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29/11/2016 | FRANCE | N°15BX01974

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2016, 15BX01974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre d'annuler l'arrêté du 7 août 2014 par lequel le préfet de la Guadeloupe l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité.

Par un jugement n° 1400807 du 9 avril 2015 le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 15 juin 2015, le 22 juill

et 2016 et le 13 septembre 2016, MmeD..., représentée par Me A...B..., demande à la cour, dans le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre d'annuler l'arrêté du 7 août 2014 par lequel le préfet de la Guadeloupe l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité.

Par un jugement n° 1400807 du 9 avril 2015 le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 15 juin 2015, le 22 juillet 2016 et le 13 septembre 2016, MmeD..., représentée par Me A...B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 9 avril 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 7 août 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.

......................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les observations de Me A...-B..., représentant MmeD....

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante haïtienne, est entrée sur le territoire français en mars 2010 selon ses déclarations. Elle y a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 novembre 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 15 juillet 2014. Le 7 août 2014, le préfet de la région Guadeloupe a pris à l'encontre de Mme D...un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi. Mme D...relève appel du jugement rendu le 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 août 2014.

Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de la région Guadeloupe :

2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Aux termes de l'article R. 811-5 du même code, applicable à l'appel : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis. ". Aux termes de l'article R. 421-7 dudit code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine (...) le délai de recours (...) est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent ...(... ". En application de ces dispositions, Mme D...disposait d'un délai de deux mois pour faire appel du jugement du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande.

3. Toutefois ce délai d'appel est susceptible d'être prorogé dans les conditions définies par l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 aux termes duquel : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle (...) Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 9 juin 2015, soit dans le délai d'appel de deux mois à compter de la notification du jugement de première instance rendu le 9 avril 2015. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale lui a été accordé par une décision du 22 juillet 2015. Ainsi, la requête d'appel, enregistrée dès le 15 juin 2015, soit dans le délai de recours d'appel, n'est pas tardive. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la région Guadeloupe, tirée de la tardiveté de la requête d'appel, doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier, lesquelles sont suffisamment précises et circonstanciées sur ce point, que Mme D...vit maritalement avec un compatriote, M. E..., depuis le mois de juin 2012 au moins, soit depuis plus de deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Le 19 décembre 2010, Mme D...a donné naissance à une fille que son conjoint a reconnue et qui est scolarisée depuis l'année 2013. Mme D...était également enceinte au 7 août 2014, date de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre, et son fils, né le 13 mars 2015, a également été reconnu par M.E.... Par ailleurs, il est constant que ce dernier séjourne régulièrement sur le territoire français et qu'il est employé comme manoeuvre par une entreprise du secteur des bâtiments et travaux publics avec laquelle il a signé un contrat de travail à durée indéterminée. Par suite, Mme D...justifie avoir noué en France une relation familiale suffisamment ancienne et stable.

7. Ainsi l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme D...est de nature à faire obstacle à la poursuite des relations que cette dernière a nouées avec son conjoint et ses enfants. Au regard des circonstances particulières de l'espèce, cette décision porte à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour ce motif elle doit être annulée et il en va de même, par voie de conséquence, de la décision désignant le pays de renvoi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet délivre à Mme D...un titre de séjour portant la " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de l'avocat de Mme D...sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1400807 rendu le 9 avril 2015 par le tribunal administratif de Basse-Terre est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la région Guadeloupe du 7 août 2014 est annulé.

Article 3 : Il est prescrit au préfet de la région Guadeloupe de délivrer à Mme D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me A...-B... au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

2

N° 15BX01974


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01974
Date de la décision : 29/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : AUTEF

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-29;15bx01974 ?
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