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07/02/2017 | FRANCE | N°15BX01747

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 07 février 2017, 15BX01747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée sous le n° 1401692, M. E...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision en date du 11 juillet 2014 par laquelle la présidente de l'université de Limoges a refusé de transformer son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et a refusé de renouveler son contrat en cours se terminant le 31 octobre 2014.

Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1500025, M. E...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l

e contrat de travail conclu avec l'université de Limoges le 7 novembre 2014 en ce qu'i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée sous le n° 1401692, M. E...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision en date du 11 juillet 2014 par laquelle la présidente de l'université de Limoges a refusé de transformer son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et a refusé de renouveler son contrat en cours se terminant le 31 octobre 2014.

Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1500025, M. E...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler le contrat de travail conclu avec l'université de Limoges le 7 novembre 2014 en ce qu'il porte refus implicite de l'employeur de transformer son contrat en contrat à durée indéterminée.

Joignant ces deux requêtes, le tribunal administratif de Limoges a, par un jugement

n° 1401692 et 1500025 du 25 mars 2015, annulé la décision du 11 juillet 2014 ainsi que celle du

7 novembre 2014 en tant qu'elle porte refus implicite de transformation du contrat de travail de

M. E...en contrat à durée indéterminée, et enjoint à la présidente de l'université de Limoges d'accorder à M. E...le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée depuis le

31 octobre 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mai 2015, l'université de Toulouse représentée par

MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 mars 2015;

2°) de rejeter la demande de M. E...;

3°) de mettre à la charge de M. E...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.D...,

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par M. E...a été enregistrée le 10 janvier 2017.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...a sollicité auprès de l'université de Limoges la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ce qui lui a été refusé par décision du 11 juillet 2014 portant également refus de renouveler son engagement en cours. Par une ordonnance n° 1401691, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a suspendu cette décision et a ordonné à la présidente de l'université de réexaminer la demande de M. E...tendant à la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée. En exécution de cette ordonnance, l'université a proposé à l'intéressé un nouveau contrat à durée déterminée le 7 novembre 2014. M. E...a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de la décision du 11 juillet 2014 et de celle du 7 novembre 2014 qu'il a analysée comme un refus implicite de conclure un contrat à durée indéterminée. L'université de Limoges relève appel du jugement du 25 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé les deux décisions des 11 juillet et 7 novembre 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement de première instance que la décision du 11 juillet 2014 a été annulée au motif que l'université de Limoges était le véritable employeur de M. E...depuis le 1er octobre 2007, que son contrat devait faire l'objet d'une requalification en engagement à durée indéterminée et que par suite, le refus de renouvellement constituait un licenciement illégal. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur les autres moyens de la requête, et a d'ailleurs statué sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigés contre cette décision, dès lors que celui retenu suffisait à lui seul à annuler la décision attaquée, n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de première instance :

3. L'université de Limoges soutient que le contrat de travail conclu le 7 novembre 2014 ne porte pas refus d'employer M. E...dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'ainsi, les conclusions à fin d'annulation présentées par l'intéressé en première instance étaient irrecevables. Le contrat de travail litigieux a toutefois été proposé par l'université à

M. E...après que le juge des référés du tribunal administratif de Limoges lui a enjoint de réexaminer sa demande tendant à voir son engagement transformé en contrat à durée indéterminée. En proposant ainsi à M. E...un nouveau contrat à durée déterminée, l'université doit être regardée comme ayant implicitement refusé de faire droit à sa demande. Par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en écartant la fin de

non-recevoir opposée en défense par l'université, tirée de l'inexistence de la décision contestée.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 11 juillet 2014 :

S'agissant du refus de requalification du contrat :

4. Aux termes de l'article 8 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par l'Etat, l'un de ses établissements publics ou un établissement public local d'enseignement sur le fondement du dernier alinéa de l'article 3 ou des articles 4 ou 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction (...)./ Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. (...) ". Aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque les contrats pris en application des articles 4 et 6 sont conclus pour une durée déterminée, cette durée est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4, 6, 6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public.(...) Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième à quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. (...) ". Le droit ouvert aux agents contractuels défini par ces dispositions légales est conditionné à une durée de services publics effectifs, nécessairement accomplis par l'agent auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. Cependant, dans le cas où un agent sollicitant le bénéfice de ces dispositions aux fins de transformation de son contrat fait valoir que la multiplicité de ses employeurs dissimule en réalité l'existence d'un unique et véritable employeur au titre de la période en cause, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'apparence, l'agent a en réalité accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un seul et véritable employeur.

5. Le tribunal administratif de Limoges, a, pour annuler le refus de requalification du contrat de M.E..., considéré que les services publics effectués par l'intéressé entre le

1er octobre 2007 et le 31 octobre 2014 devaient être regardés comme ayant été effectués auprès du même établissement public, quand bien même il aurait été employé successivement par l'Agence pour la valorisation de la recherche universitaire du Limousin (Avrul) et l'université durant cette période, dès lors que la première agissait pour le compte de la seconde et que, par suite, il avait droit, à la date de la décision attaquée, à ce que son contrat avec l'université, son véritable employeur depuis le 1er octobre 2007, soit requalifié en engagement à durée indéterminée. L'université soutient en appel qu'elle ne peut pas être considérée comme l'unique et véritable employeur du requérant au titre de l'ensemble de la période litigieuse. Elle soutient à ce titre que les contrats successifs n'avaient pas le même objet, qu'ils ne se sont pas exercés dans les mêmes lieux, et que la seule attestation du responsable technique pour affirmer que l'université était le véritable et unique employeur est insuffisante. Elle affirme également que l'Avrul ne saurait être considérée comme le même établissement public que l'université, puisqu'il s'agit d'une personne morale de droit privé et seul le code du travail était applicable à ces contrats.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. E...a été recruté de manière ininterrompue par l'université de Limoges du 1er octobre 2007 au 30 juin 2010 puis par l'Avrul du 1er juillet 2010 au 30 avril 2013 et de nouveau par l'université à compter du 1er mai 2013, en qualité de chercheur. Tous les contrats portaient sur le même objet de recherche, l'optique non linéaire et les lasers, comme en témoigne la liste de ses publications. Leur lieu d'exécution, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, était l'unité de recherche mixte Xlim, au sein du département photonique, sous tutelle du CNRS et de l'université et que ce soit avec l'un ou l'autre des employeurs, le lien de subordination de M. E...était identique, placé sous l'autorité de M. C..., directeur de recherche au CNRS en fonction à l'unité Xlim. L'Avrul, association régie par la loi de 1901 créée par l'université et la région Poitou-Charentes, dont les ressources provenaient essentiellement de l'université elle-même, et présidée par le président de l'université, quand bien même elle disposerait d'un budget propre, assure une mission de service public administratif en recrutant des chercheurs pour exercer des activités de recherches, à la marge de son activité de valorisation. Dans le cadre de ces recherches, la convention-cadre conclue entre l'université et l'Avrul précise en outre que les droits de propriété intellectuelle appartiennent à l'université et que les travaux de recherche sont publiés au nom de celle-ci. Par suite, et quand bien même l'Avrul serait régie par le droit privé, en raison de ses conditions de création, de ressources, d'organisation et de contrôle, l'Avrul doit être regardée comme ayant agi pour le compte de l'université de Limoges. Dès lors que les contrats avaient le même objet de recherche au sein de la même unité et sous l'autorité du même responsable pour les mêmes fonctions, l'université, qui doit être regardée comme l'unique employeur de M. E...depuis le 1er octobre 2007 soit pendant plus de six ans, ne pouvait pas, par la décision critiquée, refuser de requalifier le contrat de M. E...en contrat à durée indéterminée sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984. L'université n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a considérée comme le véritable employeur de M. E... pour annuler le refus de requalification de son contrat.

S'agissant du refus de renouvellement de contrat :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. E...avait droit à la requalification de son contrat en engagement à durée indéterminée. Le refus de renouveler le contrat de M.E..., contenu dans la décision du 11 juillet 2014, doit par suite être regardé comme un licenciement en cours de contrat. Il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prise au seul motif de l'insuffisance du budget de l'université. Ce motif ne permet pas à lui seul d'évincer dans l'intérêt du service un agent sous contrat à durée indéterminée, eu égard à la nécessaire protection des droits qu'il a acquis du fait de son contrat. Par suite l'université n'est pas fondée à soutenir que sa décision était justifiée dans l'intérêt du service.

En ce qui concerne la décision du 7 novembre 2014 :

8. Il résulte de ce qui précède que la décision du 7 novembre 2014 refusant implicitement la requalification du contrat de M. E...en contrat à durée indéterminée est illégale pour les motifs énoncés au point 6 du présent arrêt.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'université de Limoges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé ses décisions des 11 juillet et 7 novembre 2014 et a fait droit à la demande de M. E....

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Limoges le versement à M. E...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par lui et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par l'université sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, doivent, en revanche, être rejetées.

DECIDE:

Article 1er : La requête présentée par l'université de Limoges est rejetée.

Article 2 : L'université de Limoges versera la somme de 1 500 euros à M. E...en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

2

N° 15BX01747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01747
Date de la décision : 07/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Nature du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-07;15bx01747 ?
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