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17/01/2017 | FRANCE | N°15BX00347

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2017, 15BX00347


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tex Production a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006, ainsi que des pénalités y afférentes, pour un montant de 379 958 euros.

Par un jugement n° 1100686 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 29 janvier 2015 et 5 août 2015 la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tex Production a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006, ainsi que des pénalités y afférentes, pour un montant de 379 958 euros.

Par un jugement n° 1100686 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 29 janvier 2015 et 5 août 2015 la société Tex Production, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 décembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de M. C... de la Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Tex Production a pour activité le commerce de vêtements. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2004, 2005 et 2006, l'administration a considéré que sa comptabilité était régulière en la forme mais non probante, et a reconstitué son chiffre d'affaires au titre de ces trois exercices. Par un avis du 5 juin 2009, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a considéré comme fondé le rejet de la comptabilité et a estimé que la méthode de reconstitution retenue par l'administration n'était pas satisfaisante dans la mesure où elle n'intégrait pas les ventes de lots aux soldeurs. Par courrier du 15 décembre 2009, le supérieur hiérarchique du vérificateur a évalué l'activité de vente aux soldeurs en s'appuyant sur les inventaires de stocks et a revu à la baisse les rectifications. Par courrier du 22 mars 2010, l'interlocuteur départemental a considéré que la variation d'un exercice à l'autre des achats provisionnés figurant dans les stocks avait été revendue aux soldeurs et a, en conséquence, diminué encore les rectifications contestées. La société Tex Production fait régulièrement appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes, mis en recouvrement le 6 mai 2010 pour un montant total de 379 958 euros.

Sur les conclusions en décharge :

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".

3. La société Tex Production fait valoir que les feuilles journalières de vente qu'elle a communiquées au vérificateur permettaient de compenser l'absence de relevés détaillés des recettes journalières et que sa comptabilité ne pouvait dès lors pas être regardée comme non probante pour ce motif. L'administration soutient toutefois, sans être contredite, qu'une grande partie des articles vendus quotidiennement était portée de façon manuscrite sur les feuilles journalières de ventes sans références ou désignations permettant d'identifier précisément les articles concernés. Elle fait notamment valoir que certains articles étaient désignés par leur nature ou une dénomination ne permettant pas de les identifier, que d'autres étaient désignés à partir de termes génériques identifiant le fournisseur mais pas les articles acquis à des prix différents auprès de celui-ci, que d'autres encore, acquis auprès du fournisseur VTM International, étaient parfois inscrits avec une référence incomplète ou partielle ne permettant pas de les identifier, certaines des ventes réalisées auprès des " soldeurs " ne comportant, enfin, ni la désignation précise ni les références des produits vendus. Aussi, ces feuilles journalières de vente ne sauraient être regardées comme de nature à justifier le détail des opérations de vente quotidiennes. Dans ces conditions, compte tenu de la diversité des articles proposés à la vente, et dès lors par ailleurs qu'aucune justification n'a été apportée par la société sur les démarques pratiquées en période de soldes, les étiquettes correspondantes n'ayant pas été conservées, les éléments communiqués au vérificateur ne lui permettaient pas de vérifier la concordance des ventes déclarées avec les achats comptabilisés. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres anomalies relevées par le service, notamment celles concernant la variation des coefficients de marge brute d'une année sur l'autre, l'administration a pu regarder cette comptabilité comme non probante et procéder à la reconstitution extracomptable des recettes de la société.

4. Contrairement à ce que soutient la société Tex Production, la circonstance que l'administration a considéré que sa comptabilité était régulière en la forme ne s'oppose pas à ce que celle-ci soit regardée comme entachée de graves irrégularités au sens des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. En l'espèce, et dès lors que la requérante n'a pu produire de documents ou éléments permettant de justifier du détail des ventes réalisées quotidiennement, sa comptabilité doit être regardée comme comportant de graves irrégularités au sens de ces dispositions. Par suite, et dès lors que, comme l'a jugé le tribunal administratif de Toulouse sans être critiqué sur ce point par la requérante, ses bases d'imposition ont été établies conformément à l'avis émis le 5 juin 2009 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il lui appartient, en application des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération desdites bases d'imposition. Dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité suffisamment probante, elle peut soit critiquer la méthode d'évaluation suivie en vue de démontrer qu'elle aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode retenue par l'administration.

5. En premier lieu, la circonstance invoquée par la requérante que l'administration a appliqué, pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé en 2006, une méthode distincte de celle utilisée pour la reconstitution des chiffres d'affaires des années 2004 et 2005, n'est pas de nature, en tant que telle, et en l'absence de tout autre élément avancé par la requérante, à établir le caractère radicalement vicié de la méthode utilisée pour la reconstitution des deux premiers exercices contrôlés. Par ailleurs, la circonstance que la comptabilité d'une société soit regardée comme non probante ne fait pas obstacle à ce que l'administration utilise des éléments tirés de cette comptabilité pour reconstituer le chiffre d'affaires. Dans ces conditions, la société Tex Production, qui se contente de faire valoir de manière générale que l'administration ne pouvait valablement procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires en se fondant sur des données extraites de sa comptabilité, sans aucunement préciser en quoi lesdites données ne pouvaient en l'espèce être retenues, n'est pas fondée à soutenir que la reconstitution réalisée par l'administration serait, pour ce motif, viciée dans son principe.

6. En deuxième lieu, s'agissant des exercices 2004 et 2005, la société Tex Production soutient que la méthode retenue par l'administration est excessivement sommaire, voire radicalement viciée dans son principe, dès lors qu'elle conduit tout simplement à une extrapolation, aux ventes réalisées auprès des soldeurs, des coefficients de marge des ventes au détail réalisées en magasin auprès des particuliers, alors même qu'en raison de l'effet volume et de la nature des clients soldeurs, les coefficients de marge sont nécessairement inférieurs.

7. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Tex Production n'a pas produit, au cours de la procédure de vérification, de documents, tels que les étiquettes des articles concernés, le détail des lots ou les bons de livraisons, permettant de justifier l'existence et le volume des ventes réalisés auprès des clients qu'elle présente comme des " soldeurs ", seules les factures afférentes à ces ventes ayant été produites. Si elle a par ailleurs fourni, en pièce jointe d'un message électronique du 29 décembre 2009, la copie de chèques permettant d'établir la réalité des ventes réalisées au profit de la SARL Arfi, le détail des produits ainsi vendus n'a toutefois pas été précisé. Dans la mesure toutefois où la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires avait, dans son avis du 5 juin 2009, estimé que la méthode de reconstitution des recettes était insatisfaisante du fait qu'elle n'intégrait pas les ventes de lots aux soldeurs, l'administration a, nonobstant l'insuffisance des justificatifs, abandonné une partie des rectifications le 15 décembre 2009, puis le 22 mars 2010, en déduisant du chiffre d'affaires reconstitué de chaque exercice contrôlé, la valeur nette globale des articles pouvant être regardés comme ayant été cédés aux " soldeurs ", multipliée par le coefficient de marge tel qu'il avait été établi par le vérificateur pour l'année concernée. Ont ainsi été considérés comme ayant été vendus à des " soldeurs ", pour chaque année contrôlée, les articles portés, dans l'inventaire du stock constaté à la clôture de l'année précédente, dans les lignes intitulées " stock soldeurs ", " marchandises deuxième choix ", " VTM F° spéciale " et " Divers ". La société requérante ne fait état d'aucun argument ou élément permettant d'établir que les ventes dont l'administration a considéré qu'elles avaient été réalisées au profit de " soldeurs " seraient sous-évaluées. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la méthode appliquée pour reconstituer son chiffre d'affaires n'aurait pas pris correctement en compte les ventes aux " soldeurs " et aurait ainsi abouti à une exagération des bases d'imposition.

8. Par ailleurs, et si la société Tex Production fait valoir que le prix de revient des marchandises vendues en 2004 a été déterminé à partir de leur prix d'achat 2004, c'est-à-dire par application d'une méthode LIFO (" dernier entré, premier sorti "), l'argumentation développée à cet égard devant la cour est identique en tout point à celle précédemment développée devant le tribunal administratif dont la requérante ne critique pas la réponse pertinente que celui-ci lui a apportée et qu'il y a lieu d'adopter.

9. En troisième lieu, pour reconstituer le chiffre d'affaires afférent à l'exercice 2006, le vérificateur a relevé dans l'établissement, le 15 mai 2008, les prix de 135 articles. Il a par la suite déterminé, à partir de ce relevé et pour chaque fournisseur, le coefficient de bénéfice brut appliqué aux achats revendus, lesquels ont été déterminés à partir du stock initial, augmenté des achats réalisés en 2006 et diminué du stock final. Pour les fournisseurs dont aucun article n'était présent en magasin le jour du relevé de prix, un coefficient égal à 2 a été appliqué. Il a par ailleurs été tenu compte, malgré l'absence de tout justificatif sur ce point, de réfactions de 50 % sur le chiffre d'affaires pendant les périodes de soldes été et hiver, et de 2 % correspondant aux pertes techniques et démarques inconnues.

10. L'échantillonnage retenu par le vérificateur pour déterminer le coefficient de marge applicable à chaque fournisseur a porté sur 135 articles représentatifs des ventes réalisées par la société Tex Production, et a été réalisé contradictoirement, en présence de MmeA..., chef d'entreprise. La société Tex Production soutient que l'échantillon ainsi analysé porte sur un nombre trop limité de produits, que la détermination d'un coefficient de marge par fournisseur est inadaptée et que le taux de marge aurait dû être pondéré par " catégorie " dans son chiffre d'affaires. Néanmoins, et outre que la société Tex Production ne donne aucune précision quant aux motifs pour lesquels les 135 articles sélectionnés par le vérificateur n'auraient pas été en nombre suffisant au regard de la nature et du prix des articles habituellement vendus dans son magasin, la circonstance que ses fournisseurs auraient en partie changé entre 2006 et 2008 n'est pas de nature à invalider le choix de la méthode mise en oeuvre dès lors, d'une part que ses deux principaux fournisseurs en volume, VTM International et Twenty, étaient toujours présents, et que la requérante n'établit ni même n'allègue que ses relations commerciales avec eux auraient évolué entre 2006 et 2008, et, d'autre part, que l'application d'un coefficient forfaitaire de 2 aux fournisseurs dont aucun article n'était présent en magasin le jour du sondage est favorable à la requérante. En effet, et sur ce dernier point, à l'exception des deux fournisseurs précités, dont les produits vendus le jour du sondage présentaient en moyenne un coefficient de marge de 4,14 pour VTM International et 5,81 pour Twenty, les coefficients de marge calculés pour sept autres fournisseurs, qui représentaient un montant total de vente de 2 152 euros ce même jour, étaient compris entre 2,05 et 3,71, seuls les coefficients de marge des deux derniers fournisseurs, qui avaient représenté un montant total de vente de 1 459 euros, ayant été inférieurs à 2. Enfin, la société Tex Production n'établit pas en quoi la pondération d'un taux de marge par catégorie de produits plutôt que par fournisseur aurait été pertinente, alors qu'il ressort des pièces du dossier que ses deux principaux fournisseurs lui permettent de réaliser des marges bien supérieures à celles réalisées avec ses autres fournisseurs et qu'ils ont représenté 85 % de ses achats en 2006.

11. Enfin, le vérificateur a retenu, pour l'exercice 2006, un taux moyen des soldes de 50 % pendant toute la durée légale des soldes, la requérante n'ayant pu produire le moindre document afférent aux taux de solde effectivement pratiqués au cours de l'exercice, aucune des étiquettes apposées sur les articles soldées n'ayant, notamment, été communiquée à l'administration. Si la société Tex Production fait valoir qu'elle aurait pratiqué un taux de soldes moyen de 75 % au cours de la période allant du 1er juillet 2008 au 5 août 2008, cette circonstance, outre qu'elle n'est pas établie, n'est en tout état de cause pas de nature à remettre en cause le taux moyen retenu par le vérificateur pour l'ensemble des périodes de soldes de l'exercice 2006.

12. Il résulte de ce qui précède que la société requérante, qui ne propose pas de méthode alternative d'évaluation de ses recettes, ne rapporte pas la preuve du caractère exagéré de ses bases d'imposition. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Tex Production demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Tex Production est rejetée.

2

N° 15BX00347


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00347
Date de la décision : 17/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-17;15bx00347 ?
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