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20/12/2016 | FRANCE | N°15BX00436

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2016, 15BX00436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société publique locale (SPL) gestion aménagement construction de Dreux, représentée par Me A..., a contesté l'ordonnance du 19 novembre 2013 par laquelle le président du tribunal administratif d'Orléans a procédé à la liquidation et à la taxation des frais et honoraires de l'expertise confiée à M. D...E...à la somme de 35 890 euros HT, soit 42 924,44 euros TTC.

Par un jugement n° 1400013 du 18 décembre 2014 tel que modifié par l'ordonnance de rectification matérielle du 7 janvier 2015

, le tribunal administratif de Poitiers a fixé le montant des frais et honoraires de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société publique locale (SPL) gestion aménagement construction de Dreux, représentée par Me A..., a contesté l'ordonnance du 19 novembre 2013 par laquelle le président du tribunal administratif d'Orléans a procédé à la liquidation et à la taxation des frais et honoraires de l'expertise confiée à M. D...E...à la somme de 35 890 euros HT, soit 42 924,44 euros TTC.

Par un jugement n° 1400013 du 18 décembre 2014 tel que modifié par l'ordonnance de rectification matérielle du 7 janvier 2015, le tribunal administratif de Poitiers a fixé le montant des frais et honoraires de l'expert à la somme de 24 662,04 euros TTC.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2015 et un mémoire présenté le 15 janvier 2016, M. D...E..., représenté par la SELARL Edou de Buhren, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 décembre 2014 ;

2°) de confirmer l'ordonnance du tribunal administratif d'Orléans du 19 novembre 2013 qui avait taxé et liquidé les honoraires de M. E...à la somme de 42 924,44 euros TTC ;

4°) de condamner la société publique locale de Dreux à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de la société publique locale de Dreux la somme de 7 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société publique locale gestion aménagement construction.

Des notes en délibéré présentées par et pour M. E...ont été enregistrées les 24, 26 novembre et 1er décembre 2016.

Considérant ce qui suit :

1. La société publique locale gestion aménagement construction de Dreux a sollicité la réalisation d'une mission d'expertise à titre préventif en vue de déterminer l'état des immeubles et ouvrages susceptibles d'être affectés par l'exécution de travaux de démolition d'une maison d'habitation située 41 rue de Parisis à Dreux pour la réalisation d'un passage public. Le président du tribunal administratif d'Orléans a ordonné cette expertise, le 9 avril 2013, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, et a désigné M. E...en qualité d'expert. L'expert a déposé son rapport le 12 octobre 2013. Par une ordonnance du 19 novembre 2013, le président du tribunal administratif d'Orléans a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. E...à la somme de 42 924,44 euros toutes taxes comprises. Par un jugement n° 1400013 du 18 décembre 2014 modifié par une ordonnance de rectification matérielle du 7 janvier 2015, le tribunal administratif de Poitiers a ramené les frais et honoraires de l'expert à la somme de 24 662,04 euros TTC. M. E...relève appel de ce jugement et demande à la cour de confirmer l'ordonnance de taxation du 19 novembre 2013. La société publique locale gestion aménagement construction de Dreux a présenté des conclusions incidentes par lesquelles elle demande à la cour, d'une part, de réformer ce jugement et de ramener les honoraires et frais de l'expertise au montant de 6 438,66 euros, et d'autre part, de procéder à un abattement complémentaire de 7 000 euros au titre des frais qu'elle a été contrainte d'exposer en première instance et en appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. E...reproche aux premiers juges de n'avoir pas indiqué les motifs pour lesquels ils ont réduit ses honoraires et de n'avoir pas précisé notamment le nombre d'heures de vacations qu'ils ont supprimées et les postes sur lesquels cette réduction s'est appliquée. Cependant, le tribunal a repris chacun des chefs de la mission d'expertise qui avait été confiée à M. E...et a indiqué les motifs pour lesquels il a considéré que ce dernier n'avait pas complètement accompli trois de ses missions (correspondant aux points 5, 6 et 7 de l'ordonnance du 19 novembre 2013). Le tribunal administratif de Poitiers, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, ni de détailler son calcul lors de la réfaction du montant des honoraires de l'expert, n'a dès lors pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur les frais et honoraires de l'expertise :

3. Le tribunal administratif de Poitiers a réduit de près de la moitié les frais d'expertise en relevant que l'expert, qui avait rendu un travail difficilement exploitable compte tenu de sa présentation, n'avait pas répondu à l'ensemble des questions qui lui avaient été posées par l'ordonnance du 9 avril 2013 ayant désigné l'expert et déterminé sa mission.

4. Aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-1 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. [...] Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement [...] fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur et des diligences mises en oeuvre pour respecter le délai mentionné à l'article R. 621-2. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert ". Il résulte des dispositions précitées que le montant des honoraires doit être fixé en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert. En revanche, la critique portant sur son comportement, son impartialité, les méthodes qu'il a appliquées et la pertinence des conclusions auxquelles il a abouti n'est pas de nature à établir l'exagération des honoraires.

5. En premier lieu, M. E...reproche au tribunal d'avoir remis en cause la qualité et l'utilité de son rapport, en rappelant qu'il n'avait disposé que d'un délai de six mois pour accomplir sa mission et en soutenant qu'il a produit un rapport complet de 94 pages et 38 annexes comportant des plans des immeubles concernés, des constats, des comptes-rendus des réunions, des photographies, des vidéos et ses échanges de courriers avec la société publique locale de Dreux. L'expert a cependant fait le choix de présenter les éléments de son expertise de façon chronologique et non thématique. Si, comme l'a relevé le tribunal, l'absence de maîtrise des règles grammaticales, syntaxiques et typographiques par l'expert ne saurait suffire à remettre en cause les frais de cette expertise, il résulte de l'instruction que la présentation chronologique et la qualité médiocre de ce rapport le rendent difficilement exploitable, à défaut pour ce dernier d'avoir apporté des réponses claires et précises aux questions qui lui étaient posées et remettent ainsi en cause, dans une certaine mesure, l'utilité de cette expertise.

6. En deuxième lieu, il est constant que l'expert a répondu aux points 1 à 4 de la mission d'expertise qui lui avait été confiée et qui consistaient essentiellement, selon l'ordonnance du 19 avril 2013, à visiter le site prévu pour les travaux, à prendre connaissance de tous les documents concernant ces travaux, à entendre toute personne susceptible de l'éclairer dans la réalisation de son expertise, à procéder à la visite de l'immeuble objet de la démolition et des immeubles voisins, à décrire leur état actuel, les éventuels désordres dont ils pourraient être affectés et à formuler toutes observations utiles sur ces constatations.

7. En troisième lieu, M. E...soutient qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas accompli de manière complète les missions qui lui avaient été assignées par les points 5, 6 et 7 de l'ordonnance du 19 avril 2013 dans la mesure où les carences de son expertise seraient imputables à l'attitude de la société publique locale qui, d'une part, ne lui a pas communiqué les études de sol et les plans du géomètre expert qui lui auraient permis d'établir des relevés structurels complets des immeubles, d'autre part, ne lui a pas indiqué les techniques de démolition qu'elle envisageait de mettre en oeuvre, ce qui lui aurait permis de déterminer avec précision les mesures de sauvegarde à prévoir et de les chiffrer.

8. Le point 5 de la mission dévolue à l'expert lui imposait " pour chacun des lots, de faire plus particulièrement un relevé structurel complet de l'immeuble concerné ainsi qu'un relevé structurel des immeubles mitoyens ". Cependant, l'expert soutient qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas produit de relevés structurels complets des immeubles situés aux n° 39, 41 et 43 dès lors que l'établissement de tels relevés et la détermination de l'épaisseur du mur séparant ces immeubles nécessitaient la production d'une étude de mitoyenneté réalisée par un géomètre expert. Cependant, et quand bien même M. E...n'aurait pas disposé des compétences requises pour établir lui-même ce relevé structurel complet des immeubles, il n'en reste pas moins qu'en ne joignant pas les plans de verticalité qui auraient permis de déterminer l'épaisseur des murs séparatifs et d'identifier les éventuelles déformations, inclusions ou interconnexions structurelles entre bâtis susceptibles de présenter un risque lors de la démolition du bâtiment n° 41, il n'a pas rempli le point 5 de sa mission.

9. Ensuite, le point 6 de la mission imposait à l'expert " de dire s'il convient de procéder à la mise en place et à la réalisation de mesures de sauvegardes ou de travaux particuliers qui seraient de nature à éviter toute aggravation de l'état que les immeubles limitrophes présente actuellement et en chiffrer leur coût " et le point 7 prévoyait que l'expert détermine " si les travaux prévus présentent un risque pour la stabilité desdits immeubles et dans l'affirmative, de préconiser des mesures pour y remédier ". Il ressort du rapport d'expertise que M. E...a proposé de créer, avant démolition, une structure métallique par portique sur la largeur de la parcelle n° 41, qui viendrait consolider les deux maisons mitoyennes avant démolition. L'expert préconise une seule structure qui servirait de maintien pendant la phase de destruction de la maison n° 41 et de structure architecturale du passage lors de la phase finale. Il indique en outre que la réalisation de ces portiques impliquera de recourir à des micro-pieux, ce qui selon lui, rendait nécessaire la réalisation d'une étude de sol. Ce faisant, l'expert a proposé des mesures de sauvegarde dont la cour n'a pas à apprécier la pertinence dans le présent litige portant sur une contestation des honoraires de l'expert. Toutefois, il est constant qu'il n'a pas chiffré le coût des mesures de sauvegarde ou des travaux qu'il a évoqués. A ce titre, M. E...ne saurait se prévaloir du fait qu'il n'avait pas connaissance des modes opératoires concernant la démolition de l'immeuble situé au n° 41 alors que la société publique locale entendait précisément déterminer les techniques de démolition de cet immeuble en fonction des préconisations de l'expert. Par suite, et comme l'a estimé à juste titre le tribunal, M. E... n'a pas respecté sa mission consistant à chiffrer les mesures de sauvegarde qu'il a préconisées.

10. En quatrième lieu, il est reproché à l'expert d'avoir excédé les limites de sa mission. Il résulte de l'instruction qu'en recherchant si le projet de la société publique locale de Dreux avait reçu les autorisations préalables requises, en dénonçant le fait que cette société n'ait pas encore conclu de marché de maîtrise d'oeuvre, en recherchant si l'appartement de Mme B...était indécent ou insalubre et enfin, en évoquant la nécessité d'établir un protocole pour l'entretien des murs mitoyens, l'expert a excédé la mission qui lui avait été assignée. C'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif a estimé qu'il ne pouvait percevoir d'honoraires à raison des investigations menées sur ces différents points. En revanche, la société publique locale de Dreux ne saurait utilement invoquer, pour établir l'exagération des honoraires de l'expert, le comportement de ce dernier qui, selon elle, aurait consisté à exacerber les mécontentements des personnes résidant à proximité du projet.

11. En dernier lieu, M. E...fait valoir qu'il a consacré 600 heures de travail à cette expertise et qu'il a dû employer des assistants pour la mener à bien. Cependant, ce volume horaire, ainsi qu'il vient d'être dit, n'a pas été uniquement employé pour l'accomplissement des missions qui lui avaient été imparties. Par suite, et à défaut pour ce dernier de produire une comptabilisation précise du temps de travail consacré aux missions qui lui avaient effectivement été confiées par le tribunal, ce volume horaire ne saurait suffire à justifier les honoraires demandés par l'intéressé.

12. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit précédemment et au fait, en particulier que l'expert n'ait pas accompli les missions consistant à produire un relevé structurel intégral des immeubles et à chiffrer les mesures de sauvegarde qu'il a préconisées, il sera fait une juste appréciation de l'importance et de l'utilité de l'expertise de M. E...en restreignant le montant des frais et honoraires dus à ce dernier à la somme de 18 000 euros HT.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral :

13. M. E...demande l'indemnisation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de la remise en cause de ses compétences et de la campagne de dénigrement dont il aurait fait l'objet de la part de la société publique locale de Dreux et du tribunal administratif de Poitiers.

14. Cependant, et d'une part, il ne saurait se prévaloir de la remise en cause de ses compétences par le tribunal administratif de Poitiers à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation de la SPL, à indemniser son préjudice moral. D'autre part, et en tout état de cause, eu égard à ce qui vient d'être dit, M. E...ne saurait se prévaloir du fait que la société publique locale de Dreux aurait injustement remis en cause ses compétences pour demander sa condamnation à l'indemniser de son préjudice moral.

15. Il résulte de ce qui précède que la société publique locale de Dreux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé à un montant supérieur à 18 000 euros HT, les frais et honoraires dus à M.E....

Sur les conclusions de la société publique locale de Dreux tendant à l'imputation des frais d'instance :

16. La société publique locale de Dreux demande que les frais qu'elle a exposés en première instance et en appel soient imputés sur les frais et honoraires de l'expert mis à sa charge. Cependant, et ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la liquidation des frais d'une expertise s'opère uniquement en fonction des critères limitativement énumérés par l'article R. 621-11 du code de justice administrative. Par suite, la SPL n'est pas fondée à demander que soit pris en considération le coût de la contestation, devant le juge, de l'ordonnance de taxation, pour réduire le montant des frais de l'expertise mis à sa charge.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. E... sur leur fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le montant des frais et honoraires dus à M. E...est fixé à la somme de 18 000 euros HT.

Article 2 : L'ordonnance de taxation du 19 novembre 2013 du président du tribunal administratif d'Orléans est annulée en tant qu'elle a fixé les frais et honoraires de l'expert à une somme supérieure à 18 000 euros HT.

Article 3 : Le jugement n° 1400013 du 18 décembre 2014 tel que modifié par l'ordonnance de rectification matérielle du 7 janvier 2015 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

6

N° 15BX00436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00436
Date de la décision : 20/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-05-10 Procédure. Jugements. Frais et dépens. Frais d'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL EDOU DE BUHREN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-20;15bx00436 ?
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