de l'uretère, que l'expert judiciaire qualifie d'aléa thérapeutique, ni de mettre en doute l'absence de faute à laquelle a conclu l'expert sur ce point. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale prévue au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique soient réunies.
7. Il résulte en revanche de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal, que dès le 16 décembre 2008, date à laquelle Mme C...a consulté au centre hospitalier de Blaye, sur demande de son médecin traitant, pour des cruralgies gauches, des examens complémentaires, et notamment un scanner pelvien, auraient dû être réalisés, eu égard à l'importance des douleurs et à leur caractère inhabituel après une intervention telle que celle subie par la patiente quelques jours plus tôt. Dans ces circonstances, et dès lors que les lésions de l'uretère constituent une complication connue de l'hystérectomie, le centre hospitalier de Blaye n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu à sa charge un retard fautif de diagnostic, l'examen qui a permis de constater la sténose n'ayant été réalisé que le 29 janvier 2009.
8. Aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer qu'une autre faute aurait pu être commise par le centre hospitalier de Blaye dans la prise en charge de MmeC.... En particulier, l'expert judiciaire relève que l'intervention chirurgicale du 18 novembre 2008 était justifiée au regard de son état de santé et que sa prise en charge pour la décompression du rein gauche a été conforme aux données de la science. Si l'expert s'interroge sur le fait qu'une aide par coelioscopie lors de la néphrostomie du 10 février 2009 aurait peut-être permis de diminuer l'importance de la cicatrice, il n'avance sur ce point aucune certitude et ne relève aucune méconnaissance des règles de l'art.
Sur la réparation :
9. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal, que l'état de santé de Mme C...à la suite de la complication qui est survenue a été consolidé le 28 mai 2009 et que la patiente a subi, avant cette date, des douleurs ainsi qu'une période de déficit fonctionnel temporaire. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que le retard de diagnostic d'environ un mois et demi imputable au centre hospitalier de Blaye ne lui a fait perdre aucune chance d'échapper aux conséquences de la sténose dont elle a été victime, et en particulier aux interventions qui ont été nécessaires pour en réparer les conséquences et qui auraient, en tout état de cause, été nécessaires, même en l'absence de retard fautif dans le diagnostic de l'urinome et de la sténose.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
10. La caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF a indiqué n'avoir aucune créance à faire valoir.
11. Si Mme C...soutient avoir exposé des frais de consultation avec un sexologue, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la baisse de libido dont elle se plaint serait en lien avec le retard de diagnostic imputable au centre hospitalier de Blaye. De même, aucun lien de causalité n'est établi entre ce retard et l'éventration subie par l'intéressée en 2009. Mme C...ne peut donc soutenir que l'établissement devrait l'indemniser des frais médicaux restés à sa charge au titre de la cure d'éventration et des frais exposés par son conjoint pour se rendre auprès d'elle lors de son hospitalisation à raison de ces soins. S'agissant des frais de 2 000 euros exposés par Mme C...au titre de l'assistance d'un médecin durant les opérations d'expertise, le tribunal administratif a, à bon droit, condamné le centre hospitalier de Blaye à l'indemniser à hauteur de cette somme. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, pas même de la note du médecin qui a assisté Mme C...durant l'expertise, que la patiente aurait dû recourir à l'aide d'une tierce personne du fait du retard de diagnostic imputable à l'établissement. Elle n'est donc pas fondée à demander une indemnisation au titre de frais d'assistance par une tierce personne.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les périodes d'hospitalisation de Mme C... pour les interventions chirurgicales qu'elle a subies n'ont pas pour origine le retard de diagnostic imputable au centre hospitalier. Son déficit fonctionnel temporaire total durant ces périodes ne peut donc donner lieu à indemnisation par le centre hospitalier. Il en va de même des périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel subi par l'intéressée entre l'intervention de néphrostomie et la date de consolidation de son état de santé, qui sont imputables à l'accident médical non fautif survenu le 18 novembre 2008 et non au retard de diagnostic. En revanche, il résulte de l'instruction que durant environ un mois et demi, avant que soient constatés l'urinome et la sténose de l'uretère, Mme C...a connu un déficit fonctionnel temporaire partiel dû aux douleurs crurales qu'elle ressentait. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif a estimé ce déficit à 5%. L'expert ayant assisté Mme C... a quant à lui évalué ce déficit à 25 % en faisant état de l'importance des douleurs ayant nécessité un traitement morphinique et des répercussions physiques et psychologiques de ces douleurs. Le tribunal a fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, de ce chef de préjudice en l'évaluant à 800 euros.
13. Il résulte de l'instruction qu'entre le 16 décembre 2008, date à laquelle un examen complémentaire aurait dû être réalisé afin de diagnostiquer la sténose dont souffrait Mme C... et le 29 janvier 2009, date à laquelle cet examen a été réalisé, permettant la prise en charge de la patiente, celle-ci a supporté des souffrances estimées à 4 sur 7 tant par l'expert judiciaire que par le médecin qui l'a assistée. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, ces cruralgies sont, ainsi que cela a été relevé par l'expert, distinctes des douleurs pelviennes dont la patiente souffrait antérieurement. En revanche, Mme C...ne peut se prévaloir des souffrances endurées du fait des interventions chirurgicales, qui ne sont pas en lien avec le retard de diagnostic imputable à l'établissement. Le tribunal a fait une juste appréciation des douleurs en lien direct avec la faute, subies pendant environ un mois et demi, en condamnant l'établissement à indemniser Mme C...à hauteur de 3 000 euros.
14. Le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel et le préjudice esthétique dont Mme C... fait état n'ont pas pour origine le retard fautif de diagnostic de la complication survenue le 18 novembre 2008. L'intimée n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes concernant ces chefs de préjudice.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise, que ni le centre hospitalier de Blaye ni Mme C...ne sont fondés à demander l'annulation ou la réformation du jugement du 2 décembre 2014.
Sur les dépens :
16. Si Mme C...conclut à ce que le centre hospitalier de Blaye soit condamné à supporter les dépens de l'instance, l'instance d'appel n'a donné lieu à aucuns dépens. Les dépens de première instance ont, par ailleurs, été mis par le tribunal administratif, dont le jugement n'est pas spécifiquement contesté sur ce point, à la charge du centre hospitalier. Les conclusions de Mme C...ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Blaye la somme que demande Mme C...au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Blaye et les conclusions d'appel incident de Mme C... sont rejetées.
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N° 15BX00426