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14/02/2017 | FRANCE | N°16BX02732

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 14 février 2017, 16BX02732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600325 du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respecti

vement les 5 août 2016 et 13 janvier 2017, Mme D...B..., représentée par MeA..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600325 du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 5 août 2016 et 13 janvier 2017, Mme D...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 juin 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvie Cherrier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., de nationalité algérienne, née le 11 avril 1983, est entrée en France le 19 février 2010 sous couvert d'un visa court séjour de type C. A la suite de son mariage en Algérie avec un ressortissant français, elle a obtenu le 30 mars 2010 un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Après être repartie en Algérie, elle est revenue sur le territoire national le 11 novembre 2010. Le préfet de la Haute-Garonne a, par un arrêté du 12 décembre 2012, rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français, en conséquence de son divorce intervenu le 23 novembre 2010. Le 13 février 2015, l'intéressée a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 7 b) de l'article franco-algérien. Par un arrêté du 22 décembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre un refus de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 24 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aucun texte ou principe général ne s'oppose à ce que le préfet délègue sa compétence pour les décisions relatives au séjour des étrangers ainsi que pour les mesures d'éloignement prises à leur encontre. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, l'arrêté contesté a été signé par M. Stéphane Daguin, secrétaire général de la préfecture qui, aux termes de l'arrêté du 2 novembre 2015 du préfet de la Haute-Garonne, régulièrement publié le même jour au recueil spécial n° 31-2015-046 des actes administratifs de la préfecture, disponible en particulier sous sa forme électronique, a reçu délégation de signature à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers. Ces dispositions, qui sont suffisamment précises, donnaient légalement compétence à M. C...pour signer l'acte en litige. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, le refus de séjour vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne, par ailleurs, les conditions d'entrée et de séjour en France de MmeB..., son mariage avec un ressortissant français, le refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire national pris à son encontre le 12 décembre 2012, resté inexécuté, l'irrégularité de son maintien sur le territoire national, lequel s'oppose à la régularisation de sa situation sur le fondement des dispositions de l'article R. 5221-11 du code du travail en dépit de la demande d'autorisation de travail établie par une société de restauration en vue de son emploi comme agent de service, l'absence d'élément de nature à justifier une mesure de régularisation au titre du travail, et enfin, l'absence d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle n'a été admise à séjourner en France que pour y rejoindre son époux, dont elle a divorcé, qu'elle s'y maintient en situation irrégulière depuis trois ans, qu'elle ne justifie pas de liens particuliers sur le sol national et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales fortes en Algérie. Cette décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et doit être regardée comme suffisamment motivée, le préfet n'étant pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments tenant à la situation personnelle et familiale de Mme B....

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée, ni des autres pièces du dossier, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de Mme B...avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

5. En quatrième lieu, l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié stipule que : " (...) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 (lettres c à d), et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ". Selon l'article R. 5221-14 du code du travail : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 (...) l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour". L'article R. 5221-3 du code du travail dispose : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 14° Le contrat de travail ou la demande d'autorisation de travail visés par le préfet, dans l'attente de la délivrance des cartes de séjour mentionnées aux 5°, 6°, 7°, 8° et 9°. Pour l'application de l'article R. 5221-17, les modèles de contrat de travail mentionnés au présent article sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'immigration. ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5°, 6°, 7°, 8°, 9°, 9° bis, 12° et 13° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. (...) ". Selon l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 dudit code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".

6. Ces dispositions prévoient que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Saisi régulièrement d'une telle demande, le préfet est tenu de l'instruire et ne peut pendant cette instruction refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. En revanche, aucune stipulation de l'accord franco-algérien ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance du certificat de résidence.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenue en toute illégalité sur le territoire à la suite de la mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 12 décembre 2012. A la date de la décision attaquée, l'intéressée n'était ainsi pas titulaire du visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien précité. Il s'ensuit que le préfet pouvait, pour ce seul motif et sans qu'il soit tenu de procéder au préalable à l'instruction de la demande d'autorisation de travail produite par MmeB..., refuser à cette dernière la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de salarié.

8. En cinquième lieu, Mme B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 5221-17 du code du travail dès lors que, en l'absence d'une autorisation de séjourner en France, elle ne pouvait faire l'objet d'une demande d'autorisation de travail, en application des dispositions de l'article R. 5221-14 du même code.

9. En sixième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. Mme B...soutient qu'elle séjourne depuis près de six années en France où se trouve désormais le centre de ses intérêts privés et professionnels. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée est célibataire depuis son divorce, intervenu le 23 novembre 2010, et sans charge de famille. Elle ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française et ne démontre pas y avoir tissé des liens d'une particulière intensité. Si elle se prévaut de la présence de membres de sa famille sur le territoire français, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu durant vingt-sept ans. Par suite, et eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, l'acte attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

11. En septième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de femme divorcée de Mme B...l'exposerait, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements inhumains ou dégradants.

13. En huitième lieu, en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour contesté, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

2

N° 16BX02732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02732
Date de la décision : 14/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-14;16bx02732 ?
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