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20/12/2016 | FRANCE | N°15BX00474

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2016, 15BX00474


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société de fait La Boîte aux Anges a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge des rappels de taxes sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1303755 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2015, la société de fait La Bo

te aux Anges, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui acc...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société de fait La Boîte aux Anges a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge des rappels de taxes sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1303755 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2015, la société de fait La Boîte aux Anges, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de fait La Boîte aux Anges, constituée entre M. A...B...et M. E... D...et qui a pour activité les travaux de rénovation de bâtiment et la vente en gros et au détail d'articles de décoration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 100 395 euros en droits et pénalités. La société La Boîte aux Anges relève appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification... ".

3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 26 janvier 2010, M. B...a informé l'administration fiscale du changement de dénomination de la société de fait BM Services qu'il avait créé en 2005 avec M. D...et du transfert de son siège social. Au 1er septembre 2009, la société BM Services, installée à Pornic, a ainsi pris le nom de société " La Boîte aux Anges " et le siège social a été déménagé à Issigeac. Il est constant que la société a continué sans interruption à exercer son activité dans les mêmes conditions que précédemment, utilisant d'ailleurs durant encore un temps des factures à l'en-tête de la société BM Services. Compte tenu de cette continuité, et en l'absence de toute confusion possible pour le contribuable quant à la société effectivement concernée par le contrôle, dès lors notamment qu'aucune entité juridique nouvelle n'a repris l'appellation " société BM Services ", la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en procédant, après la notification d'un avis de vérification de comptabilité établi au nom actuel de la société, à un examen des déclarations fiscales et comptables qui avaient été établies au nom de " BM Services ", l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure de vérification de comptabilité. Pour le même motif, la société La Boîte aux Anges ne peut se prévaloir du défaut d'envoi d'un avis de vérification de comptabilité au nom de la société BM Services.

Sur la régularité de l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires :

4. Le défaut de caractère contradictoire de la procédure suivie devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition et n'est pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée, mais a seulement pour effet de modifier la dévolution de la charge de la preuve.

5. Le vérificateur a estimé que la comptabilité de la société La Boîte aux Anges n'était pas probante et a en conséquence procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires pour les exercices clos de 2008 à 2010. La société a demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle s'est réunie le 24 septembre 2012, mais il est constant qu'elle ne s'est pas présentée et n'était pas représentée à cette séance, à laquelle elle ne conteste pas avoir été régulièrement convoquée, et n'a avisé le secrétariat de la commission de cette absence que par l'envoi d'une télécopie adressée le jour même à 10h40. Dans ces conditions, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose en pareille hypothèse le renvoi de l'examen du dossier par la commission à une date ultérieure, l'avis par lequel celle-ci a confirmé le caractère non probant de la comptabilité et le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée est régulier et donc opposable à la société La Boîte aux Anges.

Sur le rejet de la comptabilité :

6. La société, en se bornant à affirmer, sans appuyer ses dires de justificatifs probants, d'une part, que les ruptures existant dans la chaîne de numérotation des factures résultaient d'une mauvaise maîtrise des règles de facturation et du logiciel utilisé, d'autre part, que certaines factures regardées comme manquantes par l'administration correspondaient à des erreurs de facturation, à des remises ou à des opérations se rattachant à d'autres exercices que ceux de l'année de facturation, ne remet pas sérieusement en cause le défaut de caractère sincère et probant de sa comptabilité, résultant du constat par le vérificateur de ce que, non seulement la numérotation chronologique des factures requise par le 7° de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts révélait des factures manquantes, mais également que la société, qui n'a pas déclaré toutes ses recettes, établissait des factures comportant un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % tout en enregistrant les opérations correspondantes en comptabilité pour un taux de 5,5 % et falsifiait l'identité de ses clients ou établissait des attestations frauduleuses afin de rendre plausible l'application de ce taux réduit. Dans ces conditions, c'est à juste titre que la comptabilité a été écartée comme dépourvue de valeur probante.

Sur la reconstitution des recettes :

7. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

8. Ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6, la comptabilité tenue par la société pour les exercices litigieux était entachée de graves irrégularités. Il est en outre constant que le montant des recettes reconstituées a été fixé conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 5, n'est pas entaché d'irrégularité. Dès lors, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société d'apporter la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition.

9. Le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la société La Boîte aux Anges en tenant compte des factures dont il avait connaissance, des renseignements obtenus auprès des principaux clients de la société dans le cadre de l'exercice de son droit de communication et des chèques encaissés sur ses comptes bancaires. Il a ainsi déterminé pour chaque année le montant moyen d'une facture, qu'il a appliqué aux factures manquantes correspondant à des ruptures dans l'enregistrement normalement chronologique et continu des facturations. Le rapprochement du chiffre d'affaires ainsi reconstitué avec les déclarations CA 12 déposées par la société a permis de révéler des discordances pour des montants de 17 303 euros en 2008, 15 840 euros en 2009 et 22 240 euros en 2010.

10. Pour contester cette méthode et les montants des rappels de taxe, la société requérante produit en premier lieu des factures regardées comme manquantes par l'administration et qui correspondraient, selon elle, soit à des opérations réalisées, comptabilisées et déclarées l'année précédant ou suivant leur émission soit, selon les cas, à une prestation gratuite, à des facturations erronées ou au règlement d'un solde de paiement suivant acompte. Toutefois, la seule production de ces factures et les explications fournies ne peuvent être regardées comme des éléments probants du caractère erroné de la reconstitution, dès lors notamment qu'elles révèlent une pratique de facturation non conforme à la réglementation applicable en la matière, qu'elles ne sont corroborées par aucune autre pièce, et sont même contredites par la numérotation automatique des factures par le logiciel comptable de l'entreprise ainsi que par les falsifications constatées par le vérificateur.

11. Si, en deuxième lieu, la société La Boîte aux Anges soutient que, compte tenu des écarts importants dans les montants des factures qu'elle émet, l'administration devait, pour reconstituer son chiffre d'affaires, tenir compte d'un prix médian de facturation et non d'un prix moyen, elle n'établit pas, par la seule référence à deux factures dont les montants sont les extrêmes opposés, que la référence à un prix médian, au regard notamment de la typologie de l'intégralité des factures émises au cours de la période vérifiée, aurait permis une évaluation plus juste de son chiffre d'affaires ni que le recours par le service à un prix moyen de facturation caractériserait une méthode de reconstitution sommaire et viciée au regard des conditions d'exploitation propres à l'entreprise, sur lesquelles le vérificateur s'est fondé.

12. Enfin, pour démontrer qu'il n'existerait pas de discordance entre la taxe sur la valeur ajoutée effectivement collectée et celle qu'elle a déclarée, la société produit des copies d'attestations établies par un certain nombre de clients en application de l'article 279-0 bis du code général des impôts, en vertu desquelles les travaux réalisés pour leur compte relevaient de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 %. Cependant, et à supposer que ces documents puissent être regardés comme revêtus d'une valeur probante, il résulte en tout état de cause des dispositions de l'article 283-3 du code général des impôts que la taxe au taux normal mentionnée sur les factures correspondantes est celle qui est effectivement due.

13. Par suite, la société La Boîte aux Anges ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition.

Sur les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaratio1n ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

15. Si la société requérante fait valoir qu'elle a présenté sa comptabilité et n'a pas fait obstacle au déroulement normal de la vérification, les constats opérés par le vérificateur et rappelés au point 6 révèlent néanmoins de sa part la mise en oeuvre de démarches ou procédés destinés à égarer l'administration fiscale dans ses contrôles. L'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve de l'existence de manoeuvres frauduleuses au sens des dispositions précités, de nature à justifier l'application de la majoration de 80 %.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Boîte aux Anges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que sollicite la société La Boîte aux Anges au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société La Boîte aux Anges est rejetée.

5

N° 15BX00474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00474
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : LUCIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-20;15bx00474 ?
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