La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2017 | FRANCE | N°15BX00033

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2017, 15BX00033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 mars 2013 par laquelle le maire de la commune de Mérignac a refusé d'inviter le conseil municipal à remédier aux illégalités entachant sa délibération du 15 février 2010, d'enjoindre la commune, sous astreinte, d'abroger cette délibération et d'en tirer les conséquences sur la situation de l'agent contractuel irrégulièrement recruté en mettant fin à son contrat irrégulier, de condamner la commune à lui verser

une indemnité de 30 000 euros en réparation du préjudice subi et de mettre à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 mars 2013 par laquelle le maire de la commune de Mérignac a refusé d'inviter le conseil municipal à remédier aux illégalités entachant sa délibération du 15 février 2010, d'enjoindre la commune, sous astreinte, d'abroger cette délibération et d'en tirer les conséquences sur la situation de l'agent contractuel irrégulièrement recruté en mettant fin à son contrat irrégulier, de condamner la commune à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du préjudice subi et de mettre à la charge de la commune les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1301851 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a donné acte à Mme E...de son désistement de ses conclusions à fin d'injonction d'abrogation sous astreinte et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2015 et un mémoire enregistré le 27 septembre 2016, MmeE..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner la commune de Mérignac à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation des conséquences des refus délibérés d'abroger la délibération du conseil municipal du 15 février 2010 ;

3°) de juger frauduleux la délibération du 15 février 2010 et le contrat de recrutement conclu le 22 février 2010, ainsi que les autres actes postérieurs, et, par suite, insusceptibles de créer des droits acquis au bénéfice du contractuel irrégulièrement recruté ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Mérignac une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. D...de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant MmeE..., et de MeB..., représentant la commune de Mérignac.

Une note en délibéré présentée pour Mme E...a été enregistrée le 28 décembre 2016.

Considérant ce qui suit :

1. MmeE..., fonctionnaire auprès de la commune de Vallauris, a été recrutée par la commune de Mérignac (Gironde) en 1985 en qualité de rédacteur et affectée au service informatique, devenu plus tard direction des systèmes d'information. Reçue à l'examen de rédacteur chef, elle a été nommée dans ce grade en 1992. Reçue au concours d'attachée en 2001, elle n'a, en revanche, pas obtenu de la commune de Mérignac sa nomination dans ce grade avant le 1er janvier 2016. Le 15 février 2010, le conseil municipal de Mérignac a décidé que le poste de responsable télécoms de la direction des systèmes d'information, alors occupé par un agent contractuel recruté en 2004, prendrait l'appellation de responsable réseaux et télécoms, que la rémunération de cet emploi serait établie sur la base de l'indice brut 492 de la grille d'ingénieur territorial et qu'un contrat à durée indéterminée serait conclu pour pourvoir cet emploi avec l'agent contractuel occupant le poste, qui était en fonction depuis six ans auprès de la collectivité. Par arrêt du 8 avril 2014, la cour, sur appel de MmeE..., a estimé que la délibération du 15 février 2010 avait pour effet de modifier le tableau des effectifs de la commune en transformant un emploi relevant de la catégorie B en emploi relevant de la catégorie A sans indiquer, en méconnaissance de l'article 34 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, le motif pour lequel cet emploi pouvait être pourvu par un agent contractuel sur le fondement de l'article 3-3 de la même loi. La cour a, en conséquence, prononcé l'annulation de la décision du 21 octobre 2010 par laquelle le maire de la commune avait refusé de saisir le conseil municipal de la question de l'abrogation de cette délibération à caractère règlementaire et a enjoint au maire d'inscrire cette question à l'ordre du jour de la première séance du conseil municipal et au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Antérieurement à cet arrêt, MmeE..., qui avait adressé au maire de Mérignac une nouvelle demande d'abrogation de la délibération du 15 février 2010, a saisi le 24 mai 2013, le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation du nouveau refus opposé par le maire à sa demande, le 19 mars 2013, à ce qu'il soit enjoint aux autorités de la commune de procéder à cette abrogation et d'en tirer les conséquences quant à l'agent contractuel recruté sur le fondement de la délibération du 15 février 2010 et à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Par jugement du 12 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a donné acte à Mme E...de son désistement de ses conclusions en injonction tendant à ce que soit ordonnée l'abrogation de la délibération du 15 février 2010, intervenue en cours d'instance le 22 mai 2014, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme E...relève appel du jugement du 12 novembre 2014 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions et demande à la cour de condamner la commune de Mérignac à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation des conséquences des refus d'abroger la délibération du conseil municipal du 15 février 2010 et de juger la délibération du 15 février 2010 et le contrat de recrutement conclu le 22 février 2010 frauduleux et, par suite, insusceptibles de créer des droits acquis au bénéfice du contractuel irrégulièrement recruté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que ce jugement comporte la signature du rapporteur, du président de la formation de jugement et du greffier d'audience, conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administratif.

3. Le tribunal administratif a estimé, dans le point 5 du jugement attaqué, que le préjudice de carrière dont Mme E...faisait état n'était pas en lien direct, réel et certain avec l'illégalité de la délibération du 15 février 2010, dès lors qu'eu égard aux appréciations portées sur la manière de servir de l'intéressée, il n'était pas établi qu'elle aurait présenté les qualités techniques et managériales pour se voir proposer le poste de responsable réseaux et télécoms occupé par un agent contractuel conformément à cette délibération. Ainsi, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur ses conclusions indemnitaires en tant qu'elles étaient liées au refus de la commune d'abroger la délibération du 15 février 2010.

4. Il ressort de ses écritures de première instance qu'à l'appui de ses conclusions indemnitaires liées à l'illégalité de la délibération du 15 février 2010 et au refus d'abroger cette délibération, Mme E...a invoqué un préjudice résultant de l'occupation indue par un agent contractuel d'un poste dont " sont évincés les agents fonctionnaires lauréats des concours, et qui ont vocation, comme la requérante, créatrice du premier service informatique de la commune de Mérignac, à occuper ces emplois de façon prioritaire " et a fait état d'un " préjudice moral pour la requérante, qui a été cassée dans sa carrière ". Elle a également soutenu que le recrutement d'un contractuel " sur la base de la délibération du 15 février 2010 a conduit la commune au même moment à évincer la requérante du service même où a été placé le contractuel à un poste de direction ". Mme E...ne peut donc sérieusement soutenir en appel ne jamais avoir présenté devant les premiers juges d'argumentation relative à une vocation à être promue et nommée sur le poste de responsable réseaux et télécoms.

5. Mme E...a également soutenu en première instance avoir " été cassée dans sa carrière par le même DGS qui veut sa perte pour avoir exposé ce qu'est le vrai visage de la gestion du personnel à Mérignac " et a affirmé que sa hiérarchie avait obtenu " (son) éviction et (sa) mise au placard ". En analysant ses moyens comme tirés d'un harcèlement moral et du comportement de sa hiérarchie vis-à-vis d'elle, le tribunal a exactement interprété les écritures dont il était saisi.

6. Compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 5 ci-dessus, en répondant ainsi qu'il l'a fait aux conclusions indemnitaires de MmeE..., le tribunal administratif ne s'est donc pas mépris sur l'étendue des conclusions dont il était saisi et a suffisamment motivé son jugement.

7. Mme E...invoque devant la cour, dans la partie de sa requête consacrée aux " irrégularités entachant le jugement attaqué ", la " violation du principe d'impartialité (qui) paraît évidente ". Toutefois, en se bornant à faire état de " la dimension extraordinaire à tous égard, de toutes les décisions quelles qu'elles soient, et d'où qu'elles proviennent, dès lors qu'elles affectent Mérignac ", elle n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. En revanche, ainsi que l'a constaté le tribunal administratif dans les motifs de son jugement, et ainsi que le soutenait la commune de Mérignac en défense, le conseil municipal de la commune a abrogé en cours d'instance, le 22 mai 2014, la délibération du 15 février 2010. Ainsi que l'a, par ailleurs, estimé le tribunal, la délibération prise le même jour par le conseil municipal créant l'emploi de responsable réseaux et télécoms ne s'est pas bornée à apporter à la délibération du 15 février 2010 des modifications de pure forme dès lors qu'elle a, notamment, prévu que l'emploi pourrait être pourvu par un fonctionnaire de catégorie A ou, à défaut, par un agent contractuel dans les conditions fixées au 2° de l'article 3-3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Ainsi que l'a également estimé le tribunal dans les motifs de son jugement, les conclusions de Mme E...tendant à l'annulation de la décision du 19 mars 2013 par laquelle le maire de Mérignac avait refusé de soumettre au conseil municipal la question de l'abrogation de cette délibération étaient donc devenues sans objet, quand bien même la délibération du 15 février 2010 avait reçu application. En omettant, dans le dispositif de son jugement, de constater qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur ces conclusions, le tribunal a, par suite, entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu, par suite, de l'annuler sur ce point, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions indemnitaires de la requête :

9. Au soutien de ses conclusions indemnitaires, Mme E...invoque un préjudice d'entrave à sa carrière lié au refus de la commune d'abroger la délibération du 15 février 2010 et au recrutement d'un agent contractuel sur un poste qu'elle aurait eu vocation à occuper. Elle fait également état des conséquences sur sa carrière des agissements de sa hiérarchie. Il ressort des pièces du dossier que depuis 1986, Mme E...a fait l'objet d'appréciations sur sa manière de servir soulignant ses qualités professionnelles mais également un manque de souplesse dans ses relations et l'insuffisance de ses aptitudes à l'encadrement notamment au regard de la coordination d'une équipe. Le fait que Mme E...dirigeait trois agents dans les fonctions qu'elle occupait à Vallauris avant sa mutation à Mérignac en 1985 ne suffit pas à infirmer la pertinence de ces appréciations réitérées. Ainsi, Mme E...ne peut être regardée comme ayant perdu, du fait du retard mis à l'abrogation de la délibération du 15 février 2010 et du recrutement d'un agent contractuel pour occuper le poste créé par cette délibération, une chance sérieuse d'être nommée dans un poste de catégorie A. Dans ces circonstances, elle ne peut davantage invoquer une perte de chance sérieuse d'être promue dans un poste de catégorie A du fait du comportement de sa hiérarchie dont Mme E...allègue sans d'ailleurs apporter aucun élément de nature à corroborer ses affirmations, qu'elle voudrait lui " régler son compte ". Si Mme E...soutient également, en se référant notamment à la page 16 de sa requête introductive d'instance devant le tribunal, avoir subi un préjudice moral, elle n'apporte, comme le soutient la commune en défense, aucune précision de nature à établir la réalité de ce préjudice.

Sur les autres conclusions de la requête :

10. En dehors de certaines conditions, qui ne sont pas réunies en l'espèce, telles qu'un renvoi de l'autorité judiciaire, la juridiction administrative ne peut être saisie à titre principal de conclusions tendant à l'appréciation de la validité d'un acte administratif. Ainsi, les conclusions de Mme E...tendant à ce que la cour juge la délibération du 15 février 2010, le contrat de recrutement conclu le 22 février 2010 et tous les autres actes postérieurs, frauduleux et, par suite, insusceptibles de créer des droits acquis au bénéfice du contractuel irrégulièrement recruté, ne peuvent être accueillies.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit ni aux conclusions de MmeE..., ni à celles de la commune de Mérignac, tendant à ce que les frais d'instance exposés et non compris dans les dépens soient remboursés par la partie adverse.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301851 du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2014 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme E...tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune de Mérignac du19 mars 2013.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de Mme E...tendant à l'annulation de la décision du maire de Mérignac du 19 mars 2013.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Mérignac tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 15BX00033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00033
Date de la décision : 17/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (loi du 26 janvier 1984).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MAUBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-17;15bx00033 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award