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17/01/2017 | FRANCE | N°16BX01182

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2017, 16BX01182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2016 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600206 du 19 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté contesté, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 eur

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2016 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600206 du 19 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté contesté, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et a rejeté le surplus de la requête de MmeF....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 janvier 2016 ;

2°) de prononcer un non-lieu à statuer sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme F...et sur son placement en rétention administrative ;

3°) de rejeter les conclusions présentées par Mme F...devant le tribunal administratif tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

4°) de mettre à la charge de Mme F...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, publiée par le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 ;

- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

- le règlement du 15 mars 2006, relatif au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 509/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 modifiant le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 ;

- l'accord du 2 décembre 2015 conclu entre l'Union européenne et la République de Colombie relatif à l'exemption de visa de court séjour, publié au journal officiel de l'Union européenne du 19 décembre 2015 ;

- la directive 200/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- les conclusions de M. D...de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de Me E...représentant MmeF....

Considérant ce qui suit :

1. MmeF..., de nationalité colombienne, née le 28 juillet 1993, est entrée en France en 2012 sous le couvert d'un visa Schengen de quatre-vingt-dix jours valable du 26 juin au 22 décembre 2012. Elle s'est ensuite maintenue irrégulièrement sur le territoire français jusqu'à son interpellation, le 15 janvier 2016, par les services de la police aux frontières. Le même jour, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et la plaçant en rétention administrative. Le préfet des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement du 19 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, sur la demande de MmeF..., cet arrêté.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

2. Le recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure de placement en rétention conserve un objet alors même que la rétention a pris fin. Il en va de même en ce qui concerne la décision ayant refusé d'accorder à l'étranger concerné un délai de départ volontaire, qui ne disparait pas de l'ordonnancement juridique du seul fait que celui-ci n'aurait pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Par suite, les conclusions de Mme F...tendant à l'annulation de ces actes ne sont pas devenues sans objet et il a donc lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : / 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (...) ".

4. D'autre part, le paragraphe 1 de l'article 5 du règlement du 15 mars 2006, relatif au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, dispose que : " Pour un séjour n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière qui remplisse les critères suivants: / i) sa durée de validité est supérieure d'au moins trois mois à la date à laquelle le demandeur a prévu de quitter le territoire des Etats membres. Toutefois, en cas d'urgence dûment justifiée, il peut être dérogé à cette obligation ; / ii) il a été délivré depuis moins de dix ans ; / b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis en vertu du règlement (CE) n°539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, sauf s'ils sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité (...) /1 bis. Pour l'application du paragraphe 1, la date d'entrée est considérée comme le premier jour de séjour sur le territoire des Etats membres et la date de sortie est considérée comme le dernier jour de séjour sur le territoire des Etats membres. Les périodes de séjour autorisées au titre d'un titre de séjour ou d'un visa de long séjour ne sont pas prises en considération pour le calcul de la durée du séjour sur le territoire des Etats membres.". Aux termes du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001, la Colombie figure sur la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne.

5. Enfin, l'article 4 de l'accord conclu entre l'Union européenne et la République de Colombie le 2 décembre 2015 dispose que : " Les ressortissants de la Colombie peuvent séjourner sur le territoire des Etats membres qui appliquent l'acquis de Schengen dans on intégralité pendant une durée maximale de quatre-vingt-dix jours sur toute période de cent quatre-vingts jours. (...) ". Aux termes de l'article R. 212-6 du même code : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne n'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français : 1° S'il n'est pas assujetti à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois (...)".

6. Sur la période de 180 jours précédant l'entrée en France de la requérante en date du 15 janvier 2016, celle-ci a séjourné dans l'espace Schengen 180 jours, sans être titulaire d'un titre de séjour et alors que son premier visa Schengen de 90 jours, valable du 26 juin au 22 décembre 2012, était depuis longtemps expiré. Conformément aux dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 5 du règlement du 15 mars 2006 modifié, Mme F...ne pouvait dès lors pas revenir régulièrement en France, ainsi d'ailleurs que dans n'importe quel autre Etat de l'espace Schengen, sans être titulaire d'un visa, avant que ne se soit écoulé un délai minimal de 91 jours à partir de son départ effectif de l'espace Schengen. Par suite, et contrairement à ce qu'a jugé le juge de première instance, son entrée en France, le 15 janvier 2016, est irrégulière et le préfet pouvait par conséquent prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français en se fondant sur le 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeF....

8. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français en litige, qui vise les textes sur lesquels elle se fonde et énonce par ailleurs les circonstances de fait propres à la situation de MmeF..., est suffisamment motivée en droit et en fait. Par ailleurs, et dans la mesure où la requérante n'établit pas qu'elle disposerait d'un logement stable en France, ni même d'ailleurs qu'elle y résiderait de manière permanente, les membres de sa famille résidant, comme elle le fait valoir elle-même, en Espagne, ladite décision n'est pas entachée d'erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Si l'intéressée fait état de son mariage avec M. B..., elle ne l'établit pas, ni ne donne aucune précision sur la situation de son époux et sur la durée de leur relation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Enfin, les moyens tirés de ce que, d'une part, la garde à vue dont elle a fait l'objet aurait été dépourvue de fondement légal et, d'autre part, la procédure mise en oeuvre à son encontre, au titre d'une entrée irrégulière sur le territoire national en France, aurait porté une atteinte disproportionnée à ses droits, sont inopérants en ce qui concerne la mesure d'éloignement en litige. En tout état de cause, et comme il a été dit au point 6 ci-dessus, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu légalement fonder la mesure d'éloignement en litige sur le fait que la requérante était entrée irrégulièrement en France.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale.

10. Par ailleurs, Mme F...ne justifie pas d'une adresse stable en France et n'a pas d'activité professionnelle, elle ne présente donc pas de garanties de représentation suffisantes. Il existe un risque qu'elle se soustrait à l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite dès lors qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle s'est maintenue dans l'espace Schengen au-delà de la date de validité de son visa et qu'elle a déclaré, lors de son audition par les services de la police aux frontières, qu'elle ne souhaitait pas retourner en Colombie. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de délai de départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

11. En troisième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le placement en rétention administrative n'est pas dépourvu de base légale et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 janvier 2016 par lequel il a fait obligation à Mme F... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a décidé son placement en rétention administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme F...de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par l'Etat au titre des mêmes dispositions doivent également être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

14. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par Mme F...sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 19 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de Mme F...au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 16BX01182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01182
Date de la décision : 17/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP VIAL-PECH DE DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-17;16bx01182 ?
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