Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
AGEFOS PME Guadeloupe et AGEFOS PME ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler d'une part, la décision du 10 décembre 2008 par laquelle le préfet de la région Guadeloupe a décidé de "déprogrammer" les crédits du fonds social européen correspondant aux conventions des années 2000 à 2002, et d'ordonner en conséquence le remboursement des crédits versés à ce titre, pour un montant total de 3 268 604,41 euros et d'autre part, de la décision implicite de rejet par le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi de leur recours hiérarchique formé contre cette décision.
Par un jugement n° 0900501 du 30 décembre 2014, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2015, et un mémoire enregistré le 17 juin 2016, AGEFOS PME Guadeloupe et AGEFOS PME, représentées par le Cabinet WetS, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900501 du 30 décembre 2014 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement litigieux dont une copie a été notifiée aux requérantes a été signé par "la greffière" et non par la greffière d'audience, en méconnaissance de la lettre des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : il est ainsi irrégulier ;
- le tribunal administratif s'est abstenu de répondre précisément aux deux branches du moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de contrôle retenue par l'administration ;
- le moyen tiré de ce que les actions de formation menées par Agefos Guadeloupe étaient parfaitement justifiées n'a pas été examiné par les premiers juges ;
- si la décision du 10 décembre 2008 comporte l'indication du prénom et du nom de son signataire, ces mentions ne sont pas lisibles ;
- il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur de l'acte, dont le nom et le prénom n'ont pu être identifiés, disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- la décision du 10 décembre 2008 n'est pas suffisamment motivée en droit et en fait ; la motivation est imprécise et erronée ;
- la décision dont s'agit viole les droits de la défense, car elles n'ont pas été en mesure de discuter ladite décision ;
- les décisions attaquées sont illégales en ce qu'elles reposent sur un contrôle irrégulier des activités d'Agefos PME :
- les décisions litigieuses ont été prises en violation du principe de sécurité juridique ;
- les documents justificatifs en possession d'Agefos PME Guadeloupe démontrent que les actions de formation pour lesquelles elle a bénéficié de financements ont été réalisées ;
- les dossiers justificatifs ont toujours été à la disposition de la DTEFP, à qui incombe la charge de la preuve des prétendues irrégularités ;
- Agefos PME et Agefos PME Guadeloupe ont régulièrement présenté, ce qui n'a jamais été contesté, l'ensemble des bilans financiers aux échéances contractuelles soit en 2001 2002, 2003, 2004 et 2005, sans que lesdits bilans ne soient mis en cause ou même discutés ;
- l'Etat ne pouvait tenir compte d'une date butoir ou d'une échéance qui n'avait jamais été communiquée aux requérantes, et ne pouvait pas refuser de tenir compte des plans de reprise communiqués après le 31 décembre 2008 ;
- en l'absence d'indication et d'informations précises sur les justificatifs à fournir, le préfet de région ne pouvait édicter une décision de recouvrement intégral des sommes perçues au titre des années 2000 à 2002, sauf à prendre une décision manifestement disproportionnée au regard d'une obligation insuffisamment définie ;
- l'administration n'a jamais contesté que les fonds versés ont effectivement été redistribués aux intéressés ;
- les règles de prescription du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, applicable au litige, font obstacle à ce que l'Etat puisse récupérer les fonds versés à Agefos PME Guadeloupe et Agefos PME.
Une mise en demeure a été adressée le 15 septembre 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier :
Vu :
- le Règlement (CE) n°1260/1999 du Conseil du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels ;
- le règlement (CE) n°1784/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 1999, relatif au Fonds social européen ;
- le règlement (CE) n°438/2001 de la Commission du 2 mars 2001 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle du concours octroyé au titre des Fonds structurels ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le document unique de programmation approuvé par la décision de la Commission européenne du 18 juillet 2000 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Bec,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andreo, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant Agefos PME Guadeloupe et Agefos PME.
Considérant ce qui suit :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête.
1. Aux termes de quatre conventions cadres conclues au cours des années 2001 à 2003 avec le Préfet de la région Guadeloupe, AGEFOS PME Guadeloupe a reçu des fonds émanant du Fonds social européen (" FSE ") destinés à financer des projets individuels d'entreprises en application du règlement CE n°1260/1999 du Conseil en date du 21 juin 1999 et de la décision de la Commission Européenne du 23 novembre 2000.
A la suite d'un audit de la gestion du FSE en Guadeloupe, la Commission Européenne a constaté des irrégularités récurrentes dans les dossiers d'AGEFOS PME Guadeloupe sur la période 2000 à 2004.
En concertation avec AGEFOS PME Guadeloupe le préfet de région, autorité de gestion en titre, a décidé de mettre en oeuvre un "plan de reprise" de l'ensemble des opérations financées, consistant en une vérification systématique des dépenses et pièces justificatives par AGEFOS PME puis par les services de contrôle de la DTEFP.
Les réunions de concertation entre les services de la direction du travail de l'emploi et de la formation professionnelle et AGEFOS PME qui se sont tenues d'avril à octobre 2007 n'ont pas permis de faire aboutir la vérification du service fait des dossiers financés au titre des années 2000, 2001, et 2002, faute de production des justificatifs requis.
En conséquence, par un courrier du 10 décembre 2008, le préfet de la région Guadeloupe a informé AGEFOS PME Guadeloupe de sa décision de "déprogrammer" les actions de formation des années 2000, 2001, et 2002, et de l'obligation en découlant pour AGEFOS PME Guadeloupe de rembourser les crédits FSE reçus à ce titre, soit la somme de 3 628 604,41 euros.
AGEFOS PME Guadeloupe et AGEFOS PME demandent à la cour d'annuler le jugement du 30 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision du 10 décembre 2008.
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) - (...) imposent des sujétions ; / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...)". Aux termes de l'article 3 de cette loi : "La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
Selon l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relations avec l'administration : "Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (... )".
3. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts du 21 septembre 1983 Deutsche Milchkontor et autres (C-205/82 à C-215/82) et du 12 mai 1998 Steff-Houlberg Export et autres (C-366/95), les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne sont soumises aux règles de droit national, sous réserve que l'application de ces règles se fasse de façon non discriminatoire au regard des procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et qu'elle ne porte pas atteinte à l'application et à l'efficacité du droit de l'Union ou n'ait pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées.
2. La décision par laquelle l'autorité administrative impose au bénéficiaire d'une aide de reverser les montants d'aide indûment perçus a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, en tant qu'elle retire une aide financière qui avait été précédemment octroyée à son bénéficiaire, et d'une décision imposant une sujétion, au sens des mêmes dispositions, en tant qu'elle assujettit l'opérateur économique concerné, selon des modalités qu'elle définit, à l'obligation de reverser l'aide indue. Ainsi, une telle décision doit être motivée et précédée d'une procédure contradictoire, conformément aux dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
3. Les dispositions combinées des articles 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 constituent une garantie pour le bénéficiaire de l'aide et trouvent à s'appliquer de manière identique à la récupération d'aides indûment versées sur le fondement de dispositions du droit national ou du droit européen, et n'ont pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées, dès lors qu'il appartient à l'administration de veiller au respect de la procédure qu'elles instituent et qu'il est loisible à celle-ci, en cas d'annulation d'une décision de reversement irrégulière, de prendre une nouvelle décision, sous réserve du respect des règles de prescription applicables. Dès lors, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de ces dispositions afin d'assurer la pleine efficacité du droit de l'Union.
4. Il résulte de l'instruction que, par la décision du 10 décembre 2008, le préfet de la région Guadeloupe a informé AGEFOS PME Guadeloupe qu'en l'absence de finalisation du plan de reprise initié pour contrôler la réalité du service fait des opérations ayant donné lieu à versements du fond social européen, l'ensemble des opérations pour les années 2000 à 2002 faisaient l'objet d'une déprogrammation qui impliquait le reversement intégral des aides versées à ce titre.
Cette décision a été prise sans qu'AGEFOS PME Guadeloupe ait été mise à même de présenter des observations écrites. Elle est ainsi intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être par suite annulée.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'AGEFOS PME Guadeloupe et AGEFOS PME sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2008 du préfet de la région Guadeloupe.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit d'AGEFOS PME Guadeloupe et d'AGEFOS PME.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0900501 du 30 décembre 2014 du tribunal administratif de la Guadeloupe et la décision du préfet de la Région Guadeloupe en date du 10 décembre 2008 sont annulés.
Article 2 : L'Etat paiera à AGEFOS PME Guadeloupe et AGEFOS PME, ensemble la somme de 1 500 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à AGEFOS PME Guadeloupe, à AGEFOS PME et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
M. Pierre Bentolila, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 janvier 2017.
Le rapporteur,
Antoine BecLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 15BX00773