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20/12/2016 | FRANCE | N°16BX02324

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2016, 16BX02324


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 1403192 du 8 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2016 et le 19 septembre 2016, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem

ent du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 1403192 du 8 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2016 et le 19 septembre 2016, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité arménienne, né le 23 juin 1979, est entré irrégulièrement en France accompagné de son épouse le 23 août 2009. Le 4 février 2010, il a sollicité le bénéfice de l'asile, qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 20 avril 2010 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 juillet 2012. Il a alors fait l'objet d'un arrêté en date du 11 mai 2010 du préfet de la Haute-Garonne portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le 2 août 2010, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade et a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour régulièrement renouvelée jusqu'au 28 août 2011 puis d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 20 juillet 2011 au 19 juillet 2012. Le 23 juin 2012, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Au cours de l'instruction de sa demande, il est retourné en Arménie avec sa famille pour assister son père gravement malade. Le 16 juillet 2012, il a sollicité auprès du poste consulaire français un visa de retour au bénéfice de sa fille mineure. Le 24 août 2012, et à la suite de sa demande du 23 juin 2012, le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées a rendu un avis au terme duquel l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine. En revanche, le médecin-conseil auprès de l'ambassade de France en Arménie a, le 4 septembre 2012, infirmé cet avis en ce qui concerne la disponibilité du traitement médical. Par un arrêté en date du 11 septembre 2012, le préfet de la Haute-Garonne a donc édicté à son encontre un arrêté portant refus de renouvellement de son titre de séjour. Si par un jugement n° 1204367 du 26 février 2014, le tribunal administratif de Toulouse avait rejeté la demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ce jugement, de même que l'arrêté en cause ont finalement été annulés par un arrêt de la cour n° 14BX00722 du 2 juillet 2014. Le 22 novembre 2012, M. B...a été interpellé par les services de police. Par un arrêté du même jour, le préfet a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et a ordonné son placement en rétention administrative. Cette dernière mesure a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1205147 du 26 novembre 2012. Une assignation à résidence a alors été prononcée à son encontre, à laquelle il n'a pas déféré. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ont, elles, été confirmées par un arrêt de la cour n° 13BX00110 du 3 mars 2014, qui a, en revanche, annulé la décision portant refus de délai de départ volontaire. Le 5 mars 2013, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, mais sa demande a été rejetée par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 octobre 2013 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire national durant trois ans. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1402716 du 2 juin 2014 puis par un arrêt de la cour n° 14BX00924 du 2 juillet 2014. Le 28 mai 2014, M. B...a de nouveau été interpellé par les services de police. Il a sollicité alors le réexamen de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du même jour, il a fait l'objet d'un placement en rétention administrative, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1305018 du tribunal administratif de Toulouse du 26 février 2014 et un arrêt de la cour n° 14BX02140 du 5 janvier 2015. Le 2 juin 2014, et à la suite de sa demande de réexamen du 28 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées a estimé que son état de santé nécessitait une prise charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine. Par un arrêté du 24 juin 2014, le préfet de la Haute-Garonne a retiré son précédent arrêté du 11 septembre 2012 et a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par courriers des 25 juillet et 9 septembre 2014, le préfet a confirmé sa décision du 24 juin 2014. Le 9 septembre 2014, M. B...a de nouveau été interpellé dans le cadre d'une commission rogatoire émise par le vice-président du tribunal de grande instance de Paris. Il a alors été placé le même jour en rétention administrative en exécution de l'arrêté du 23 octobre 2013. Cette mesure a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1404310 du 12 septembre 2014. De nouveau interpellé le 6 mars 2015, une nouvelle mesure de placement en rétention administrative a été prise à son encontre, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1501135 du 10 mars 2015. M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 24 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour.

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'avant de se prononcer sur la demande d'un ressortissant étranger sollicitant de manière sérieuse le bénéfice d'une prise en charge médicale en France compte tenu tant de son état de santé que de l'impossibilité de soins dans le pays de renvoi, l'autorité préfectorale compétente doit permettre à l'intéressé de soumettre un dossier médical au médecin de l'agence régionale de santé pour que ce dernier puisse rendre son avis conformément aux dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de son arrêté d'application du 9 novembre 2011, et éclairer ainsi l'autorité administrative sur le sens de la décision à édicter.

4. M. B...a fait état de ses graves problèmes de santé, du traitement médical qu'il suivait en France et de l'impossibilité pour lui de retourner en Arménie, pays dans lequel il a vécu les traumatismes à l'origine de ses pathologies. Il a produit des certificats et documents médicaux indiquant qu'il souffre d'un syndrome anxio-dépressif avec idéations suicidaires, d'un stress post-traumatique, et a invoqué ses tentatives de suicide. Il s'est également prévalu du précédent avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé en août 2012 selon lequel son état de santé nécessitait un traitement médical dont il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine. Informé de l'état de santé de M. B...qui, selon les certificats médicaux produits, s'était dégradé depuis le rapport médical qu'il avait remis au médecin de l'agence régionale de santé en août 2012, le préfet de la Haute-Garonne n'a toutefois pas permis à l'intéressé, avant de prendre l'arrêté contesté, de constituer, conformément aux dispositions précitées, un dossier médical comportant un rapport rédigé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier, qui aurait permis au médecin de l'agence régionale de santé que le préfet a consulté avant de prendre la décision attaquée, de rendre un avis éclairé sur l'état de santé de l'intéressé. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que la pathologie de l'intéressé s'était aggravée depuis le rapport médical qu'il avait remis au médecin de l'agence régionale de santé deux ans auparavant, le préfet de la Haute-Garonne a entaché sa décision d'un vice de procédure au regard des exigences énoncées par les dispositions précitées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2014.

Sur les conclusions de M. B...à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Le motif d'annulation retenu par le présent arrêt n'implique pas d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de délivrer un titre de séjour à M.B.... Les conclusions susvisées doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. En application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403192 du 8 juillet 2016 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 24 juin 2014 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

2

N° 16BX02324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02324
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DE BOYER MONTEGUT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-20;16bx02324 ?
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