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13/02/2017 | FRANCE | N°16BX03648

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 13 février 2017, 16BX03648


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le comité central d'entreprise XPO Supply Chain France d'une part et le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...et N...d'autre part ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle la directrice régionale adjointe du travail d'Ile de France, responsable de l'unité départementale des Hauts-de-Seine a homologué le document unilatéral de la société XPO Supply Chain France portant su

r le projet de licenciement collectif et plan de sauvegarde de l'emploi.

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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le comité central d'entreprise XPO Supply Chain France d'une part et le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...et N...d'autre part ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle la directrice régionale adjointe du travail d'Ile de France, responsable de l'unité départementale des Hauts-de-Seine a homologué le document unilatéral de la société XPO Supply Chain France portant sur le projet de licenciement collectif et plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un jugement n°s 1603539 et 1603566 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 14 juin 2016.

Procédures devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2016, et un mémoire du 10 janvier 2017, la société XPO Supply Chain France, représentée par Me de la Brosse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2016 ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des intimés, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Toulouse doit être annulé pour erreur de droit dès lors que le tribunal a ajouté à la loi des conditions supplémentaires quant au périmètre devant être retenu pour l'appréciation des critères d'ordre de licenciement. En effet, si en vertu de l'article L. 1233-5 du code du travail, pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi, le périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement dans le cas d'un document unilatéral, ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernée par les suppressions d'emploi, en vertu de l'article D. 1233-2 du même code les zones d'emploi sont celles référencées par l'atlas des zones d'emploi établi par l'INSEE Or en l'espèce, et alors que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ne peut dans l'appréciation du document unilatéral qui lui est soumis, que contrôler le respect de ces dispositions, le tribunal a ajouté des conditions non prévues par la loi en considérant que la décision d'homologation était entachée d'erreur de droit pour ne pas prendre en compte dans la zone d'emploi, la zone d'Orange, alors que l'établissement de Monteux pour lequel était élaboré le plan de sauvegarde de l'emploi ne se trouvait pas dans la zone d'emploi d'Orange délimitée par l'atlas des zones d'emploi établi par l'INSEE. La société XPO se devait dans le respect des articles L. 1233-5 et D. 1233-2 de retenir le périmètre de la zone d'emploi tel qu'il était défini par l'INSEE. Aucune remarque n'a d'ailleurs été émise par les élus du comité central d'entreprise et du comité d'établissement quant à l'application de la zone d'emploi pour le périmètre d'application des licenciements. L'expert du comité central d'entreprise a lui-même confirmé dans son rapport que l'application des critères d'ordre des licenciements a été opérée dans la zone d'emploi. Le tribunal administratif reproche à la société de ne pas avoir retenu un périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements supérieur à la zone d'emploi dans laquelle se trouve l'établissement de Monteux, à savoir un périmètre qui aurait englobé la zone d'emploi d'Avignon et celle d'Orange. Selon la cartographie INSEE, l'établissement de Monteux appartient à la zone d'emploi d'Avignon. L'établissement d'Orange, qui n'est pas impacté par un plan de sauvegarde de l'emploi, ne relève pas de la zone d'emploi d'Avignon mais de la zone d'emploi d'Orange. L'employeur ne dispose d'aucune marge de manoeuvre concernant la délimitation des zones d'emploi, qui ne relève en vertu des textes du code du travail applicables que de la nomenclature de l'INSEE. Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs de première instance, tous les postes impactés par les licenciements concernent des emplois se trouvant sur les sites de Monteux et de Lagny, les deux emplois de directeur de site et de comptable se trouvant rattachés au site d'Orange ne sont pas concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi. Dès lors, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la détermination du périmètre d'application de l'ordre des licenciements dès lors que comme l'indique la décision d'homologation, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a appliqué les articles L. 1233-5 et D. 1233 du code du travail ;

- en vertu de la combinaison des articles 288 et 295 de la loi du 6 août 2015, codifiée à l'article L. 1233-5 du code du travail la loi est applicable aux procédures de licenciement engagées après le 7 août 2015 ;

- à titre subsidiaire, en ce qui ce qui concerne le bien-fondé des moyens de légalité externe et interne qui ont été invoqués devant le tribunal administratif, pour ce qui est tout d'abord de la compétence territoriale, les courriers du 11 décembre 2005 de saisine de la direction régionale du travail de Midi-Pyrénées et la délégation donnée le 21 décembre 2015 par le ministre du travail à la direction régionale du travail d'Ile de France, pour instruire la demande de plan de sauvegarde de l'emploi ont été versés au dossier ;

- que pour ce qui est de la régularité sur le fondement de l'article R. 1233-3-5 du code du travail, de la procédure d'information par l'employeur relative à la désignation du directeur régional du travail compétent, cette information est intervenue comme en justifie la société par les pièces versées au dossier ;

- l'erreur commise sur l'avis de complétude du dossier qui mentionne une demande de validation d'un accord collectif et non d'un document unilatéral est une pure erreur matérielle qui s'est trouvée sans incidence sur la légalité de la décision d'homologation du document unilatéral du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- si dans les demandes devant le tribunal administratif, il était soutenu qu'il avait été apporté des modifications entre la dernière version du plan de sauvegarde de l'emploi remise aux représentants du personnel et le document unilatéral soumis à homologation, les modifications qui ont été apportées ne constituent que des modifications de pure forme, alors qu'en tout état de cause, l'article L. 1233-24-4 du code du travail dispose que le document unilatéral est élaboré après la dernière réunion du comité d'entreprise ;

- en ce qui concerne la motivation, si devant le tribunal administratif, les demandeurs soutenaient que la décision d'homologation du document unilatéral était insuffisamment motivée notamment en ce qu'elle ne se prononçait pas sur l'incidence de l'accord conclu le 24 novembre 2014 relatif au maintien des emplois sur le site de Monteux, aucun texte du code du travail ni aucune instruction de l'administration ne faisaient obligation au directeur régional du travail de faire référence à cet accord au stade de la motivation de la décision d'homologation. Par ailleurs contrairement à ce qu'il est soutenu, la décision d'homologation fait bien référence aux moyens du groupe et à la régularité de la procédure d'information-consultation des représentants du personnel ;

- si les demandeurs ont fait valoir devant le tribunal administratif, que le comité central d'entreprise et les comités d'établissement sud Est 2 et Nord 1 avaient été consultés tardivement en méconnaissance des articles L. 2323-31 et L. 2323-2 du code du travail dès lors qu'ils n'ont été convoqués que le 3 mars 2016 pour une consultation sur le projet de licenciement collectif, cette circonstance s'explique par le fait que la société a recherché un repreneur et de nouveaux clients, ce dont elle a informé tout au long de l'année 2015 les représentants du personnel, et qu'il a par la suite été recherché la signature d'un accord collectif, qui n'a pas abouti, comme il a été constaté à la réunion du 6 février 2016 ;

- contrairement à ce que soutenaient les demandeurs, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont disposé d'éléments d'information suffisants alors par ailleurs que l'expert, M. K...a été régulièrement convoqué à la réunion du comité d'établissement sud Est 2 du 10 mars 2016, la société lui ayant communiqué tous les documents nécessaires à l'exercice de sa mission, ce qu'a d'ailleurs constaté le tribunal de grande instance de Toulouse par une ordonnance du 11 avril 2016 ;

- en ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, la décision d'homologation indique bien que le directeur régional du travail a apprécié le contenu du plan au regard des moyens du groupe ;

- les mesures figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi ne sont pas insuffisantes au regard des moyens du groupe ;

- aucune disposition n'obligeait le plan de sauvegarde de l'emploi à intégrer des mesures de départ volontaire alors que par ailleurs, la recherche d'un accord collectif visant à favoriser des départs volontaires n'a pas abouti ;

- les aides à la formation notamment celles relatives à la formation professionnelle en cas de reconversion (6 000 euros pouvant être portés à 7 000 euros pour les salariés âgés les salariés âgés de plus de cinquante ans ou handicapés) dans le cadre d'un reclassement externe sont importantes alors qu'à cela s'ajoute une aide à la création d'entreprise ou d'une activité indépendante ;

- le congé de reclassement ne peut être regardé comme insuffisant, dès lors qu'il est d'une durée de douze mois soit la durée maximale prévue par l'article L. 1233-71 du code du travail, pouvant aller jusqu'à quinze mois pour les salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans avec une rémunération afférente à ce congé de 86 % de la rémunération brute antérieure puis de 75 % soit très supérieure aux 65 % prévus par le code du travail ;

- l'enveloppe globale du plan de sauvegarde pour l'emploi est de 6 millions d'euros, soit 1,7 million d'euros pour le site de Lagny et 4, 3 millions d'euros pour le site de Lagneux, soit plus de 56 000 euros par salarié ;

- qu'en ce qui concerne les postes offerts au reclassement interne, le site de Rognac situé à Vitrolles, et le site de Saint-Martin de Crau, n'offraient pas d'emplois disponibles au titre du reclassement et c'est pourquoi ils n'ont pas été inclus dans le plan de sauvegarde de l'emploi, alors que pour ce qui est des postes d'Orange, ces postes malgré des aléas quant au devenir du site, existaient à la date de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- la contradiction invoquée tenant à l'embauche de salariés intérimaires sur le site de Monteux, a pour cause un mouvement de grève au début de l'année 2016 ayant nécessité l'embauche d'intérimaires, pour faire face à la demande d'exécution d'un contrat avec un client, la société l'Européenne d'embouteillage ;

- en ce qui concerne le moyen tenant à l'absence de respect par le plan de sauvegarde de l'emploi, de l'accord collectif de fin de conflit du 24 novembre 2014, cet accord n'interdisait pas l'intervention d'un tel plan ;

- en tout état de cause un éventuel manquement à un accord collectif qui prévoit le maintien des emplois sur le site de Monteux jusqu'au 31 décembre 2016, ne peut se résoudre qu'en des dommages et intérêts devant la juridiction judiciaire et de surcroît, à ce jour, la société requérante n'a notifié aucune rupture de contrat de travail pour motif économique sur le site de Monteux alors que par ailleurs l'accord collectif était subordonné à des conditions notamment d'avoir trouvé de nouveaux clients, ce qui n'a pas été le cas ;

- la société XPO, pour satisfaire aux engagements de l'accord collectif a inséré dans le projet de PSE, l'engagement de versement jusqu'au 31 décembre 2016, d'une allocation de reclassement égale à 86 % de la rémunération brute antérieure, ce qui revient compte tenu du taux de charge applicable, à assurer l'équivalent d'un plein salaire jusqu'au 31 décembre 2016 ;

- en ce qui concerne la régularité de la procédure d'information-consultation des représentants du personnel au regard de l'engagement pris par le groupe XPO vis-à-vis du groupe Norbert Dentressangle, lors du rachat intervenu en juin 2015, à l'occasion du rachat de cette société, de maintenir les emplois jusqu'au 8 décembre 2016, cet engagement a été respecté.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2016, le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...et N...représentés par Mes S...et Varo concluent au rejet de la requête de la société XPO Supply Chain France et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le décret du 10 décembre 2015 codifié à l'article D. 1233-2 du code du travail ayant été publié au journal officiel le 12 décembre 2015, il était applicable au 13 décembre 2015 et donc n'était pas applicable en l'espèce, dès lors que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi avait été déposé le 11 décembre 2015 sur le portail dématérialisé ouvert par l'administration ;

- le décret n'a pas de portée juridique et se trouve contraire à la loi dès lors qu'il renvoie aux zones d'emploi mais sans les définir et que l'atlas INSEE n'a même pas été annexé au décret ni publié au Journal Officiel contrairement à ce qu'impose l'article 1er du code civil ;

- le décret du 10 décembre 2015 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il détermine une zone d'emploi d'Avignon trois fois plus étendue que celle d'Orange et d'une population cinq fois plus importante ;

- le découpage en deux zones, celle d'Orange et celle d'Avignon, n'est pas justifié, dès lors que les données sociologiques entre ces deux zones sont très ressemblantes, Orange étant par ailleurs accessible par l'autoroute A7 depuis Monteux, et la définition des zones d'emploi est dès lors entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- si la loi pouvait simplifier les zones d'emploi, elle ne pouvait pas réduire anormalement le périmètre à un niveau inférieur à la zone géographique dans laquelle la mutation du salarié n'est pas considérée comme une modification de son contrat de travail sauf à créer une rupture d'égalité entre les salariés d'une même entreprise ;

- la zone d'emploi devait nécessairement comprendre Orange dans la mesure où deux postes concernés par les suppressions d'emploi étaient mutualisés entre Montreux et Orange ;

- dès lors que le comité d'établissement Sud Est comprenait les zones d'emploi d'Avignon et d'Orange, ce sont ces deux zones d'emploi qui auraient du être prises en compte au titre du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements ;

- en ce qui concerne les autres points sur lesquels la cour aurait à statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les demandeurs de première instance indiquent s'en remettre à leurs écritures de première instance ;

- la décision d'homologation est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte, l'avis de complétude du dossier est erroné et la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisamment motivée ;

- en ce qui concerne la procédure interne à l'entreprise, le comité d'entreprise a été saisi tardivement, et les membres du comité d'entreprise ont été insuffisamment informés ;

- les membres du CHSCT n'ont pas non plus disposé d'éléments d'information suffisants ;

- la décision d'homologation n'a pas pris en compte les moyens du groupe ;

- le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures insuffisantes en matière d'aides au reclassement et des efforts de formation et d'adaptation alors qu'un certain nombre de salariés sur le site de Monteux étaient particulièrement difficiles à recaser ;

- le budget de la formation pour l'aide à la création d'entreprise, s'il a été amélioré, reste insuffisant ;

- le budget pour la formation est insuffisant au regard des moyens du groupe alors que le coût des formations professionnelles pour les salariés est très élevé ;

- l'allocation de reclassement ne peut être regardée comme suffisante, dès lors qu'elle n'est que de 75 % de l'ancien salaire brut, et pour une durée seulement de douze mois, ce qui est identique à ce qui se pratique dans les petites entreprises.

II) Par un recours enregistré le 13 décembre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2016 ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- la décision d'homologation du document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation quant au choix du périmètre d'application des critères d'ordre du licenciement ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 1233-5 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 dès lors que la rédaction de cette nouvelle loi est intervenue au regard de la jurisprudence issue de l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 décembre 2015, n° 386582, Société Mory Ducros, dans lequel le Conseil d'Etat a jugé sur la base de l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015, que sauf accord collectif conclu au niveau de l'entreprise ou à un niveau plus élevé, dans le cadre d'un document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi, les critères déterminant l'ordre des licenciements devaient être mis en oeuvre au niveau de l'ensemble des établissements de l'entreprise. Les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 6 août 2015 démontrent la volonté des parlementaires de définir une zone d'emploi selon une " nomenclature objective ", qui est celle des zones d'emploi de l'INSEE ;

- le choix de l'employeur de définir ou non un périmètre d'application des critères d'ordre du licenciement plus large ou non que la zone d'emploi est un choix libre sur lequel ni l'administration ni le juge administratif ne sauraient opérer de contrôle ;

- en ce qui concerne les autres points sur lesquels la cour aurait à statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le ministre indique s'en remettre à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2016, le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...etN..., représentés par Mes S...et Varo, concluent au rejet du recours du ministre et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le décret du 10 décembre 2015 codifié à l'article D. 1233-2 du code du travail ayant été publié au journal officiel le 12 décembre 2015, il était applicable au 13 décembre 2015 et donc n'était pas applicable en l'espèce, dès lors que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi avait été déposé le 11 décembre 2015 sur le portail dématérialisé ouvert par l'administration ;

- le décret n'a pas de portée juridique et se trouve contraire à la loi dès lors qu'il renvoie aux zones d'emploi mais sans les définir et que l'atlas INSEE n'a même pas été annexé au décret ni publié au Journal Officiel contrairement à ce qu'impose l'article 1er du code civil ;

- le décret du 10 décembre 2015 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il détermine une zone d'emploi d'Avignon trois fois plus étendue que celle d'Orange et d'une population cinq fois plus importante ;

- le découpage en deux zones, celle d'Orange et celle d'Avignon, n'est pas justifié, dès lors que les données sociologiques entre ces deux zones sont très ressemblantes, Orange étant par ailleurs accessible par l'autoroute A7 depuis Monteux, et la définition des zones d'emploi est dès lors entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- si la loi pouvait simplifier les zones d'emploi, elle ne pouvait pas réduire anormalement le périmètre à un niveau inférieur à la zone géographique dans laquelle la mutation du salarié n'est pas considérée comme une modification de son contrat de travail sauf à créer une rupture d'égalité entre les salariés d'une même entreprise ;

- la zone d'emploi devait nécessairement comprendre Orange dans la mesure où deux postes concernés par les suppressions d'emploi étaient mutualisés entre Montreux et Orange ;

- dès lors que le comité d'établissement Sud Est comprenait les zones d'emploi d'Avignon et d'Orange, ce sont ces deux zones d'emploi qui auraient du être prises en compte au titre du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements ;

- en ce qui concerne les autres points sur lesquels la Cour aurait à statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les demandeurs de première instance indiquent s'en remettre à leurs écritures de première instance ;

- la décision d'homologation est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte, l'avis de complétude du dossier est erroné et la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisamment motivée ;

- en ce qui concerne la procédure interne à l'entreprise, le comité d'entreprise a été saisi tardivement, et les membres du comité d'entreprise ont été insuffisamment informés ;

- les membres du CHSCT n'ont pas non plus disposé d'éléments d'information suffisants ;

- la décision d'homologation n'a pas pris en compte les moyens du groupe ;

- le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures insuffisantes en matière d'aides au reclassement et des efforts de formation et d'adaptation alors qu'un certain nombre de salariés sur le site de Monteux étaient particulièrement difficiles à recaser ;

- le budget de la formation pour l'aide à la création d'entreprise, s'il a été amélioré, reste insuffisant ;

- le budget pour la formation est insuffisant au regard des moyens du groupe alors que le coût des formations professionnelles pour les salariés est très élevé ;

- l'allocation de reclassement ne peut être regardée comme suffisante, dès lors qu'elle n'est que de 75 % de l'ancien salaire brut, et pour une durée seulement de douze mois, ce qui est identique à ce qui se pratique dans les petites entreprises ;

- le décret du 10 décembre 2015 codifié à l'article D. 1233-2 du code du travail ayant été publié au JO le 12 décembre 2015, il était applicable au 13 décembre 2015 et donc n'était pas applicable en l'espèce, dès lors que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi avait été déposé le 11 décembre 2015 sur le portail dématérialisé des plans de sauvegarde de l'emploi ouvert par l'administration ;

- le décret n'a pas de portée juridique dès lors qu'il renvoie aux zones d'emploi mais sans les définir l'atlas INSEE n'ayant même pas été annexé au décret.

Par des mémoires enregistrés le 22 décembre 2016 et le 10 janvier 2017 la société XPO Supply Chain France, représentée par Me de la Brosse, conclut à annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2016, au rejet des demandes présentées devant le tribunal administratif de Toulouse, et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des intimés, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société XPO Supply Chain France fait valoir les mêmes moyens que ceux invoqués dans la requête n° 16BX03648.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n° 2015-1638 du 10 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me de la Brosse, représentant Y la société XPO Supply Chain, et de MeS..., représentant le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2 et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...etN..., salariés de XPO, d'une part, et le comité central d'entreprise XPO Supply Chain France, d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse par deux requêtes distinctes, d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle la directrice régionale adjointe du travail d'Ile de France, responsable de l'unité départementale des Hauts-de-Seine, a homologué le document unilatéral de la société XPO Supply Chain France portant projet de licenciement collectif et plan de sauvegarde de l'emploi concernant le site de Lagny le Sec et le site de Monteux. Par un jugement du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision d'homologation du 14 juin 2016 au motif de l'erreur d'appréciation de la détermination du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le périmètre choisi ne comportant pas la zone d'emploi d'Orange, limitrophe de la zone d'emploi d'Avignon dans laquelle se trouve le site de Monteux. La société XPO Supply Chain France et le ministre du travail par deux requêtes distinctes font appel de ce jugement.

2. Les requêtes 16BX03648 et 16BX03690 portent sur les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. (...) ".En vertu de l' article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ". Selon l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en oeuvre des mesures de formations, d'adaptation et de reclassement prévues aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1. ".

4. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-56, concernant l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-7.1 ".

5. Selon l'article L. 1233-5 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 288 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. / Pour les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63, le périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement peut être fixé par l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 ou par le document unilatéral mentionné à l'article L. 1233-24-4. / Dans le cas d'un document unilatéral, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernée par les suppressions d'emploi. / Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret.". En vertu du décret n° 2015-1638 du 10 décembre 2015 codifié à l'article D. 1233-2 du code du travail : " Les zones d'emploi mentionnées à l'avant dernier alinéa de l'article L. 1233-5 sont celles référencées par l'atlas des zones d'emploi établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques du ministre chargé de l'emploi. ".

6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 1233-57-3, L. 1233-24-2 et L. 1233-5 du code du travail, que l'administration saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral doit vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la présence dans le document qui lui est soumis de tous les éléments exigés par le code du travail et notamment ceux prévus par les dispositions de l'article L. 1233-24-2 de ce code et leur conformité aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles. S'agissant du périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement retenu par le document, l'administration s'assure seulement que ce périmètre n'est pas inférieur à la zone d'emploi dans laquelle se trouve l'établissement ou les établissements concernés par les suppressions d'emploi. Il ne lui appartient pas d'exercer un contrôle sur la pertinence du périmètre fixé au regard de critères de nature économique comme notamment celui de la proximité éventuelle des autres établissements de l'entreprise non concernés par les licenciements.

7. Par suite le tribunal administratif de Toulouse ne pouvait pas se fonder pour annuler la décision contestée du 14 juin 2016 portant homologation du document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi sur la circonstance " (...) que la zone d'emploi d'Avignon dans laquelle se trouve le site de Monteux n'est distante que d'une vingtaine de kilomètres et d'une quinzaine de minutes du site d'Orange de la société XPO Supply Chain France relevant de la zone d'emploi d'Orange et que le périmètre d'application de l'ordre des licenciements envisagés à Monteux aurait dû inclure la zone d'emploi d'Orange dès lors qu'une mutation entre les deux sites pourrait être envisagée sans constituer une modification substantielle du contrat de travail (...) ", le contrôle de l'administration ne portant pas sur l'appréciation du choix du périmètre fixé par l'entreprise dans la mesure où ce périmètre n'est pas inférieur à la zone d'emploi dans laquelle est située chacun des établissements concernés par les licenciements

8. Par suite c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi du 14 juin 2016 au motif de l'erreur d'appréciation commise par la DIRECCTE, quant à l'application des articles L. 1233-5 et D. 1233-2 du code du travail précités.

9. Il appartient donc à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de se prononcer sur les autres moyens présentés par les demandeurs de première instance tant devant le tribunal administratif qu'en appel.

Sur la légalité externe :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

10. En vertu de l'article L. 1233-57-8 du code du travail : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision d'homologation ou de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-1 est celle du lieu où l'entreprise ou l'établissement concerné par le projet de licenciement collectif est établi. Si le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes, le ministre chargé de l'emploi désigne l'autorité compétente. ".Selon l'article R. 1233-3-5 du même code : " Lorsque le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, l'employeur informe le directeur régional du siège de l'entreprise de son intention d'ouvrir une négociation en application de l'article L. 1233-24-1. L'employeur notifie à ce directeur son projet de licenciement en application de l'article L. 1233-46. En application de l'article L. 1233-57-8, ce directeur saisit sans délai le ministre chargé de l'emploi. / Le ministre chargé de l'emploi désigne le directeur régional compétent. La décision de désignation du ministre est communiquée à l'entreprise dans les dix jours à compter de la réception de l'information ou de la notification par l'employeur du projet. A défaut de décision expresse, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise. / Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent informe l'employeur de sa compétence par tout moyen permettant de conférer une date certaine. / L'employeur en informe, sans délai et par tout moyen, le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ainsi que les organisations syndicales représentatives. ".

11. Il résulte de ces dispositions combinées que lorsque le plan de sauvegarde pour l'emploi porte comme en l'espèce, sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, le ministre désigne le directeur régional compétent.

12. En l'espèce, la société XPO Supply Chain France, dont le siège de la société se trouve à Toulouse, a conformément aux dispositions précitées de l'article R. 1233-3-5 du code du travail saisi le directeur régional du travail de Midi-Pyrénées le 11 décembre 2015. A la suite de cette saisine, sur le fondement des mêmes dispositions, le ministre du travail a donné délégation, le 21 décembre 2015 au directeur régional du travail d'Ile de France pour assurer l'instruction et le suivi du plan de sauvegarde de l'emploi et pour se prononcer sur la demande d'homologation du plan. La décision du 14 juin 2016 signée par la directrice régionale adjointe responsable de l'unité départementale des Hauts-de-Seine des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile de France, laquelle a reçu par une décision du 7 janvier 2016 du directeur régional du travail d'Ile de France, délégation pour signer un certain nombre de décisions dont notamment les décisions relatives à l'homologation des documents unilatéraux de plan de sauvegarde de l'emploi, n'est donc pas entachée d' incompétence.

Sur l'avis de complétude du dossier :

13. Aux termes de l'article D. 1233-14-1 alinéa 3 du code du travail : " Le délai prévu à l'article L. 1233-57-4 court à compter de la réception par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du dossier complet. / Le dossier est complet lorsqu'il comprend les informations permettant de vérifier le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise, la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées, et les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement et, lorsqu'un accord est conclu en application de l'article L. 1233-24-1, les informations relatives à la représentativité des organisations syndicales signataires. / Lorsque le dossier est complet, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en informe, sans délai et par tout moyen permettant de donner date certaine, l'employeur, le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ainsi que les organisations syndicales représentatives en cas d'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1. / Lorsque la demande porte sur un accord partiel et sur un document unilatéral mentionnés à l'article L. 1233-57-3, les délais mentionnés à l'article L. 1233-57-4 sont de quinze jours pour l'accord et de vingt et un jours pour le document unilatéral. / Lorsqu'un accord collectif a été conclu en application de l'article L. 1233-24-1, il est déposé dans les conditions définies à l'article L. 2231-6. ".

14. Si l'avis de complétude du dossier du 31 mai 2016, pris par le directeur régional du travail d'Ile de France mentionne à tort, une demande de validation d'un accord collectif et non d'un document unilatéral de plan de sauvegarde de l'emploi, cette erreur purement matérielle est sans incidence sur la légalité de la décision d'homologation du document unilatéral du plan de sauvegarde de l'emploi du 14 juin 2016 laquelle fait bien référence au caractère complet de la demande d'homologation du document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi.

En ce qui concerne la motivation :

15. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d'entreprise au titre de l'article L. 2323-56, concernant l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. ".Selon l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours (...) et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée (...) ".

16. Si ces dispositions impliquent que la décision qui homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde, énonce les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles ces décisions sont notifiées puissent à leur seule lecture en connaître les motifs, elles n'imposent pas que l'administration prenne explicitement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui appartient d'assurer le contrôle en application des dispositions des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du même code.

17. En l'espèce, la décision contestée vise les articles du code du travail relatifs notamment à la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, au licenciement pour motif économique, au plan de sauvegarde de l'emploi, à l'intervention de l'autorité administrative concernant les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. Elle mentionne la régularité de la procédure d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi et de la consultation du comité central d'entreprise, des comités d'établissement et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et le fait que le document unilatéral comprend la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement conformément à ce que prévoit l'article L. 1233-5 du code du travail. La décision d'homologation apprécie ensuite les possibilités de reclassement interne et externe pouvant être offertes aux salariés, et les mesures d'accompagnement de ces deux dispositifs. Elle examine les moyens mis en oeuvre dans le plan de sauvegarde de l'emploi relatifs à la formation des salariés et aux aides à la création d'entreprise et en conclue que le document unilatéral est conforme aux articles L. 1233-61 à L 1233-63 du code du travail, au regard des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe. La décision d'homologation indique également point par point en quoi, les différents dispositifs se trouvant dans le plan de sauvegarde de l'emploi apparaissent suffisants. Enfin, faute pour l'accord conclu le 24 novembre 2014 entre la société XPO Supply Chain France et les organisations syndicales relatif au maintien des emplois sur le site de Monteux jusqu'au 31 décembre 2016, d'être au nombre des stipulations conventionnelles visées aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 précité du code du travail sur lesquelles en vertu de l'article L. 1233-57-3 du code du travail l'administration doit vérifier la conformité du contenu du document unilatéral, la décision d'homologation n'avait pas à être motivée au regard de ces stipulations. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l'information du comité d'entreprise :

18. Aux termes de l'article L. 2323-2 du code du travail : " Les décisions de l'employeur sont précédées de la consultation du comité d'entreprise (...) ".Selon L. 2323-1 du code du travail : " Le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. / Il est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, lorsque ces questions ne font pas l'objet des consultations prévues à l'article L. 2323-6. / Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale. / Il exerce ses missions sans préjudice des dispositions relatives à l'expression des salariés, aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux. ". Aux termes de l'article L 2323-31 du code du travail : " Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. / Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. / Cet avis est transmis à l'autorité administrative. ".Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : / le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi (...) ".

19. Il résulte des dispositions précitées que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise ou du comité d'établissement a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise ou d'établissement tous les éléments utiles pour qu'il formule ses avis en toute connaissance de cause.

20. En premier lieu, les demandeurs font valoir que le comité central d'entreprise et les comités d'établissement Sud Est 2 et Nord 1 ont été consultés tardivement en méconnaissance des articles L. 2323-31 et L. 2323-2 du code du travail dès lors qu'ils n'ont été convoqués que le 3 mars 2016 pour une réunion du 8 mars 2016 de consultation sur le projet de plan de sauvegarde pour l'emploi, alors que, selon eux, la décision de fermeture du site de Monteux au 31 décembre 2015 avait déjà été prise et annoncée le 2 décembre 2015, et que la DIRECCTE en avait été informée le 11 décembre 2015.

21. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la suite de l'annonce devant le comité central d'entreprise le 10 décembre 2015 de ce qu'un plan de sauvegarde pour l'emploi allait intervenir, des négociations se sont engagées dès le 17 décembre 2015, en vue de la recherche d'un accord collectif dans les conditions prévues par l'article L. 1233-24-1 du code du travail. Ce n'est qu'après avoir constaté lors de la réunion du 18 février 2016 avec les délégués syndicaux, l'échec de la recherche d'un accord collectif, que les membres du comité d'entreprise -après une première réunion du 23 février 2016 dite réunion " zéro " - ont pu être consultés dans le cadre de la procédure de consultation sur le document unilatéral de plan de sauvegarde de l'emploi, ayant été convoqués le 3 mars 2016 pour une première réunion du 8 mars 2016 du comité central d'entreprise. Dans ces conditions, les demandeurs de première instance ne sont pas fondés à soutenir que le comité d'entreprise aurait été saisi tardivement.

22. En second lieu les demandeurs de première instance font valoir que le comité d'entreprise n'aurait pas été suffisamment informé dès lors qu'il n'aurait pas été fourni au cabinet Tandem Expertise mandaté par le comité central d'entreprise, ni le business plan à trois ans de XPO ni le budget prévisionnel du groupe XPO. Toutefois, le cabinet d'expertise, a été régulièrement convoqué à la réunion du comité d'établissement Sud Est 2 du 10 mars 2016, et la société lui a communiqué tous les documents nécessaires à l'exercice de sa mission, comme l'a d'ailleurs constaté le tribunal de grande instance de Toulouse par une ordonnance du 11 avril 2016. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les membres des comités d'établissement se sont réunis à quatre reprises pour celui du Nord 1 et à trois reprises pour celui du Sud-Est 2 et ceux du comité central d'entreprise le 23 février 2016 pour une réunion dite réunion 0, puis pour des réunions les 8 mars, 5 et 25 avril et 3 mai 2016. Aucun de ces membres n'a usé de la faculté offerte par l'article L. 1233-57-5 du code du travail de solliciter l'administration pour qu'elle enjoigne à la société XPO de produire des éléments d'information complémentaires. Dès lors, ils ont pu se prononcer en pleine connaissance de cause. Enfin contrairement à ce que soutiennent les demandeurs de première instance, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 1233-3-5 du code du travail, par des courriels du 22 décembre 2015, la société XPO Supply Chain France a informé les organisations syndicales et le comité d'entreprise de la décision du ministre du travail du 21 décembre 2015 relative à l'attribution de compétence au directeur régional du travail d'Ile de France.

23. Le moyen tiré du défaut d'information des membres du comité d'entreprise et des comités d'établissement doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l'information du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail :

24. Selon l'article L. 4612-8-1 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. ".

25. Les demandeurs de première instance font valoir qu'ils n'ont pas été régulièrement convoqués aux réunions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). S'il est vrai que les convocations de la première réunion du 10 mars 2016 ne leur ont été adressées que le 9 mars 2016 alors qu'elles devaient en vertu de l'article R. 4614-3 du code du travail leur être adressées trois jours avant la réunion, la société XPO Supply Chain France fait valoir, sans être contredite, d'une part que les membres du CHSCT ont été convoqués par courriel pour la réunion du 10 mars 2016 dès le 4 mars 2016, ces convocations électroniques étant accompagnées des documents nécessaires, et, d'autre part, que le retard d'envoi résulte du refus de la secrétaire du CHSCT d'établir les convocations. Ainsi les membres du CHSCT ayant été mis à même de se prononcer en toute connaissance de cause dès la réunion du 10 mars 2016 puis lors des réunions des 7 et 29 avril et 2 mai 2016, aucune irrégularité n'a entaché les réunions du CHSCT. La circonstance évoquée selon laquelle une tentative de suicide a eu lieu sur le site de Monteux, le 24 mars 2016, soit après la réunion du CHSCT prévue le 10 mars 2016 est sans incidence quant à la régularité de l'information apportée au CHSCT et de la convocation de ses membres.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne l'application dans le temps du décret n° 2015-1638 du 10 décembre 2015 :

26. Les demandeurs de première instance font valoir que les dispositions du décret du 10 décembre 2015 codifiées à l'article D. 1233-2 du code du travail seraient inapplicables en l'espèce dès lors que le préambule dudit décret indique qu'il ne concerne que les procédures de licenciement engagées à compter de sa publication le 12 décembre 2015. Toutefois, en vertu de l'article 295 de la loi du 6 août 2015, l'article 288 de cette loi codifié à l'article L. 1233-5 du code du travail dont l'article D. 1233-2 ne fait que fixer les modalités de mise en oeuvre, est applicable aux procédures de licenciement engagées après le 7 août 2015, date de publication de la loi. En tout état de cause, les convocations à la première réunion du comité central d'entreprise du 8 mars 2016, qui ont marqué l'engagement de la procédure de licenciement économique collectif, datent du 3 mars 2016, et sont donc postérieures tant à la date du 7 août 2015 à laquelle renvoie la loi du 6 août 2015, qu'à celle du 12 décembre 2015 à laquelle renvoie le préambule du décret du 10 décembre 2015. Dans ces conditions, l'article D. 1233-2 du code du travail est bien applicable rationae temporis.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité des dispositions du décret du 10 décembre 2015 codifié à l'article D. 1233-2 du code du travail :

27. Les demandeurs de première instance soutiennent que ces dispositions ne sont pas conformes à sa rédaction issue de l'article 288 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dès lors que contrairement à ce qu'impose la loi, le décret ne définit pas les zones d'emploi et se borne à renvoyer à l'atlas de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) lequel en outre n'a pas été annexé au décret et n'a pas fait l'objet d'une publication au Journal officiel de la République française.

28. D'une part, l'article L. 1233-5 du code du travail se borne, sans plus de précisions, à indiquer la référence à des zones d'emploi pour la mise en oeuvre du périmètre d'application des critères d'ordre du licenciement. L'article D. 1233-2 du code du travail dans la rédaction prise pour son application ne le méconnaît pas en renvoyant pour la fixation des zones d'emploi à l'atlas de l'INSEE, qui définit précisément les zones d'emploi, qui a fait l'objet d'une révision en 2010, et qui malgré son absence de publication au Journal officiel, est facilement accessible notamment sur internet. D'autre part, la circonstance que la zone d'emploi d'Avignon est trois fois plus étendue que celle d'Orange et d'une population cinq fois plus importante est insuffisante pour considérer que le choix par le décret du 10 décembre 2015 de se référer à l'atlas des zones d'emploi de l'INSEE serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

29. L'exception d'illégalité des dispositions du décret du 10 décembre 2015 codifié à l'article D. 1233-2 du code du travail doit donc être écartée.

En ce qui concerne le périmètre :

30. Comme il a été dit aux points 6 et 7, le choix du périmètre fixé ne peut être discuté s'il est conforme aux articles L. 1233-5 et D. 1233-2 du code du travail précités.

31. Dès lors que l'atlas des zones d'emploi publié par l'INSEE auquel renvoie l'article D. 1233-2 précité du code du travail indique que l'établissement de Monteux, visé par le plan de sauvegarde de l'emploi, appartient à la zone d'emploi d'Avignon (n° 059) et que cette zone est distincte de la zone d'emploi d'Orange (n° 9317) dans laquelle se trouve un autre établissement de la société XPO Supply Chain France non concerné par les licenciements, le périmètre fixé par le plan de sauvegarde de l'emploi est conforme aux articles L. 1233-5 et D. 1233-2 du code du travail. Si les demandeurs de première instance font valoir que le comité d'établissement Sud Est comprenant les zones d'emploi d'Avignon et d'Orange, ce sont ces deux zones d'emploi qui auraient dû être prises en compte au titre du périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, ce moyen doit être écarté dès lors qu'en vertu de l'article L. 1233-5 précité du code du travail, la zone d'emploi ne se définit que par l'existence d'un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernée par les suppressions d'emploi et non par le ressort du comité d'établissement.

32. Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs de première instance, l'ensemble des emplois concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi relatif à l'établissement de Monteux, se rapportent aux salariés de cet établissement, alors que par ailleurs les deux emplois de directeur de site et de comptable qui sont évoqués par les demandeurs de première instance, se trouvent rattachés au site d'Orange et ne sont pas concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi.

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

Quant au moyen de l'erreur de droit :

33. Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; (...) ". Selon l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe (...) ".

34. Les demandeurs de première instance font valoir que la DIRECCTE aurait homologué le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi sans prendre en compte les moyens du groupe XPO. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des courriers adressés par la DIRECCTE à la société, les 18 mars et 13 avril 2016, par lesquels elle a demandé à la société XPO, d'abonder, compte tenu des moyens du groupe, le budget de la formation d'adaptation au poste et le budget pour les formations d'adaptation, de déplacement, les actions de validation des acquis de l'expérience et les formations de plus de 1 200 heures, ainsi que les budgets prévus à 10 000 euros par salarié relatif à l'aide à la création d'entreprise et de 1 500 euros pour la formation à la gestion d'entreprise, que l'administration s'est souciée de ce que le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi soit en relation avec les moyens du groupe XPO.

35. Dans ces conditions, et alors que l'enveloppe du plan de sauvegarde pour l'emploi s'élève à la somme totale de 6 millions d'euros et que comme il a été dit au point 17 la décision d'homologation indique expressément que le document unilatéral est conforme aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail, au regard des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe, le moyen invoqué tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision d'homologation doit être écarté.

Quant au moyen de l'erreur d'appréciation :

36. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 (...) ".

37. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. Il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité.

38. A cet égard, le plan de sauvegarde de l'emploi soumis à l'administration, dans son annexe 14 propose, au titre du reclassement interne au sein du groupe, un nombre important de postes en France. Si les demandeurs de première instance, qui ne contestent pas l'importance du nombre de postes proposés au titre du reclassement interne, font valoir que pour les postes proposés sur le site d'Orange, ces emplois seraient menacés compte tenu du risque de perte d'un client, ces postes existaient à la date de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi et pouvaient se trouver au nombre des emplois proposés au titre du reclassement interne, alors qu'au contraire si les demandeurs contestent l'absence de proposition de postes sur le site de Rognac situé à Vitrolles, et sur le site de Saint-Martin de Crau, il est constant qu'il n'existait pas d'emplois vacants sur ces sites. Dans ces conditions, l'employeur ne peut être regardé comme n'ayant pas procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement interne compatibles avec le profil des salariés concernés.

39. Les demandeurs critiquent l'insuffisance du plan de sauvegarde pour l'emploi pour les salariés âgés de plus de quarante-cinq ans en faisant valoir qu'ils sont pour la plupart sans diplôme. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société XPO Supply Chain France, dont avant l'intervention du plan de sauvegarde de l'emploi, le budget de formation était de 2,5 millions d'euros en 2015, et qui avait mis en place un plan d'action contrat de génération, a prévu dans le plan de sauvegarde un budget de formation à un nouveau poste d'un montant de 4 000 euros (et de 5 000 euros pour les salariés âgés de plus de cinquante ans), une aide relative à la formation professionnelle en cas de reconversion (6 000 euros pouvant être portés à 7 000 euros pour les salariés âgés de plus de cinquante ans ou handicapés) et un budget pour les formations d'adaptation constitué par une enveloppe globale à répartir entre les salariés d'un montant de 6 000 euros par salarié porté à 7 000 euros pour les salariés âgés de plus de cinquante ans ou handicapés. Ces dispositifs qui s'inscrivent dans une enveloppe du plan de sauvegarde pour l'emploi s'élevant à la somme totale de 6 millions d'euros, apparaissent suffisants.

40. La circonstance invoquée par les demandeurs de première instance tirée de ce que le plan de sauvegarde pour l'emploi ne prévoit pas de départs volontaires est sans influence sur la légalité de la décision contestée dès lors que comme il a été dit, les négociations en vue de la signature, avec les organisations syndicales, d'un accord collectif qui aurait permis des départs volontaires et d'éviter des licenciements n'ont pas abouti.

41. Si les demandeurs de première instance font valoir l'insuffisance du dispositif prévu au point 8.1.10 du plan de sauvegarde pour l'emploi afférent à la rémunération versée au titre du congé de reclassement, congé qui prend le relais du préavis donné au licenciement, le plan de sauvegarde pour l'emploi prévoit le versement d'une rémunération pouvant aller jusqu'à quinze mois pour les salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans avec une rémunération afférente à ce congé de 86 % jusqu'au 31 décembre 2016, puis de 75 % soit une rémunération supérieure au minimum de 65 % de la rémunération brute antérieure prévu par l'article L. 1233-71 et suivants du code du travail.

42. Il résulte de ce qui précède que les différents dispositifs contenus dans le plan de sauvegarde pour l'emploi qui correspondent comme il a été dit à une enveloppe totale de 6 millions d'euros, soit plus de 56 000 euros par salarié, apparaissent suffisants. Dès lors la décision d'homologation ne se trouve pas entachée d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'accord collectif du 24 novembre 2016 :

43. Les demandeurs de première instance font également valoir que la décision d'homologation du plan de sauvegarde pour l'emploi serait illégale pour être intervenue en méconnaissance de l'accord conclu le 24 novembre 2014 par la société XPO avec les organisations syndicales prévoyant le maintien des salariés en contrat à durée indéterminée sur le site de Monteux jusqu'au 31 décembre 2016.Toutefois, si les dispositions précitées de l'article L. 1233-57-3 du code du travail indiquent que l'administration doit vérifier la conformité du contenu du document unilatéral à certaines stipulations conventionnelles, il ressort des termes mêmes de cet article que seules sont concernées les stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail au nombre desquels ne figurent pas les accords du type de celui conclu le 24 novembre 2014 relatif au maintien de l'emploi jusqu'à une date déterminée. Le moyen tiré de l'absence de respect par la décision d'homologation du 14 juin 2016 de l'accord collectif du 24 novembre 2014 est donc inopérant et doit être écarté.

44. L'ensemble des moyens présentés par le comité central d'entreprise, le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2 et les différents salariés doivent donc être rejetés.

45. Il résulte de tout ce qui précède que la société XPO Supply Chain France et le ministre du travail sont fondés à demander l'annulation du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 14 juin 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile de France a homologué le document unilatéral de la société XPO Supply Chain France portant projet de licenciement collectif et plan de sauvegarde de l'emploi, et à demander le rejet des demandes du comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, et de MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...etN....

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

46. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société XPO Supply Chain France et l'Etat qui n'ont pas la qualité de partie perdante, versent au comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, et à MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...et N...les sommes demandées sur le fondement de ces dispositions. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société XPO Supply Chain France sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1603539 et 1603566 du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 14 juin 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France a homologué le document unilatéral de la société XPO Supply Chain France est annulé.

Article 2 : Les demandes devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus des conclusions d'appel présentées par le comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, et MM.B..., G..., L..., R..., I..., E..., J..., Q..., F...et N...sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société XPO Supply Chain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société XPO Supply Chain, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au comité central d'entreprise XPO Supply Chain, au comité d'établissement XPO Logistics Région Sud-Est 2, et à MM. O...B..., C...G..., D...L..., U...R..., P...I..., H...E..., V...J..., M...Q..., A...F...et T...N.... Copie en sera adressée pour information au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile de France.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 février 2017.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N°s16BX03648, 16BX03960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX03648
Date de la décision : 13/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-02-02-02 TRAVAIL ET EMPLOI. LICENCIEMENTS. AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS NON PROTÉGÉS - LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE (AVANT LES LOIS DU 3 JUILLET ET DU 30 DÉCEMBRE 1986). PROCÉDURE PRÉALABLE À L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE. LICENCIEMENT COLLECTIF. - PLAN DE SAUVEGARDE DE L'EMPLOI - CONTRÔLE DU DOCUMENT UNILATÉRAL - PÉRIMÈTRE D'APPLICATION DES CRITÈRES D'ORDRE DE LICENCIEMENT.

66-07-02-02-02 L'Etat a homologué le document unilatéral de la société XPO Supply Chain France portant projet de licenciement collectif et plan de sauvegarde de l'emploi concernant le site de Lagny le Sec et le site de Monteux. Cette décision a été annulée par le tribunal administratif de Toulouse pour erreur d'appréciation du périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement.,,Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 1233-57-3, L. 1233-24-2 et L. 1233-5 du code du travail, que l'administration saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral doit vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la présence dans le document qui lui est soumis de tous les éléments exigés par le code du travail et notamment ceux prévus par les dispositions de l'article L. 1233-24-2 de ce code et sur leur conformité aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles. S'agissant du périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement retenu par le document, l'administration s'assure seulement que ce périmètre n'est pas inférieur à la zone d'emploi dans laquelle se trouve l'établissement ou les établissements concernés par les suppressions d'emploi. Il ne lui appartient pas d'exercer un contrôle sur la pertinence du périmètre fixé au regard de critères de nature économique comme notamment celui de la proximité d'autres établissements de l'entreprise non concernés par les licenciements.


Références :

Pourvoi en cassation formé par le comité d'établissement XPO Logistics Région le 14 avril 2017. Décision du Conseil d'Etat n°409800 du 19 juin 2017 donnant acte de son désistement.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BREUILLOT et VARO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-13;16bx03648 ?
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