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12/01/2017 | FRANCE | N°16BX03378

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 12 janvier 2017, 16BX03378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 avril 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1602497 du 19 septembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2016, M.A..., re

présenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 avril 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1602497 du 19 septembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2016, M.A..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2016 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- Mme G...n'avait pas compétence pour signer l'arrêté attaqué dès lors que M. Suquet, secrétaire général, qui a signé une décision d'éloignement le même jour, n'était pas empêché ni absent ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; le préfet, qui se contente de reproduire l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, s'est senti lié par cet avis ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il présente des troubles post-traumatiques à l'origine d'un état dépressif chronique accompagné d'idées suicidaires ; le médecin de l'agence régionale de santé a considéré à huit reprises entre 2007 et 2014 que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il n'existait pas de traitement approprié en Turquie ; les certificats médicaux établis les 8 octobre 2015 et 4 mai 2016 font état d'un mode dépressif chronique, et indiquent qu'un passage à l'acte suicidaire ne peut être écarté et qu'un retour dans son pays d'origine constituerait une rupture du processus de soin avec un risque de conséquences graves ;

- l'arrêté porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale prévue par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation familiale ; il est entré sur le territoire national il y a près de dix ans et son frère ainsi que deux de ses fils, dont l'un dispose d'un titre de séjour, vivent en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et renvoie à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 20 octobre 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2016 à 12 heures.

M. A...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Cécile Cabanne, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...A..., ressortissant turc, né le 1er mai 1963, est entré en France au mois d'octobre 2006, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 2 février 2007 puis par la Commission des recours des réfugiés le 21 juin 2007. Le 1er décembre suivant, il s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, régulièrement renouvelé jusqu'au 13 octobre 2015. Le 27 juillet 2015, M. A... a sollicité une nouvelle fois le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 27 avril 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement n°1602497 du 19 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions en annulation :

2. En vertu de l'article 4 de l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 mars 2016 régulièrement publié le 25 mars 2016 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde n°2016-032, Mme F...G..., directrice de l'accueil et des services au public à la préfecture de la Gironde, a reçu du préfet, en cas d'absence ou d'empêchement de M. E...Suquet, secrétaire général de la préfecture, et de M. B...D..., sous-préfet, directeur du cabinet, une délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions de refus de délivrance de titre de séjour et " toutes décisions d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant prises en application du Livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Si M. A...produit une décision d'éloignement signée par M. Suquet le 27 avril 2016 établissant qu'il n'était pas absent à la date de la décision attaquée, cette circonstance ne suffit pas à établir que le secrétaire général de la préfecture n'aurait pas été empêché au moment de la signature de l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence en tant qu'il est signé par Mme G...ne peut qu'être écarté.

3. La décision de refus de titre de séjour vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations pertinentes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelle l'objet de la demande du requérant, la teneur de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, ainsi que des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. A.... Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au préfet, qui n'est pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments de fait afférents à la situation personnelle du requérant, de ne pas avoir suffisamment motivé en droit ou en fait la décision attaquée. Cette motivation est conforme aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, codifié depuis le 1er janvier 2016 à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. Contrairement à ce que soutient M.A..., il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Haute-Vienne ne s'est pas uniquement fondé sur l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé pour édicter le refus de séjour litigieux, mais a personnellement apprécié la situation de l'intéressé au regard de l'ensemble des éléments de son dossier.

5. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...). ". L'article L. 511-4 du même code dispose que " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) ".

6. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A...sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Gironde s'est, ainsi qu'il a été dit, fondé sur l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 30 décembre 2015 indiquant que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une extrême gravité et qu'il existe un traitement approprié en Turquie. M. A...fait valoir qu'il souffre de troubles post-traumatiques liés à des événements traumatisants qu'il a endurés en Turquie, et qu'il ne pourrait être pris efficacement en charge dans ce pays. Il ressort des deux certificats médicaux établis par son psychiatre traitant les 8 octobre 2015 et 4 mai 2016 que M. A...souffre d'une dépression chronique sévère avec idéations suicidaires démontrant, contrairement à l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que le défaut de prise en charge médicale entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, ce n'est que dans le certificat médical produit postérieurement à la date de la décision attaquée qu'il est expressément fait référence à un syndrome de stress post-traumatique. De même, ce n'est que postérieurement à l'arrêté attaqué que son psychiatre indique qu'un retour en Turquie de M. A... pourrait avoir des conséquences d'une extrême gravité. Dans le certificat médical du 8 octobre 2015, en revanche, son psychiatre soulignait qu'il vivait isolé, quittant peu son domicile et sans emploi rémunéré, situation qui le maintenait " dans un état de précarité, d'insécurité et de dépendance et alimentant des sentiments d'indignité, de dévalorisation et de culpabilité " rendant difficile l'amélioration de son état. M. A...ne produit aucun autre élément de fait établissant que les troubles dont il souffre seraient directement liés à des événements traumatiques vécus dans son pays, alors qu'au demeurant, l'OFPRA n'a pas tenu pour établis les interpellations, persécutions et gardes à vue dont le requérant aurait fait l'objet en Turquie, décision confirmée par la Commission des recours des réfugiés. Dans ces conditions, compte tenu des variations dans l'évaluation de l'état de santé de l'intéressé révélées par les certificats médicaux produits, et en l'absence d'autres précisions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour contesté, le préfet de la Gironde aurait commis une erreur dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Pour les mêmes motifs, et dans la mesure où il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé ne serait pas en état de voyager, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français, dont le préfet de la Gironde a assorti son refus de titre de séjour, aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. A...déclare résider en France depuis près de dix ans et justifier d'attaches familiales dans ce pays en les personnes de son frère et de deux de ses fils majeurs. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est divorcé et sans charge de famille en France, où il est entré à l'âge de 43 ans. Il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie où vivent, selon ses propres déclarations, trois de ses enfants, dont un mineur. Par suite, la décision de refus de séjour contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En prenant cette décision, le préfet de la Gironde n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M.A....

10. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, de même que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 janvier 2017.

Le rapporteur,

Cécile. CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 16BX03378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03378
Date de la décision : 12/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-12;16bx03378 ?
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