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29/11/2016 | FRANCE | N°16BX02490

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2016, 16BX02490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 du préfet de la Gironde ordonnant son transfert aux autorités italiennes ensemble l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1602302 du 26 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016, MmeC..., représent

par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 du préfet de la Gironde ordonnant son transfert aux autorités italiennes ensemble l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1602302 du 26 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016, MmeC..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 mai 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 23 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer et d'examiner sa demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à l'avocat de la requérante de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et à défaut d'octroi de ladite aide, le paiement de la même somme au profit de la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Didier Péano a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., de nationalité nigériane, a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 30 octobre 2015. Elle s'est présentée le 5 novembre 2015 auprès des services de la préfecture de la Gironde pour solliciter l'asile. Un relevé de ses empreintes digitales a été effectué conformément au règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil de l'Union Européenne du 26 juin 2013, dit " Dublin III ", établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Les recherches entreprises sur le fichier européen EURODAC à partir de ce relevé ont révélé que ses empreintes étaient identiques à celles saisies le 18 septembre 2015 par les autorités italiennes. Après avoir placée Mme C...sous convocations, le préfet de la Gironde a saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge en application de l'article 18-1 du règlement (UE) n° 604/2013. Ayant pris connaissance le 26 janvier 2016 de l'accord explicite des autorités italiennes, le préfet de la Gironde a, par courrier du 26 janvier 2016, informé Mme C... qu'elle pouvait faire l'objet d'une remise exécutoire d'office aux autorités italiennes à tout moment, notamment lors d'une présentation en préfecture. Le 23 mai 2016 le préfet de la Gironde a pris deux arrêtés, l'un portant remise de Mme C...aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, l'autre, la plaçant en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours. Mme C...a déféré les deux arrêtés du 23 mai 2016 devant le tribunal administratif de Toulouse et relève appel du jugement n° 1602302 du 26 mai 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur l'arrêté portant remise de Mme C...aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, l'arrêté a été signé par M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture, qui disposait d'une délégation consentie par un arrêté du 28 novembre 2015, régulièrement publié dans le numéro 2015-115 du recueil des actes administratifs de la préfecture. Cet arrêté était toujours en vigueur à la date d'édiction de l'arrêté portant remise de Mme C...aux autorités italiennes. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait.

3. En deuxième lieu, Mme C...soutient que l'arrêté méconnaît le droit à l'information prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'il n'est pas justifié qu'elle a reçu notification, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer que cela soit le cas, de l'ensemble de ses droits. Mais il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que la préfecture de la Gironde met à la disposition des demandeurs d'asile le guide du demandeur d'asile et une brochure d'information concernant la procédure du règlement (UE) n° 604/2013, dans différentes versions notamment une rédigée en langue anglaise que Mme C...a déclaré comprendre. Ce dernier document comporte les informations mentionnées par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. De plus, Mme C...a été informée, par courrier du 26 janvier 2016, qu'elle pouvait faire l'objet d'une remise exécutoire d'office aux autorités italiennes à tout moment, notamment lors d'une présentation en préfecture, puis par courrier du 19 avril 2016 qu'elle serait remise aux autorités italiennes dans un délai de six mois à compter du 26 janvier 2016 précisant que " conformément aux articles L. 742-1 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette décision peut être exécutée par l'administration lors d'une prochaine présentation en Préfecture après que vous ayez été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir votre consulat, un conseil ou toute autre personne de votre choix. Aussi, en cas de mise à exécution de votre réadmission vers l'Italie, je vous informe de votre éventuelle prise en charge par la police aux frontières et le cas échéant de votre assignation à résidence ou de votre placement en centre de rétention administrative dans l'attente de l'organisation de votre départ. Enfin, je vous informe que conformément à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, vous disposez de 15 jours pour faire d'éventuelles observations à compter de la notification de cette information ". Ainsi Mme C...a bénéficié d'un délai raisonnable pour prendre connaissance de ces informations avant l'intervention de l'arrêté du 23 mai 2016, lequel lui a été remis par le truchement d'un interprète en langue anglaise qu'elle a déclaré comprendre et ayant été dès lors mise en mesure de formuler utilement des observations dans des délais suffisants, elle n'a pas été privée de la garantie procédurale consistant en un accès, dans une langue qu'elle est susceptible de comprendre, aux informations qui doivent être portées à sa connaissance en application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

4. En troisième lieu, Mme C...soutient que l'arrêté méconnaît l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que s'il mentionne en son article 2 que le transfert aura lieu dans différents délais qui sont mentionnés, il n'y a ni aucune information concernant les modalités de transfert de responsabilité en cas d'inexécution de la remise aux autorités de l'Etat responsable dans les délais impartis ni aucune information relative au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si elle désire se rendre par ses propres moyens dans l'état membre responsable. Toutefois l'arrêté qui expose dans son article 1er que " Madame C...A...est transférée aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, après qu'elle ait été mise en mesure de présenter ses observations et avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute autre personne de son choix ", dans son article 2, que " Le transfert de la susnommée vers le territoire de l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit avoir lieu dans les 6 mois suivant l'accord des autorités requises soit avant le 26 juillet 2016. Ce délai peut être porté à 12 mois en cas d'emprisonnement et à 18 mois en cas de fuite en application de l'article 29.2 du règlement UE n° 604/2013 susvisé ", dans son article 3, que " Si elle entend contester la présente décision administrative, elle a la possibilité de former un recours administratif dans le délai de deux mois : Soit un recours gracieux auprès du Préfet de la Gironde, (2 Esplanade Charles de Gaulle CS41397-33077 BORDEAUX CEDEX). Ce recours doit être écrit et exposer les arguments et faits nouveaux. Elle est priée de bien vouloir joindre à son recours une copie de la décision contestée. Soit un recours hiérarchique auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration - Place Beauvau, 75800 Paris Cedex 08. Ce recours doit être écrit et exposer les arguments et faits nouveaux. Elle est priée de bien vouloir joindre à son recours une copie de la décision contestée. Si elle entend contester la légalité de la présente décision, elle peut, dans un délai de 15 jours, former un recours devant la juridiction administrative par un écrit, si possible dactylographié, contenant l'exposé des faits et des arguments juridiques précis qu'elle invoque. Ce recours doit être enregistré au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, (9, rue Tastet, BP 947, 33063 BORDEAUX Cedex " et ajoute que " En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence notifiée concomitamment, elle peut demander l'annulation de la présente décision de remise dans les 48 heures suivant sa notification en application du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de transfert ne peut dire exécutée ni avant l'expiration du délai de recours ni avant que le tribunal administratif n'ait statué " comporte l'ensemble des mentions exigées par les dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013.

5. D'autre part ainsi qu'il a déjà été dit, Mme C...a été informée, par courrier du 26 janvier 2016, qu'elle pouvait faire l'objet d'une remise exécutoire d'office aux autorités italiennes à tout moment, notamment lors d'une présentation en préfecture, puis par courrier du 19 avril 2016 que la décision de remise aux autorités italiennes pouvait être exécutée d'office par l'administration lors d'une prochaine présentation en préfecture après qu'elle ait été mise en mesure d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix et qu'elle ait disposé d'un délai de quinze jours pour faire valoir d'éventuelles observations. Il n'est pas contesté que Mme C...n'a pas fait valoir d'observations dans le délai qui lui était imparti. Par suite, et dès lors que les autorités italiennes ont donné leur accord pour reprendre en charge MmeC..., le préfet de la Gironde pouvait légalement faire exécuter d'office l'arrêté du 23 mai 2016 portant remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il suit de là qu'en tout état de cause, Mme C...n'est pas fondée à faire valoir qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de quitter volontairement le territoire national et de se rendre par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable de sa demande d'asile.

6. En quatrième lieu, Mme C...soutient que l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 dès lors qu'elle ne s'est jamais vu notifier quelque information que ce soit à ce titre, et notamment l'identité du responsable de son dossier et qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure de transfert, ni d'une procédure de détermination de l'Etat responsable dans la mesure où elle n'a pas présenté de demande d'asile en Italie, seules ses empreintes ayant été prises. Toutefois l'arrêté désigne clairement l'Italie comme Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et il résulte tant des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 selon lequel " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / (...) " que des termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. " que peut être désigné Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile dans l'Union européenne, soit le pays dans lequel l'étranger est entré dans l'Union européenne et dans lequel il a été contrôlé soit l'Etat qui lui a accordé un visa ou un titre de séjour. Ainsi la circonstance, à la supposer établie, que Mme C...qui est entrée dans l'Union européenne en Italie, n'y aurait pas présenté de demande d'asile est sans incidence sur la légalité de la désignation de cet Etat en tant qu'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile qu'elle a présentée le 5 novembre 2015 auprès des services de la préfecture de la Gironde et sur la légalité de l'arrêté portant remise à cet Etat.

7. En cinquième lieu, Mme C...soutient que les conditions d'accueil en Italie ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 3 § 2 alinéa 2 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que l'Italie fait face à un afflux massif de migrants et principalement de demandeurs d'asile en sorte que l'ensemble de son système est débordé, raison pour laquelle elle a sollicité, et obtenu d'ailleurs, l'assistance de l'Europe. Aux termes du 2 de l'article 3 de ce règlement (UE) : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". L'Italie est un membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En se bornant en l'espèce à faire état, dans sa requête d'appel, d'un " afflux massif de migrants et principalement de demandeurs d'asile ", MmeC..., qui a séjourné en Italie avant son entrée en France, n'établit pas qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur l'arrêté plaçant Mme C...en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours :

8. En premier lieu, Mme C...soutient que l'arrêté la plaçant en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours méconnaît l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors qu'à aucun moment le préfet ne justifie de la nécessité du placement en rétention, alors qu'elle s'est toujours rendue aux convocations qui lui étaient données et qu'elle présente des garanties de représentation suffisantes pour avoir déclarée une adresse à laquelle elle a été effectivement convoquée. Aux termes de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Placement en rétention / 1. Les états membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. / 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. / (...) ". Il est constant que Mme C...est entrée irrégulièrement sur le territoire français et ne dispose pas de document de voyage ou d'identité en cours de validité. Dans ces conditions, la seule circonstance qu'elle bénéficie d'une adresse postale ne permet pas d'établir qu'elle dispose d'un lieu de résidence stable et effectif alors qu'elle a par ailleurs déclaré " dormir dans une église avec d'autres personnes ". Par suite, et alors même qu'elle s'est présentée spontanément aux convocations de la préfecture, Mme C... ne présente pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'elle se soustraie à la mesure de remise aux autorités italiennes dont elle a fait l'objet. En conséquence, en décidant son placement en rétention, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article 28 du règlement(UE) n° 604/2013.

9. En second lieu, Mme C...soutient que la décision de placement en rétention est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un recours effectif au sens de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit : " (...) / 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " et que les conditions de son interpellation étaient largement contestables comme l'a constaté le juge des libertés et de la détention, intervenu postérieurement.

10. D'une part, les dispositions des articles L. 512-1 et suivants et L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'étranger placé en rétention administrative peut contester cette décision, dans un délai de quarante-huit heures, devant le président du tribunal administratif, qui statue dans un délai de soixante-douze heures, y compris le cas échéant à l'appui d'une demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement concernée pour laquelle le recours a un effet suspensif et que cette mesure privative de liberté ne peut être prolongée au-delà de cinq jours que sur décision du juge des libertés et de la détention, qui statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine. Le législateur a ainsi entendu, dans le respect des règles de répartition des compétences entre les ordres de juridiction, que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures administratives relatives à l'éloignement des étrangers avant que n'intervienne le juge judiciaire. En organisant ce contentieux, le législateur a eu pour but de garantir l'examen prioritaire de la légalité de ces mesures et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de permettre un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statuant alors au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. Les stipulations de l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions distinctes qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté plaçant Mme C...en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours aurait été pris sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. D'autre part, l'arrêté plaçant Mme C...en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours précise que " si elle entend contester la légalité de la présente décision, elle peut, dans un délai de 48 heures, former un recours devant la juridiction administrative par un écrit, si possible dactylographié, contenant l'exposé des faits et des arguments juridiques précis qu'elle invoque. Ce recours doit être enregistré au greffe du tribunal administratif de Toulouse (...). Le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative suspend l'exécution de la décision d'éloignement jusqu'à ce qu'il y soif statué par le Président du Tribunal Administratif ". Dans ces conditions, l'arrêté plaçant Mme C... en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours qui lui a été remis par le truchement d'un interprète en langue anglaise qu'elle a déclaré comprendre, comporte les informations qui doivent être portées à sa connaissance et ne l'a privée d'aucune des garanties de procédure prévues en application des stipulations du paragraphe 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Enfin, il ne ressort pas de l'office du juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions de l'interpellation et de la garde à vue qui ont, le cas échéant, précédé le placement en rétention d'un étranger en situation irrégulière. Par suite, les conditions de l'interpellation de Mme C...sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté la plaçant en centre de rétention administrative. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme C...aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies et sa demande tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle doit être rejetée.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

2

N° 16BX02490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02490
Date de la décision : 29/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-29;16bx02490 ?
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