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13/02/2017 | FRANCE | N°16BX03495

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 février 2017, 16BX03495


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1602547 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2016, MmeD.

.., représenté par Me Astié, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1602547 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1602547 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2016, MmeD..., représenté par Me Astié, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1602547 du tribunal administratif de Bordeaux du 15 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 15 avril 2016 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 80 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreintes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2° de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été signée par une personne incompétente dès lors qu'il n'est pas établi que les personnes précédant Mme E...G..., directrice de l'accueil et des services au public à la préfecture de la Gironde, dans la chaîne des délégations de signature auraient été empêchées ou absentes, à la date à laquelle elle a été prise ;

- Cette décision ne satisfait pas à l'obligation de motivation énoncée aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; le préfet s'est borné à reprendre les éléments de faits qui ressortaient de son dossier au moment de sa demande d'asile en 2014 sans tenir compte de sa situation personnelle actuelle ;

- pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, le préfet s'appuie sur les informations qu'il détient au jour de la demande d'asile en 2014, attestant d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle n'a pas été mise en mesure de présenter les éléments actualisés de sa situation personnelle au cours d'un entretien individuel ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle ne relevait pas de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son état de santé n'a pas été pris en compte par le préfet ; elle est entrée en France dans le cadre d'un réseau de prostitution ; elle a été victime de faits criminels pour lesquels une plainte avec constitution civile a été enregistrée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen personnalisé de sa situation pour prendre cette décision ;

- cette décision méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale ; elle présente des troubles psychiatriques découlant des circonstances qui l'ont amené à quitter le Nigeria et ne peuvent en aucun cas être soignés dans le pays où ses traumatismes ont pris naissance ;

- le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle entraine sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation ;

- cette décision méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en tant que victime d'un réseau de prostitution, elle est exposée à des persécutions, notamment dans l'Etat d'Edo où elle vit au Nigéria.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme D...n'est fondé et se réfère à ses écritures de première instance.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 6 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F...a été entendu au cours de l'audience publique à laquelle était présente MmeD....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...D..., ressortissante nigériane, née le 1er août 1990, est entrée en France le 4 octobre 2013. Sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a fait l'objet d'un rejet par une décision du 27 février 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le 16 février 2016. Par un arrêté du 15 avril 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D...relève appel du jugement n°1602547 du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. En vertu de l'article 4 de l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 mars 2016 régulièrement publié le 25 mars 2016 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde n°2016-032, Mme E...G..., directrice de l'accueil et des services au public à la préfecture de la Gironde, a reçu du préfet en cas d'absence ou d'empêchement de M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture, et de M. B...C..., sous-préfet, directeur du cabinet, une délégation de signature à l'effet de signer notamment, les décisions de refus de délivrance de titre de séjour et " toutes décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant prises en application du Livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Contrairement à ce que soutient MmeD..., il appartient à la partie contestant la qualité du signataire de l'arrêté litigieux d'établir que le secrétaire général et le sous-préfet n'étaient ni absents ni empêchés lors de la signature de cet arrêté par MmeG.... Faute de rapporter cette preuve qui lui incombe, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. L'arrêté attaqué vise les articles L. 511-1-I 3°, L. 511-1-II, L. 511-1-III, L. 513-2 et L. 741-1 à L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise, d'une part, que Mme D...est entrée en France le 4 octobre 2013, et que le bénéfice de l'asile lui a été refusé par une décision du 27 février 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 février 2016. Le préfet de la Gironde, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des circonstances constituant la situation de fait de la requérante, indique également qu'elle est célibataire et sans enfant à charge et qu'elle ne justifie pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine. Si Mme D...soutient que la décision portant refus de titre de séjour serait fondée sur des éléments datant de 2014 et non actualisés, elle ne démontre pas avoir transmis au préfet de nouvelles informations relative à sa situation personnelle. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de la requérante au regard de son droit au séjour avant de prendre la décision contestée. Par suite, les moyens tirés de l'absence d'examen de sa situation personnelle et de l'insuffisance de motivation de ces décisions doivent être écartés.

5. Mme D...soutient qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter des éléments actualisés de sa situation personnelle au cours d'un entretien individuel. Toutefois, il lui appartenait, à l'occasion du dépôt de sa demande, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels elle devait être admise au séjour et de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande, notamment nouveaux. Par ailleurs, il lui était loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ait transmis au préfet des informations nouvelles, méconnues de ce dernier, au cours de l'instruction de sa demande. Dès lors, aucune disposition législative ou règlementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposait au préfet de convoquer Mme D...à un entretien individuel.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ".

7. Mme D...soutient qu'elle a été victime d'un réseau de traite des êtres humains qui a organisé son départ pour la France ainsi que d'un viol pour lequel une plainte avec constitution de partie civile a été enregistrée. De plus, Mme D...fait valoir que son état de santé lui permet de prétendre à un titre de séjour étranger malade. Toutefois, l'intéressée qui se borne à produire un certificat médical, plusieurs ordonnances ainsi qu'un dépôt de plainte, n'apporte aucun élément circonstancié permettant notamment de prouver qu'elle aurait été contrainte de se soumettre à des actes de prostitution. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour, ne peut être que rejeté.

9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ".

10. Mme D...produit un certificat médical attestant seulement qu'elle présente les critères pour demander un titre de séjour étranger malade ainsi que plusieurs ordonnances médicales, sans comporter davantage de précisions, notamment sur la gravité de sa pathologie en cause et n'évoquent pas une quelconque contre-indication au retour de la requérante dans son pays d'origine, ni l'impossibilité pour lui de faire traiter ses affections au Nigéria. Il suit de là que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'erreur de droit au regard du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Si Mme D...soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, elle ne produit aucun élément pour étayer ses allégations.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ", et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

13. L'arrêté de fixation du pays de destination qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que Mme D... n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine se trouve suffisamment motivé dès lors que la requérante s'est seulement bornée à alléguer qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle serait exposée à des risques de persécution liés au fait qu'elle ait été contrainte de se prostituer dès son arrivée sur le territoire national. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile de Mme D... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile les 27 février 2015 et 16 février 2016. Si l'intéressée se prévaut d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 avril 2011 faisant état des persécutions que subissent les femmes nigérianes enrôlées dans ces réseaux de proxénétisme, elle ne produit, ainsi qu'il a été dit au point 7, aucun élément de nature à établir qu'elle aurait elle-même fait l'objet de ce trafic de traite des êtres humains. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en désignant le pays dont elle a la nationalité comme pays de renvoi, le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, de même que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 févier 2017.

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,

Pierre Bentolila

Le président,

Pierre F...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de L'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N°16BX03495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03495
Date de la décision : 13/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-13;16bx03495 ?
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