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13/12/2016 | FRANCE | N°14BX01984

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 13 décembre 2016, 14BX01984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT du CHU Pellegrin a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part la décision du 24 janvier 2013 par laquelle le responsable sécurité du centre hospitalier a décidé que le préavis de grève illimité pour les agents du service de sécurité incendie courant à partir du 4 décembre 2012 n'était plus valable, d'autre part, la décision du 21 février 2013 par laquelle l'attachée d'administration de la direction des ressources humaines du même établissement a décidé qu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT du CHU Pellegrin a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part la décision du 24 janvier 2013 par laquelle le responsable sécurité du centre hospitalier a décidé que le préavis de grève illimité pour les agents du service de sécurité incendie courant à partir du 4 décembre 2012 n'était plus valable, d'autre part, la décision du 21 février 2013 par laquelle l'attachée d'administration de la direction des ressources humaines du même établissement a décidé que le mouvement de grève illimité des agents de service hospitaliers courant à partir du 8 février 2013 avait pris fin le 20 février 2013 ainsi que la condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1301455 en date du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de la décision du centre hospitalier de Bordeaux en date du 24 janvier 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête du syndicat CGT du CHU Pellegrin.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des mémoires et mémoires de production de pièces, enregistrés les 7 juillet et 3 octobre 2014 ainsi que les 26 février et 23 juin 2015, le syndicat CGT CHU Pellegrin, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1301455 en date du 15 mai 2014 ;

2°) d'annuler la décision administrative du 21 février 2013 ;

3°) de condamner le centre hospitalier Pellegrin au versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les deux décisions attaquées ne peuvent être considérées comme de simple mesures d'informations mais sont décisoires et lui font grief et par là-même sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

- ces décisions ont été prises par des autorités incompétentes car seul le directeur de l'établissement peut prendre des décisions relatives au droit de grève ;

- il a bien un intérêt à agir contrairement à ce que soutient le CHU de Bordeaux ;

- les décisions litigieuses porte atteinte au droit de grève et par conséquent sont entachées d'une erreur de droit ainsi que d'un détournement de pouvoir car seuls les salariés et les représentations syndicales peuvent décider de la fin d'une grève ;

- l'instruction du mois de mai 2011 prise par le service des ressources humaines du CHU ne saurait avoir une valeur légale ; elle permet à l'administration d'interdire de manière illégale aux agents d'exercer leur droit constitutionnel de faire grève.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 septembre et 5 décembre 2014 ainsi que les 27 mars et 30 juillet 2015, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux Pellegrin représenté par la SELAS Barthelemy et associés, avocat, demande à la cour, d'une part, de rejeter la requête du syndicat CGT CHU Pellegrin, d'autre part, par la voie de l'appel incident, de procéder à l'annulation du jugement du 15 mai 2014 en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 24 janvier 2013 et enfin de condamner le syndicat CGT du CHU Pellegrin au versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 76-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- compte tenu de sa mission de service public et de son obligation de garantir la continuité du service, il a été amené à établir une instruction référencée, IN-GRH-005, soumise au comité technique d'établissement lors d'une réunion du 10 février 2011 concernant " les modalités d'organisation des services lors des grèves " qui prévoit notamment que lors du dépôt d'un préavis de grève reconductible, ce dernier devient caduc au premier jour sans gréviste recensé dans l'ensemble des services concernés par le préavis ; cette instruction n'a fait l'objet d'aucun recours alors qu'elle a été appliquée lors de plusieurs mouvements de grèves postérieurs à son élaboration ;

- les décisions attaquées sont de fait insusceptibles de faire grief car elles ne sont pas décisoires, pour n'être que des messages d'information, établissant un simple constat, en application de l'instruction IN-GRH-005 ;

- le syndicat CGT du CHU de Bordeaux n'a pas d'intérêt à agir à l'encontre de ces deux décisions, car à la date du recours, la contestation de ces deux décisions n'a plus d'intérêt ; par ailleurs, ces actes n'ont pas de valeur juridique dès lors qu'ils n'ont emporté aucune conséquence ni empêché les négociations de se dérouler ni, plus largement, porté atteinte au droit de grève ;

- le responsable de la sécurité ne détient pas de délégation de pouvoir ; cela ne peut donc avoir d'effet sur la légalité de la décision puisqu'elle n'est pas décisoire ; par contre l'attaché d'administration hospitalière, malgré le fait qu'elle a envoyé un message d'information, détient bien une délégation de signature du directeur général du CHU qui lui donne compétence à effet de signer des documents relatifs aux droits syndicaux et tenant à l'exercice du droit de grève ;

- la grève reconductible étant caractérisée par les arrêts de travail, le CHU de Bordeaux n'a pas porté atteinte au droit de grève des agents mais par l'application de son instruction IN-GRH-005 a tout simplement veillé au respect des règles en matière de préavis reconductible ;

- les attestations produites par le syndicat requérant censées démontrer l'atteinte à l'exercice du droit de grève sont postérieures à la décision de première instance et émanent d'agents qui n'étaient pas grévistes la veille de la journée constatant l'absence de personnels grévistes ;

- la mise en place d'un service minimum par le biais d'assignation répond aux besoins de continuité du service sans relation directe avec la légalité des décisions attaquées ;

- le syndicat requérant n'a pas déposé de préavis de grève reconductible postérieur aux décisions attaquées comme il en avait toute latitude.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour le syndicat (CGT) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Pellegrin et de Me A...pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux Pellegrin.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat confédération générale du travail (CGT) du centre hospitalier universitaire (CHU) Pellegrin, a déposé deux préavis de grève reconductible, un premier, le 26 novembre 2012, concernant les agents du service de sécurité incendie courant à partir du 4 décembre 2012 et un second, le 31 janvier 2013, concernant les agents des services hospitaliers à partir du 8 février 2013. Le responsable sécurité du CHU de Bordeaux après avoir constaté qu'aucun agent des services de sécurité ne s'était déclaré gréviste le 24 janvier 2013 a indiqué, par courriel du même jour, que ce préavis n'était plus valable. L'attachée d'administration de la direction des ressources humaines de l'établissement de Pellegrin a fait le même constat, par courriel du 21 février 2013, s'agissant des agents des services hospitaliers, en l'absence totale de grévistes pour la journée du 20 février 2013. Le syndicat CGT du CHU Pellegrin a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de ces deux actes. Le syndicat CGT relève appel du jugement n° 1301455 du 15 mai 2014 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions dirigées contre le courriel du 21 février 2013. Le CHU de Bordeaux forme appel incident contre le jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation du courriel du responsable de la sécurité du CHU de Bordeaux en date du 24 janvier 2013.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par le centre hospitalier universitaire de Bordeaux :

2. Le CHU de Bordeaux soutient que ces courriers électroniques des 24 janvier et 21 février 2013 constituent de simples messages rappelant l'état du droit et non des décisions faisant grief. Toutefois, il ressort de la lecture des deux messages litigieux qu'ils ne se bornent pas à faire un simple constat des personnels grévistes mais qu'ils posent le principe de la fin de la grève, par application de l'instruction interne IN-RGH-005 prise par la direction de l'établissement le 11 février 2011, applicable dès le mois de mars de la même année aux termes de laquelle, en cas de grève reconductible, " le préavis devient caduc au 1er jour sans gréviste recensé dans l'ensemble des services concernés par le préavis ". Ces actes emportent nécessairement des conséquences juridiques directes sur la situation des personnels désireux, durant ce préavis, d'être grévistes car en constatant la fin de la grève, elles positionnent obligatoirement les salariés qui feraient grève après leur intervention dans une situation illicite, avec comme conséquence, notamment, des retenues sur rémunération pour absence de service fait, voire l'infliction de sanctions. Par conséquent, ces décisions font grief et sont donc susceptibles de recours.

3. Le CHU de Bordeaux soutient que le syndicat requérant n'a pas d'intérêt à agir à l'encontre de ces deux décisions. Les deux messages litigieux, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ne sont pas sans incidence sur les droits et prérogatives des agents, alors qu'il est constant que le syndicat requérant a pour objet d'assurer la défense des intérêts collectifs des personnels du CHU de Bordeaux. Par suite ce syndicat est recevable à en demander l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 10 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent. ". En vertu de l'article L. 2512-2 du code du travail, applicables aux agents des établissements publics chargés de la gestion d'un service public, la cessation concertée du travail en cas de grève doit être précédée d'un préavis déposé par une organisation syndicale représentative. Aux termes de l'article L. 2512-3 du même code : " En cas de cessation concertée de travail des personnels (...), l'heure de cessation et celle de reprise du travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel intéressé./ Sont interdits les arrêts de travail affectant par échelonnement successif ou par roulement concerté les divers secteurs ou catégories professionnelles d'un même établissement ou service ou les différents établissements ou services d'une même entreprise ou d'un même organisme ". Aux termes de l'article L. 1321-3 dudit code : " Le règlement intérieur ne peut contenir : 1° Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ; 2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (...)"

5. Le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 qui se réfère à celui de la Constitution du 27 octobre 1946, indique que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. En l'absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels du pays. En l'état de la législation, il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et l'étendue de ces limitations pour les services dont l'organisation lui incombe en vue d'en éviter un usage abusif ou bien contraire aux nécessités de l'ordre public.

6. Il résulte de la combinaison des dispositions sus rappelées que les personnels, qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis, et qu'il n'appartient qu'à l'organisation syndicale qui a déposé le préavis de grève même reconductible d'y mettre un terme, seule, ou le cas échéant dans le cadre d'un accord passé avec l'entreprise dans le cadre de la négociation. Les dispositions précitées du code du travail, qui imposent le dépôt d'un préavis avant que les agents des services auxquels il s'applique ne puissent recourir à la grève et interdisent à ces agents certaines modalités d'arrêt du travail, se bornent à opérer sur deux points particuliers la conciliation entre la défense des intérêts des agents et la sauvegarde de l'intérêt général.

7. A cet égard, s'il appartenait au directeur général du centre hospitalier de Bordeaux de prendre des mesures nécessitées par le fonctionnement de ceux des services qui ne peuvent en aucun cas être interrompus, en imposant, en particulier, le maintien en service pendant les journées de grève d'un effectif suffisant pour assurer en particulier la sécurité physique des personnes et la continuité des soins, l'instruction IN-GRH-005 du 11 février 2011 émanant de la direction des ressources humaines du CHU de Bordeaux, dont il a été fait application en l'espèce, prévoit non seulement les procédures d'assignation en temps de grève mais aussi qu'une grève reconductible n'est plus couverte par le préavis dès le premier jour sans gréviste recensé, sans attendre de pouvoir constater qu'à l'issue d'une période significative au regard de l'organisation du service, aucun des agents concernés n'a cessé le travail alors qu'il se trouvait normalement en service.

8. Il est constant que, tant les agents du service de sécurité que ceux du service hospitalier, sont respectivement organisés en équipes qui se succèdent sur un cycle supérieur à 24 heures et en équipes du matin, de l'après-midi et de nuit. L'organisation de travail de ces agents constitués en équipes ne leur permet donc pas d'être tous physiquement présents dans l'établissement hospitalier sur les mêmes plages horaires et peut conduire un même agent à être absent du service durant des périodes d'au moins 24 heures. Ainsi, en ne prenant pas en compte un cycle de travail complet pour chaque corps de métiers, la direction du CHU de Bordeaux a fait obstacle à l'exercice du droit de grève par les agents qui étaient absents le jour du constat de l'absence de gréviste et qui souhaitaient faire grève ultérieurement. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la continuité du service n'aurait pas pu être assurée par des mesures moins restrictives ni qu'un éventuel usage abusif du droit de grève n'aurait pas pu être évité par de telles mesures.

9. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le syndicat CGT du CHU de Bordeaux est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation à la décision du 21 février 2013 et, d'autre part, que le CHU de Bordeaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 24 janvier 2013 de son responsable sécurité.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat CGT du CHU Pellegrin la somme que demande le CHU au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement intimé le versement au syndicat requérant d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal de Bordeaux du 15 mai 2014, en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande dirigées contre la décision du 21 février 2013, ainsi que cette décision du 15 février 2013, sont annulées.

Article 2 : L'appel incident du CHU de Bordeaux est rejeté.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Bordeaux versera au syndicat CGT du CHU Pellegrin une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6

No 14BX01984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01984
Date de la décision : 13/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - DROIT DE GRÈVE - LIMITATIONS DU DROIT DE GRÈVE - ACTE PAR LEQUEL L'ADMINISTRATION CONSTATE L'ABSENCE DE GRÉVISTE DANS UN SERVICE ET EN TIRE LA CONSÉQUENCE DE LA CADUCITÉ DU PRÉAVIS - ACTE FAISANT GRIEF - OUI.

36-07-08-01 L'acte par lequel la direction d'un centre hospitalier constate d'absence de gréviste dans un service et en déduit que le préavis de grève est caduc emporte des conséquences juridiques pour les agents qui, s'ils faisaient grève après ce constat, seraient placés dans une situation illicite et encourraient des sanctions. Il s'agit donc d'un acte faisant grief et, par conséquent, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - DROIT SYNDICAL.

36-07-09


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP GUEDON et MEYER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-13;14bx01984 ?
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